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J'ai fait du théâtre
au cinéma, dans "Le dernier métro". Cela m'a
déjà beaucoup coûté... Pour moi, la scène
théâtre est une espèce de trou noir. [...] Jouer
une actrice qui joue ? J'aurais déjà un paravent qui
me protégerait. Et puis il y a la caméra, qui, pour
moi, est une chose amie. Il me faut des paravents, des couvertures
qui m'évitent d'être en contact avec le public. |
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J'ai souffert dans les scènes de théâtre
du "Dernier métro" comme j'ai rarement souffert. |
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Je sais que c'est en contradiction
avec mon métier, mais un regard posé sur moi me gêne.
C'est sans doute pour ça d'ailleurs que je ne veux pas faire
de théâtre. Il y a un malentendu dans ma carrière.
Tenez, dans "Le dernier métro", j'ai dû jouer
sur scène. Le public, c'étaient des figurants, d'accord,
mais c'était un public quand même. J'étais très
malheureuse, très gênée. Tous les acteurs que
je connais, et qui font du théâtre, me disent que c'est
un moment extraordinaire et merveilleux, en dépit du trac,
quand ils montent sur scène. Moi, ça me semble une chose
impossible, surhumaine. Je suis masochiste, mais pas à ce point-là. |
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C'est vrai que les actrices
de cinéma et de théâtre sont très différentes.
Je comprends qu'on puisse penser qu'une actrice de cinéma ne
peut pas faire de théâtre et réciproquement. Quelquefois,
je trouve des acteurs formidables au théâtre et quand
je les vois au cinéma, je me dis que ce n'est pas du tout le
même genre. Ce n'est pas le problème de savoir lequel
est le plus sérieux ou le plus important. Le théâtre
reste quelque chose de très stylisé, où il faut
exprimer les choses beaucoup plus. Alors qu'au cinéma, c'est
le contraire : plus on garde, mieux c'est - puisque la caméra
vient tout capter. Le cinéma, quand ça marche, c'est
une loupe. Ce sont deux disciplines très contradictoires, à
l'opposé l'une de l'autre en ce qui concerne le jeu de l'acteur. |
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Une actrice de cinéma,
on a toujours l'impression que quelque chose peut se prolonger avec
elle... Avec une actrice de théâtre, c'est difficile
de se dire "Tiens, demain, cette femme, si je la rencontrais
à l'aéroport ?" Le théâtre ne provoque
jamais ce genre de transfert. [...] Au théâtre, même
quand c'est formidable, même si on est ému, on reste
quand même toujours spectateur. [...] Au théâtre,
sûrement à cause des lumières, du velours rouge,
je reste une spectatrice, une spectatrice privilégiée
mais une spectatrice. Au cinéma, je deviens héroïne
de l'histoire, je suis prise. |
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Ça m'attire beaucoup
mais, en même temps, il y a quelque chose qui me bloque. Mon
angoisse est d'être sur scène devant des gens. Le cauchemar
que je fais tout le temps, c'est que je joue au théâtre,
que je ne sais pas le texte qu'on n'a pas répété
et que je dis "Je ne peux pas monter sur scène ! On n'a
pas travaillé !" |
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C'est pour ça que
j'aime le cinéma : au cinéma, on joue ; au théâtre,
on travaille... |
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C'est d'ailleurs ce qui
m'empêche de faire du théâtre, cette idée
que c'est définitif, sans parler de la présence directe
du public. |
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Je ne supporte pas la
présence physique des spectateurs. J'ai l'impression que, jamais,
je ne pourrais dominer le trac qui m'envahit, sentir les gens dans
le noir, qui vous regardent... |
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J'y reste spectatrice,
je ne monterai jamais sur une scène. J'aurais trop peur d'affronter,
même muet, un jugement si vivant et si proche. |
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Je ne dis pas "jamais", je dis "pas
pour l'instant". J'aime bien le théâtre, j'y vais,
mais je ne suis pas prête à en faire. |
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Franchement, je n'envisage
pas le théâtre. Et encore moins aujourd'hui ou tout le
monde en fait. Ce n'est pas l'orgueil qui consisterait à dire
que je ne suis pas tout le monde, mais cette idée selon laquelle
le théâtre deviendrait presque une obligation. Vous savez,
comme au jeu de l'oie, ce serait la case incontournable, et ça
je refuse : je préfère passer pas la prison (rires)...
Et puis je ne suis pas quelqu'un de très courageux, je sais
que je ne peux pas me contrôler, j'ai trop le trac, je sais
que je ne peux pas me faire confiance. |
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Le problème,
c'est qu'on ne vous présente pas le théâtre comme
un risque mais comme une fatalité, en vous disant : voilà
le moment d'aller sur scène parce que c'est le seul moyen pour
une actrice de cet âge d'exister en tant que femme, etc. Cette
idée-là m'exaspère tellement, sauf si le choix
est personnel, cela peut représenter aussi une possibilité
de trouver des rôles qu'on ne trouve plus au cinéma,
on peut se tourner alors vers le répertoire. Mais moi, ce n'est
pas mon truc le théâtre, je m'en rends compte. J'ai vraiment
du mal pour parvenir à m'investir complètement comme
spectatrice au théâtre, à trouver ça bien.
Et puis je sens que ce n'est pas pour moi. |
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Vieillir au cinéma
est par ailleurs très cruel à cause des films anciens
que la télévision rediffuse. Le théâtre
est moins féroce. Mais je ne vais tout de même pas aller
au théâtre comme on va à l'hospice, pour faire
une fin. |
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Je ne vois pas pourquoi
j'irais souffrir pour prouver quoi que ce soit, que je peux aussi
faire du théâtre comme si vraiment la finalité
d'une actrice était de parler anglais, faire du théâtre,
et savoir éventuellement chanter aussi si elle peut... Je ne
pense pas qu'on puisse tout faire avec le même bonheur. |
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Ne pas faire du théâtre
aujourd'hui, je m'en rends compte, c'est presque une tare. Les gens
qui m'aiment me répètent que c'est en tout cas un manque.
Ce qui me plairait surtout, c'est l'idée de la troupe, des
répétitions... |
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Peut-être qu'un
jour, je dirai oui. Je ne sais pas. Ce n'est pas sûr. Pour l'instant,
c'est une envie qui n'est pas assez grande, et un trac beaucoup plus
grand que l'envie. Je ne me sens pas prête à affronter
cela. |
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II est possible que dans
quelques années je sois tout à fait rassurée,
que ma peur se calme. Remarquez, je n'en prends pas tellement le chemin.
Au contraire, je suis de plus en plus inquiète. C'est comme
si j'étais à un procès. Une chose qu'on ne contrôle
pas. Une douleur abominable. Il m'est arrivé de l'avoir plusieurs
fois, bien que ce soit rare en plein tournage. C'est un sentiment
vraiment affreux, une douleur. D'un seul coup, vos nerfs vous lâchent.
On a des tremblements, des sueurs froides, c'est affreux, affreux
! |
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Mon envie ne va pas jusqu'à
vouloir passer deux heures sur scène. Et quand je pense aux
deux heures qui précèdent le lever le rideau, quel cauchemar
! |
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Si un jour je dois jouer
au théâtre, je veux que ce soit vraiment du théâtre
et non pas un rôle contemporain avec une écriture proche
du cinéma. Cela dit, il y a plus de chances que j'aille à
la télévision qu'au théâtre ! |
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Je devine qu'un grand
plaisir m'attend, si j'ose. Tout commencera par un texte ; bien sûr,
quand l'amour d'un texte sera plus fort que la très grande
peur dont vous parliez, j'irai. |
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Il y a dix ans, sans doute
n'aurais-je même pas osé jouer Marie Bonaparte. Je ne
me serais pas sentie assez forte. La scène, il n'en était
pas question. Mais avec le temps une angoisse s'est dissipée
et qui sait... En tout cas le théâtre n'est plus de l'ordre
de l'exclusion absolue ! |
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Le cinéma et le théâtre
n'ont rien à voir. Un jeu théâtral au cinéma
reste du cinéma. Ce qui me fait peur au théâtre,
c'est l'unité de lieu, le fait qu'il faut tout prévoir
et décider en amont, que tout est préparé,
qu'on fait toujours la même chose. J'ai un peu de mal avec
ça, et avec le trac d'être devant des gens, au centre
de la scène. Je ne m'imagine toujours pas aujourd'hui faire
du théâtre.
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Catherine Deneuve, Dossier de
presse de "Potiche"
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Le seul endroit où Catherine ait jamais
joué sur une scène de théâtre... c'est au
cinéma !!!
Dans
"Le dernier métro", elle joue une directrice de
théâtre qui donne la réplique à Gérard
Depardieu ; dans "Est-Ouest",
elle incarne une comédienne de théâtre en tournée
en Russie ; enfin, dans
"Je rentre à la maison", elle joue dans "Le
roi se meurt" avec Michel Piccoli.





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