Sa carrière / Propos sur le cinéma / La longévité
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Je n'ai que 26 ans. Je ne me sens pas concernée par la vieillesse. J'ai trop d'activités pour penser à ce problème lointain. Qui sait. en vérité, si je ne jouerai pas un jour les grand-mères au cinéma ?

J'ai passé trente ans, et, c'est vrai, cela m'a fait un petit choc... Dans, la vie d'une femme, il y a deux versants : quand on arrive en haut d'un versant, il faut savoir, ensuite, redescendre. Trente ans, c'est un cap... de plénitude, sans doute. Mais c'est un cap... Il est toujours difficile, pour une femme, pour une actrice surtout, de bien vieillir. Je parle là d'un point de vue superficiel, physique, mais qui compte beaucoup, lorsqu'on fait ce métier. Je pense à de nombreux exemples de femmes qui éprouvent, elles-mêmes, une certaine difficulté à avancer en âge ou dont le public accepte mal qu'elle vieillissent au cinéma. Ce qui me paraît un peu injuste car les hommes, les acteurs, on ne les situe jamais par rapport à leur âge. Pour les femmes, il en va tout autrement.


Ne plus être désirable est horrible pour n'importe quelle femme. Il est inutile de lutter, de tenter vainement de se soustraire à ce destin. Moi, j'en suis consciente, je le sais, je m'en accommode. J'écarte de plus en plus de photos, ça oui ! Mais en quinze ans, je n'ai pas l'impression d'avoir bougé ni dans ma tête, ni physiquement. D'ailleurs, je ne me vois plus dans ma glace le matin. Si je raffolais des mondanités, je m'en apercevrais dans le regard des autres. Or, je ne sors qu'avec mes proches, mes intimes. Dans leurs yeux, je ne décèle rien que chaleur et tendresse. Je me préserve ainsi. Je compense et c'est une compensation sacrement enrichissante.


Je ne veux surtout pas y penser. On ne sait jamais comment les années vont vous transformer et comment vous l'accepterez. Je trouve la sérénité entourée de ma famille, de mes enfants, de mes fleurs.
Catherine Deneuve, citée dans Voici 1988

De nombreuses comédiennes, en effet, se plaignent des difficultés liées à l'âge. Le désir de rester jeune tourne ici, en Californie, à l'obsession. Cela dépasse les limites de l'entendement. Fort heureusement, en Europe, les hommes et les femmes mûrs sont appréciés par le public. Ils représentent une sorte d'accomplissement, d'aboutissement, de réalisation de soi. La maturité est gratifiante, attirante même. En tout cas, pour moi, ce n'est pas une tare. Rester jeune à tout prix, vous ne trouvez pas cela terrifiant ?

Ce sont les autres qui ne veulent pas vous voir vieillir, qui veulent conserver le passé. Il faut avoir la lucidité de sentir les choses que l'on ne peut plus faire mais c'est difficile quand les autres insistent : "Mais non, tu te trompes, tu es encore si belle, tu peux encore faire ça". C'est difficile de résister à ce discours qu'on a encore envie d'entendre. J'espère que je saurai m'armer pour ce tournant.

Plus on fait de films, plus on avance, plus on est sensible à la qualité des choses, parce qu'on se rend compte que c'est rare. Au début, dans les premières années, tout semble plus simple, ou c'était moi qui me posais moins de questions, mais tout paraissait plus évident, surtout quand on a la chance de faire, jeune, des films importants ; on croit que c'est toujours comme ça, le cinéma. Au fur et à mesure, on se rend compte que c'est extrêmement difficile de trouver de bons scénarios. Ce n'est pas tant le problème des rôles que celui des histoires.

Les mouvements féministes luttent beaucoup pour donner Ie droit aux femmes de vieillir. Bon, il est évident que le cinéma, il ne faut pas l'oublier, c'est visuel et qu'il serait désagréable de montrer des actrices non pas âgées, mais vieillissantes et supportant mal de vieillir, je veux dire prolongées dans des rôles de femmes mûres et essayant de jouer les vamps. C'est ça qui est en train de disparaître quand même.

Je ne veux pas faire de cinéma comme une chose imposée dans le seul souci de durer à l'image. Une actrice dont on dit qu'elle dure, quelle horreur, cette expression !

Pour durer, un acteur doit avoir une autre image de ce qu'il est. C'est comme le saut en parachute. Plus on saute, plus on a peur. Ça m'arrive d'avoir très peur, le trac. Ma timidité, c'est d'affronter les autres. Je rougis souvent. Je préférerais blanchir, c'est plus discret [du coup, elle rougit].

Un physique, un corps, ça se gère. C'est un capital. Quoi qu'on en dise, un film passera toujours par un visage, des yeux, une voix. Dans les films comme dans la vie, son physique pour une femme peut devenir une source de complication et de ruine si elle n'évolue pas avec lui. On n'a pas à 45 ans la même forme de beauté qu'à 25. Il faut trouver un caractère, une personnalité qui vous permettent de supporter le regard des autres. C'est plus dur si on a été jolie.
Catherine Deneuve, Elle 1991

Avancer ! C'est mon truc dans la vie. Ne pas me laisser piéger par une image. Je ne veux pas commencer à décaler mon image-photo de mon image réelle. Ni courir après quelque chose qui ne corresponde pas à mon évolution. Bien sûr, j'essaie de retarder, les échéances. Mais j'espère franchement arriver à m'en accommoder. Enfin, comme tout le monde il y a des jours où je m'en accommode mieux que d'autres.
Catherine Deneuve, Elle 1991



Le cinéma, comme disait François, c'est pas la vie, donc vous pouvez très bien tricher sur certaines choses, et comme je n'ai pas envie d'arrêter de faire du cinéma, j'essaierai de prolonger le plus possible une certaine période avant de tomber dans un autre registre que je ne sens pas du tout actuellement. C'est vrai que dans la vie, je suis mère d'un fils de vingt ans, mais je n'ai pas tellement envie de jouer ça au cinéma ! Pas par coquetterie, mais parce que je pense que j'ai encore le temps au cinéma de faire tout ça, je veux gagner du temps. Parce qu'il y a encore d'autres choses que j'ai envie de faire.

On sait qu'il est difficile pour une femme de vieillir. Combien plus pour une actrice ! Delon avec ses cernes et ses cheveux grisonnants est aussi intéressant qu'il y a vingt ans ; un homme marqué, on lui trouve du charme. Une femme, on la trouve pathétique.

II est plus difficile pour une actrice de vieillir au cinéma que pour un acteur puisque les rides font encore soi-disant partie du charme masculin, mais ça c'est vieux comme le monde. Ce n'est pas en parlant que ça changera, c'est en habituant les gens à voir d'autres visages. Dans le star-system, une actrice après 35 ans devait trouver un autre emploi.

Quant au tournant, il est trop tard. Je suis dans la dernière ligne droite, avec peut-être parfois un virage sur l'aile. Mais je ne raisonne plus en disant : il faut que j'évolue de telle ou telle façon. Et je ne fais pas un film pour faire un film de plus.

[à propos du vieillissement]
C'est la chose la plus cruelle, la plus injuste, la plus dure, surtout pour les femmes. C'est vrai que j'y pense, que ça me préoccupe. Cela ne m'angoisse pas encore, mais j'y pense beaucoup et je sais qu'il n'y a pas de remède. Ce que j'espère - des amies qui sont des femmes plus avancées en âge que moi, me le disent - c'est qu'avec l'âge, on voit les choses différemment. Heureusement, c'est une compensation. Pour l'instant, ce sont des questions que je n'aime pas me poser. Je ne sais pas comment je me verrai dans cinq ou six ans, comment je supporterai de me voir vieillir dans les yeux des autres, comment je réagirai. Je ne pas quelle est la meilleure façon de se protéger, de se préparer à ça. On peut se dire : ce sont des choses que je repousse, mais je sais que ça arrivera. Il y a des jours où ça m'angoisse, il y a des jours ou ça passe. J'espère que l'autre versant de ma vie, qui n'est pas ma vie d'actrice, m'aidera à prendre le virage. [...]

C'est une chose très difficile avec laquelle j'essaie de vivre le mieux possible. C'est un des grands problèmes des actrices, à un moment de leur vie. Une chose à laquelle on ne peut pas échapper, avec laquelle il faut vivre, et contre laquelle on ne cesse de lutter. Toutes les femmes qui disent que ce n'est pas un problème sont des menteuses. C'est encore plus douloureux pour les actrices, et ça l'est aussi pour les hommes. Le cinéma reste avant tout une chose visuelle. [...] Il faut bien reconnaître qu'à un moment, les rôles sont quand même beaucoup moins intéressants pour les actrices que pour les acteurs. Curieusement, on attribue l'âge de maturité à un homme vers la cinquantaine, ce qui est synonyme de complexité, de richesse du personnage. Alors que pour les femmes, il y a toujours cette idée de séduction.

J'espère que j'arriverai à le gérer au mieux, et surtout que je ne ferai jamais la connerie de croire que je peux avoir l'air de ce qu'on me dit que je suis, alors que je ne le suis plus. J'espère m'aimer assez pour me supporter vieillissante. J'espère avoir toujours une longueur d'avance, un avantage de lucidité sur ce que je lirai dans les yeux des autres. J'ai bon espoir, puisque cette lucidité, je l'ai toujours eue, en tout cas concernant le physique. C'est difficile de s'imaginer vieille, et heureusement d'ailleurs. Je n'ai jamais été tacticienne, alors j'essaie de rêver un peu, mais pas au point de me raconter trop d'histoires.

Je n'aime pas avoir à faire des commentaires, je préférerais que ce soit le metteur en scène, l'opérateur qui viennent dire : "Franchement, je pense que ce n'était peut-être pas idéal". Quand ça vient de moi, ça m'embête un peu, mais je n'aimerais pas être enfermée dans ce truc-là. Je ne sais pas ce que je ferais d'ailleurs si je sentais que j'allais vers ça. Il ne me faudrait que des rôles de composition. C'est difficile de vieillir au cinéma, je crois que c'est vraiment difficile.

Je crois qu'il n'y a qu'à un certain âge qu'on peut atteindre une certaine philosophie par rapport à son physique et se dire : "De toute façon on ne peut vivre ni dans le souvenir, ni dans la mélancolie, donc allez stop, on passe à autre chose..." Mais je ne sais pas quand ni comment je vivrai ce moment-là... Il n'est pas encore arrivé, mais je vois bien, quand je choisis des photos, que j'en élimine plus qu'avant. Il y a quand même une réalité de l'image qui vous abandonne plus vite qu'on ne le souhaiterait.

J'y pense parce que la réalité se rappelle plus souvent à moi qu'il y a dix ans. Mais j'essaie de garder une sorte de cohérence, à mes yeux en tous les cas. C'est vrai qu'il m'est arrivé de refuser des rôles en disant que ce n'était pas raisonnable, que je n'avais pas l'âge du rôle. Il y a quinze ans, ça ne m'arrivait pas, mais ça m'est arrivé. Et j'espère que je garderai cette vigilance-là. Mais ce n'est pas si facile. Une fois qu'on a pris cette décision, on se sent supérieur, avec l'impression d'avoir dépasser le problème. Mais c'est toujours ambigu. On le fait, mais c'est quand même douloureux.

Être encore là aujourd'hui, c'est une interrogation pour moi aussi. Ça fait très longtemps que je fais des films. J'ai beaucoup de chance. Il est difficile de vieillir au cinéma, comme dans la vie.

Ce mot "encore belle" je l'entends effectivement souvent, sans qu'il me paraisse injuste. On sent bien à travers lui que les gens pensent que je vais vers le bord "d'autre chose", vers le coucher de soleil, vers l'aube, ce qu'il faut accepter, on ne peut pas s'en extraire.

J'estime que j'ai moins le droit à l'erreur parce qu'avec le temps on attend beaucoup de vous. On attend de vous ce que vous êtes, ce que vous êtes supposée être, bonne actrice, juste, talentueuse, ce qui est la moindre des choses, mais le public attend plus, beaucoup plus. Les gens vous ont tellement vue au cinéma que pour les surprendre et leur donner envie, il faut tenter autre chose. Quoi alors? C'est la question...

C'est très difficile de vieillir. Pour une femme, c'est déjà difficile de vieillir dans la vie, mais pour une actrice, c'est effrayant de vieillir au cinéma. Après tout, je me dis qu'on a le droit de refuser les évidences, le racisme lié à l'âge et les idées toutes faites que la société tente de nous imposer. Ce qui me guide, dans le choix de mes rôles, c'est de rester en harmonie avec ce que je ressens.

Avant, je me disais que si j'arrêtais de tourner j'arrêterais de respirer. Mais, avec le temps, je suis devenue plus philosophe. Si un film que j'ai envie de tourner m'échappe, je me dis qu'il ne devait pas être fait pour moi.

Quand on est une actrice, on ne peut pas nier les marques du temps. Je trouve que c'est encore plus dur de vieillir à l'écran que dans la vie. Je me suis toujours offert le luxe de ne jamais faire de film pour de l'argent. Si un jour j'ai l'impression que j'ai déjà tout fait, que je me répète, je m'arrêterai.

Si les autres actrices pensent vraiment que j'ai repoussé certaines limites, alors tant mieux. Cela me fait plaisir. Avoir l'impression d'ouvrir une brèche, c'est bien...

J'essaie de contrôler ce que je peux contrôler, mais je laisse passer beaucoup de choses. Vous savez, je pense que le problème, le danger quand on est dans le contrôle de l'image, c'est qu'on devient obsédé par ça, et le problème c'est qu'il y a trop de choses qu'on ne laisse plus passer. [...] Je ne voudrais pas que les représentations de photos de moi soient trop éloignées de ma réalité d'aujourd'hui. Sans doute parce que c'est ma nature, et puis par orgueil aussi.

J'ai beaucoup de chance. J'ai eu des années dans ma carrière plus importantes que d'autres mais pas de mauvaises années. Les films que j'ai interprétés ces derniers temps et ceux dans lesquels je vais jouer dans les dix-huit prochains mois ont été écrits pour moi. Même si j'ai cet âge, je n'en ai pas l'air, donc je peux vivre une love story au cinéma.

Je crois que je bouge tellement vite que les gens arrivent à penser que je ne bouge plus du tout. Je suis comme projetée dans l'espace, étemellement vivante. En fait, je ne suis pas jeune mais je ne suis pas vieille. Et puis les acteurs vieillissent moins vite que les autres. C'est un métier où l'on joue. Mais est-ce le but de rester jeune ? Il serait surtout bien de rester en forme. J'aimerais mourir en bonne santé, le plus tard possible évidemment.

Je vis beaucoup avec des gens plus jeunes que moi. C'est très stimulant. Que ce soient Leos Carax, Xavier Beauvois, Arnaud Desplechin, Philippe Garrel, Laetitia Masson : leur énergie, leur curiosité, leur personnalité m'intéressent. Quand je suis avec eux, je n'ai pas la notion d'âge, je ne me sens pas comme une grande personne parlant à des enfants. Je ressens une curiosité pour ce qu'ils font, pour ce qu'ils sont.

Moi, je n'ai pas du tout envie d'arrêter, mais si ça m'arrive un jour, de gré ou de force, je connais déjà ma consolation. C'est une phrase qui clôt un chef-d'œuvre de la littérature française : "Et maintenant, cultivons notre jardin". Vous savez, je suis très à l'aise avec les plantes...



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