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Je livre des choses très personnelles, mais pas au sens où on l'entend généralement. Je suis farouche, là-dessus. D'autant que ce n'est pas une décision que j'ai prise du jour au lendemain, sur un coup de tête. Très tôt, j'ai été confrontée à la brutalité, à l'injustice des manipulations dont j'étais l'objet. J'ai décidé, très vite, de tout faire pour m'en préserver. Ce qui me tient à cœur, ce sur quoi je réfléchis, je ne veux pas l'expédier en deux ou trois phrases. Je ne veux pas aller dans le sens du compromis avec le public. On court le risque, sinon, de devenir prisonnier des images, ou plutôt des clichés, qu'on a imprudemment distribués un peu partout. Et, pour finir, on devient ce qu'on dit.

Je ne fais que les choses que j'ai envie de faire par rapport à ce que je sens, je me laisse parfois influencer quand on me dit que c'est important, mais en général j'essaie vraiment de ne faire que les choses que j'ai envie de faire par rapport au film dont je viens parler, c'est-à-dire qu'il y a des choses que je ne ferai pas, je sais bien que cela va, que cela peut contrarier, on peut trouver que ce n'est pas juste, mais par rapport à moi, c'est vrai qu'il y a des choses que je ne veux pas faire, que je ne fais pas.

C'est comme dans la vie : il y a certaines choses que l'on veut bien faire et d'autres pas. En ce qui concerne mon métier, je fais des choses qui me paraissent aller dans le sens de ce qui me plaît. Je me fixe des limites assez vite car je ne cherche pas à séduire à tout prix. On me trouve sympathique ou antipathique, mais y a des démarches que je ne peux pas effectuer dans le souci d'une plus grande popularité, ça ne fait pas partie de mon caractère.

Il y a tellement de films qui passent à la télévision que le public a l'impression que nous sommes omniprésents. Il faudrait que les acteurs s'effacent un peu plus mais aujourd'hui, entre les festivals, les hommages et les cycles, c'est impossible.

Interviews

Il y a vingt ans que je lis sur moi des choses que je n'ai jamais dites.

Je me sens trahie lorsque, dans les entretiens publiés par les journaux, je retrouve des mots que j'ai dits sans en retrouver le sens. Le plus important, ce peut être l'hésitation qui précède une réponse, l'intonation qui la colore, la moue qui l'accompagne. La plupart du temps, les journalistes se contentent de retranscrire un entretien : ils ne l'écrivent pas. Je ne me sens jamais trahie lorsque je suis interprétée par une écriture. J'aime retrouver ce que j'ai dit au travers du prisme de celui qui a regardé, écouté et qui, s'il est un témoin attentif, comme tout témoin, ne se bornera pas à relater, mais interprétera. Surtout pour des acteurs, peut-être : il faudrait retrouver des couleurs, des tons, des esquisses, et, le plus souvent, tout est plat, gris, banal. Il m'arrive d'éprouver une grande lassitude, de la tristesse aussi, à voir que j'ai abîmé des choses auxquelles je tenais parce que j'en ai parlé trop vite, de manière trop superficielle...

Ça fait désormais partie du rôle de l'acteur. Avant, le film sortait et puis c'était tout. Je ne suis pas productrice, mais aujourd'hui les films coûtent tellement cher. Je refuse de faire certaines choses, mais je ne me cache pas.

Cela donne de nous des images bavardes. C'est peut-être utile, je ne sais pas.

J'affirme rarement des choses (rires). Ce n'est pas que je n'aime pas me prononcer, mais le côté solennel des entretiens écrits me gêne. Ces choses-là sont gravées comme si on faisait des déclarations alors, qu'en fait, on ne répond qu'à des questions.

J'ai donné trop d'interviews depuis trente ans. J'ai l'impression de devoir toujours répondre aux mêmes questions. Elles reviennent fatalement après que j'ai répondu à celles concernant mon prochain film. Elles concernent ma vie personnelle, mes plaisirs, mes amis, mes hobbies... Il est vrai qu'en ce cas, je me montre rétive. Je résiste aux pressions. Pas seulement en raison d'une réserve que j'ai toujours eue, mais aussi par respect pour le public. [...] Je redoute un peu la presse écrite. Elle demande du temps et des révélations prétendument inédites. Et plus l'entretien est long, plus la déception risque d'être forte. Trop de bavardages. On me dit souvent que le public a soif de détails. Je n'en suis pas toujours convaincue, et je ne me sens pas capable de satisfaire ce besoin. Il ne s'agit d'ailleurs pas d'un besoin essentiel. Une simple curiosité, la plupart du temps.

C'est vrai que je me préserve beaucoup, donc c'est toujours avec réticence que je vais aux interviews : il suffit que je ne sois pas dans l'état d'esprit et je me demande ce que je vais pouvoir raconter. Et puis, au détour d'une phrase, on ne sait pas pourquoi, il se passe quelque chose, les questions sont formulées de telle façon qu'elles me permettent d'approfondir certains sujets. Les interviews, cela me coûte, peut-être plus encore qu'auparavant, mais c'est toujours une question de rencontre, de dialogue. Forcément, s'il y a un truc qui ne va pas, je vais me fermer et laisser passer très peu de choses. En tout cas, je ne pense jamais à faire passer un message, à infléchir une image. Je ne suis pas très tactique de ce point de vue !

Pour vous dire la vérité, je me protège beaucoup. Comme je connais les choses qui me blessent et qui peuvent vraiment m'atteindre, il y en a maintenant que je m'empêche de faire ou auxquelles je ne veux pas être confrontée. En gros, disons que je me protège de tout le côté extérieur au métier, tout ce qui concerne les médias… Une fois qu'on met le pied dedans, on n'en connaît pas toutes les répercussions. Ces choses que l'on dit et qui ne vous appartiennent plus… On peut avoir l'impression de s'y perdre. Moi, ce que je n'aime pas, c'est avoir l'impression que je vais me dédoubler. Alors je me protège, je ne veux pas me faire dévorer par tout ça, les interviews, les entretiens. D'autant que je n'en ai pas beaucoup le goût et que je pense que j'ai dit plus de choses sur moi, sur ce que je suis réellement, dans mes films que dans beaucoup de discours…

Je refuse beaucoup de choses. Je fais ce que j'ai envie de faire. On n'attend pas les interviews avec impatience. On sait bien qu'il faut que les films sortent et qu'il faut en parler, mais on sait aussi que l'on va être amenée à parler d'autre chose. Il y a toujours une demande pour rencontrer les acteurs, une curiosité que je comprends, mais on n'a pas forcément envie de participer à cela, de raconter des choses autour de ce que l'on a fait. On se dit : "J'ai fait ce que je devais faire, maintenant, allez juger par vous-mêmes".


Je n'en donne pas beaucoup [des interviews]. Trop parler d'un film induit des réponses mécaniques, trop parler de soi devient difficile avec le temps.

On associe trop facilement le mystère à l'inconnu, au simple refus de se livrer, de trop parler. Ce n'est pas du tout la même chose : le mystère, c'est un phénomène au deuxième degré alors que l'inconnu tient seulement dans le fait que l'on ne peut pas tout savoir des gens. Pour ma part, il est exact que je suis très catégorique à ce propos, si j'accepte la discussion pour tout ce qui concerne mon travail, je refuse absolument de parler de ma vie privée ou que l'on prenne des photos de mon fils, des choses comme cela qui n'appartiennent qu'à moi et ne regardent ni les journalistes ni le public qui va voir les films où je joue.

La tendance des articles va aujourd'hui, beaucoup plus dans un sens personnel. Les interviews s'éloignent du schéma classique questions-réponses et deviennent des espèces de mini-analyses. Je ne suis pas pour systématiquement. Sauf si c'est fait par quelqu'un que je connais bien ou en qui j'ai entièrement confiance.

Ce que je ne veux pas, c'est parler de choses soi-disant personnelles, comment je vis, si j'aime mes enfants, parce que finalement on aboutit à quelque de chose de très bateau ! En revanche, s'exprimer sur des choses liées au cinéma tout en étant personnelle, c'est quelque chose de très différent.

J'essaie toujours, lorsque l'on m'interroge, d'être le plus directe et le plus franche possible. Sur certains points, cependant, je préfère demeurer évasive, elliptique - ou simplement réservée.

J'ai caché des tas de choses, mais je n'ai pas menti. Enfin, j'ai dû quand même mentir quelquefois, si, mais pas sur des points importants. Il y a des choses négatives que je n'aime pas dire sur les gens. Je me suis tue par politesse, mais je n'ai jamais dit le contraire de ce que je pensais. Et puis avec le temps, on ment de moins en moins.


J'estime qu'il ne faut pas accepter n'importe quoi, il ne faut pas trop donner. De même qu'il est nécessaire ne pas être trop vu à la télévision, il importe de choisir ses interviews pour ne pas fatiguer les gens, pour ne pas user leur faculté d'attention, pour préserver un potentiel de curiosité indispensable... Je ne dis pas que l'on peut toujours exercer ce contrôle, parce qu'il y a des périodes où l'on éprouve le besoin ou l'envie de parler et d'autre non, mais iI faut se garder de donner l'impression d'être trop facile, d'être trop bavard, et autant que possible, si on a des choses à dire, que ce soient des choses intéressantes.

La seule chose qui m'intéresse quand on parle de moi, c'est de savoir si cela va aider le film à rencontrer le public. Ensuite, il n'y a pas de cause à effet systématique entre l'impact médiatique et le succès en salles. De temps en temps, comme cette fois, on parle de cinéma, mais, généralement, l'interview est formatée. On s'en rend compte pendant les festivals, et surtout à Cannes, phagocyté par les télés. L'essentiel est de figurer au JT, et tant pis pour la magie. Les médias ne se mouillent plus. La grande perversion, c'est de dire que le public commande. Mais le public, justement, est comme un adolescent influençable qu'on peut amener à découvrir des choses.

Généralement, j'évite de faire des choses avec les médias en dehors des films parce que je trouve qu'on voit déjà assez les acteurs comme ça... Ou alors il faut que ce soit vraiment quelque chose de spécial, une session avec Annie Leibovitz par exemple. Mais moi, j'ai déjà suffisamment parlé depuis suffisamment longtemps pour essayer de me taire le plus possible.

Je crois aussi que ce qui reste dans l'inconscient collectif n'est pas mon image dans les films, mais plutôt mon image-papier : les interviews, les couvertures de magazines, l'actrice qui parle de ses films. Finalement, les acteurs devraient faire les films, puis disparaître.

Je me demande toujours pourquoi il faut faire des interviews des acteurs. Il n'y a qu'à regarder ce qu'ils font dans les films ! Au bout d'un moment, quand on connaît leurs films, on peut écrire sur eux parce qu'on a le droit de rêver, d'interpréter par rapport à la manière dont ils jouent, leur façon de bouger, ainsi que leurs choix et aussi ceux qu'ils n'ont pas faits. Autant ce que l'on fait que ce que l'on ne fait pas dit quelque chose d'un acteur, et donc d'une personnalité.

J'aime beaucoup parler des films que j'ai faits, mais je déteste parler du travail que cela représente. Je trouve assez indécent de parler de l'effort physique ; c'est comme si un danseur vous parlait des heures de barre qu'il doit faire chaque jour avant de présenter un spectacle. Je trouve qu'il y a beaucoup plus pénible que tourner des films, et la moindre des choses est de présenter ce métier privilégié malgré tout avec un certain bonheur.
Catherine Deneuve, citée dans le livre de Philippe Barbier et Jacques Moreau 1984

J'ai horreur du côté exhibitionniste dans le métier d'acteur et je n'aime pas l'indécence.
Catherine Deneuve, citée dans le livre de Philippe Barbier et Jacques Moreau 1984

Quand je vais voir un ballet, je n'ai pas trop envie qu'on me rappelle que le danseur s'est vraiment "ouvert les pieds" pendant des semaines pour atteindre la perfection. Je le sais, mais je préfère qu'on ne me le rabâche pas trop, sinon je me demande vraiment si je pourrais apprécier le spectacle.



J'ai du mal, face à un groupe inconnu. Je m'angoisse. C'est comme les conférences de presse. Je ne peux m'empêcher de voir derrière telle ou telle question une insinuation, une perfidie... qui souvent s'y trouvent. Alors je vois rouge et j'ai droit immanquablement à des articles parlant de la blonde glaciale, de l'enquiquineuse au visage d'ange...
Catherine Deneuve, citée dans le livre de Philippe Barbier et Jacques Moreau 1984

Je trouve que les interviews ne sont pas assez préparées et que ça donne à l'ensemble de l'interview une impression de fouillis intime assez vaseux. C'est un défaut français qui n'existe pas tellement à l'étranger, aux U.S.A., en Angleterre, où l'on reste beaucoup plus professionnel.

Le risque d'une interview, c'est d'être écoutée de manière flottante, avec des retranscriptions inexactes ou lacunaires. [...] Curieusement, les machines créent souvent une déperdition d'intensité. Aux États-Unis, ils prennent plutôt des notes, et c'est souvent plus juste. L'important, c'est d'être entendue. Quand cela ne marche pas, cela vous rend un peu plus fermée. Je me dis : "Merde, la prochaine fois, c'est non".

Mon image émane aussi de l'idée que se font les gens d'après une interview, justement. Et là, cela ne dépend pas que de l'interviewé, sinon ce serait toujours sur la même ligne : il y a le journaliste, le choix des questions et de la coupe. Moi, je suis assez fataliste, même si je râle souvent...


Un grand metteur en scène m'a dit un jour : "II faut apprendre à être meilleur que les questions". C'est vrai, on vous pose des questions, souvent banales et on nous demande de répondre des choses originales. C'est aussi parce que l'on nous pose toujours les mêmes questions que j'ai décidé de répondre à très peu d'interviews. Si ça ne tenait qu'à moi, je n'en donnerais pas. Non par goût du secret, ni pour cultiver une image, mais parce que je n'exerce pas un métier qui varie tellement. Parce que je ne mène pas une carrière mouvementée sur laquelle j'aurais à m'expliquer tout le temps.

Truffaut disait toujours que dans les interviews, même si les questions ne sont pas intéressantes, il faut répondre intelligemment car les gens ne se souviennent que des réponses. [...] Vous n'avez qu'à faire comme les hommes politiques. Ils n'écoutent jamais les questions qu'on leur pose, ils répondent toujours à côté et ne disent que ce qu'ils ont envie de dire.

Tout à l'heure, quand on a parlé avec Boltanski, il m'a sorti : "Mais c'est vrai, les acteurs ils jouent tout le temps". Je dis oui absolument. Et il faut le rappeler. Des gens qui ont envie de jouer toute la journée dans leur vie active. II ne faut pas en plus leur demander d'avoir des idées sur tout, d'avoir du recul et d'analyser les choses. J'en suis éventuellement victime mais il y a des moments où je n'ai plus envie de dissiper des malentendus et de m'expliquer. Tant pis ! Mais j'ai envie de jouer. Moi, ça me plaît, je le fais. Apres, l'analyse, c'est aux autres de la faire, ce n'est pas à moi d'analyser les phénomènes machin et truc. A la limite, on a tous envie de passer entre les mailles, à un moment, quelle que soit la position qu'on ait, quelle que soit la profession. Et s'en sortir. Pas forcément en s'expliquant sur tout.


J'ai envie de pouvoir continuer à mener la vie que je mène. Je n'aime pas qu'on parle de moi, je préfère bien qu'on parle d'"autour". Après, à chaque fois qu'on se sent regardée, on se demande ce que la personne sait de vous.

J'aime de plus en plus le cinéma et de moins en moins les média. Il y a une telle surenchère. Aujourd'hui par exemple tout ce que je vois devant moi ce sont les gros yeux noirs des objectifs et des caméras.

On est d'abord confronté à l'image plutôt qu'aux questions sur le film, donc mes relations avec les média ne peuvent pas s'améliorer. C'est très embêtant. On devrait parler moins, se montrer moins.

Je dis ce que je pense mais pas tout ce que je pense. A chaque fois, j'ai le sentiment d'en avoir trop dit...

Je n'aime pas beaucoup ce côté démagogique qui consiste à montrer les acteurs comme des gens normaux. Moi, bien sûr, je me trouve et je sais que je suis quelqu'un de très normal, je vis très normalement. Mais je ne veux pas jouer ce rôle-là dans la rue. J'ai toujours refusé de faire ces reportages où l'on vous demande d'aller au marché, dans les magasins. J'y vais, évidemment, mais je n'ai pas à le prouver en allant chercher mes enfants à l'école ou en allant acheter des fruits, des fleurs ou des pommes de terre.

TV et radio


J'essaie le plus possible de créer une absence des écrans, qui ne peut être qu'éphémère, pour contrebalancer le désir que je crois indispensable à l'envie d'aller au cinéma. Or, ce désir passe forcément par un manque, une frustration, une absence. Et c'est difficile, parce que les gens n'ont plus le temps d'avoir du désir, on leur propose tellement de choses ! Ils sont comblés. [...] Du coup, je crois que les acteurs font attention à ne pas trop se montrer à la télé, je crois qu'ils y vont moins. D'un autre côté, faire la promotion du film, c'est continuer à le défendre, ça fait partie du travail de l'acteur, et puis, ne serait-ce que financièrement, le cinéma a besoin de la télévision. Mais la télé peut avoir un effet boomerang...

En même temps, je trouve que c'est absolument indispensable aujourd'hui pour un acteur de faire ça, étant donné le nombre de choses qui sortent et la brièveté des carrières des films. Un film s'exploite tellement vite qu'on est obligé de faire ça. Quand je dis obligé, c'est que c'est une responsabilité. Là, le problème est très aigu, parce qu'on ne peut pas tout faire et il ne faut pas tout faire. Il faut faire les choses auxquelles on croit, dire ce qu'on pense, et en même temps, il y a une donne qui est faussée au départ puisqu'on sait qu'on vient pour vendre quelque chose.

Je me dis simplement : les gens vont me voir au cinéma, il ne faut pas qu'ils me voient trop à la télé. C'est un moyen très puissant et très dangereux pour un acteur de cinéma. Mais si on se montre à la télé, il faut alors bien réfléchir : comment le faire, pas platement, trouver un moyen, une mise en scène personnelle qui sorte de l'ordinaire.

Froide, glacée, le feu sous la glace (rires). On finit par s'y habituer. A la limite, je crois qu'on n'y penserait plus tellement si certains journalistes ne le rappelaient pas de temps en temps. Je crois que cette image s'estompe car comme j'apparais un peu plus souvent à la télévision, cela crée un contact plus chaleureux que les interviews écrites.

C'est comme la télévision en direct, il me faut un quart d'heure pour m'installer. Avant je suis malade. A l'idée d'être en direct devant les gens. C'est une chose épouvantable.

Je me force à faire des choses que j'ai l'impression de ne pas savoir faire, je me mets dans des situations épouvantables, et après je suis contente si j'ai réussi. Comme de faire des télévisions en Amérique ou en Angleterre en direct, on est content d'avoir dépassé sa peur.

Ca ne me provoque aucune excitation, le fait que tout se passerait dans l'instant. Sauf à la télévision. Parce que c'est vrai que ça a un pouvoir. Mais pour dire des choses personnelles, pas pour jouer. Je suis assez trouillarde, il faut dire, assez physiquement trouillarde.

Au fond, je préfère la radio. C'est direct, c'est rapide, on ne s'attarde pas. C'est davantage un jeu. On peut répondre de façon concise.

La télévision est devenue pire que les paparazzi. Une photo même mauvaise est muette. Quand vous êtes dans une soirée en train de discuter - de façon privée -, et qu'on vous enregistre sans vous demander la permission, vous vous sentez vraiment violée.

Séances photo


Si je suis un peu moi-même dans les films, je ne me retrouve jamais dans les photos. J'ai une réticence devant I'objectif des appareils photos que je n'ai pas devant la caméra. Je suis toujours frappée de voir la différence entre les photos prises par des amis, naturellement, et les photos professionnelles, où je suis toujours figée. Si vous saviez à quel point je n'aime pas poser ! Quand elles sont bonnes, je suis contente certes... mais je déteste les faire. Ce n'est pas qu'elles ne me rendent pas justice, je n'ai pas à me plaindre... mais je suis comme les Africains qui pensent qu'on leur vole leur âme...
Catherine Deneuve, Source inconnue

Lorsque je travaille avec un photographe pour la première fois, j'ai l'impression que je vais découvrir quelque chose, comme une nouvelle pièce du puzzle. C'est une aventure qui commence. L'habitude, souvent, tue la surprise. Si l'on connaît trop bien le photographe, qu'on lui a déjà beaucoup donné, on s'offre facilement : il ne lui reste rien à conquérir. Une espèce d'autocensure s'instaure, le désir s'émousse. On court le risque de devenir banal et que les images perdent en profondeur.

Lorsque je dois choisir des photos de moi - et c'est la même chose lorsque je vais aux rushes - ce n'est pas moi que je vois, mais l'actrice. Comme si au moment ou je regarde ces photos, je me désincarnais. Je sais que c'est moi et, en même temps, ce n'est pas tout à fait moi. C'est une autre image de moi qui est assez idéalisée. D'autant que la photo - surtout lorsque ce sont des séances en studio - fige toujours un peu ou, en tout cas, arrête dans une forme de beauté, de perfection suspendue qui rend les choses parfois un peu irréelles...

Je n'aime pas beaucoup poser. Ce n'est pas quelque chose qui me plaît vraiment. Peut-être parce que j'ai toujours l'impression qu'on me vole un peu de moi-même. Je suis un peu comme les Africains qui disent qu'en prenant leur image, on leur vole leur âme. J'aime à la fois, et presque simultanément, me donner et me dérober. Donc, je me défends sans doute un peu.

Généralement, ce qu'on me demande au moment de la prise de vues me paraît un peu disproportionné par rapport à l'utilisation qu'on va faire de ces images. Autant dans les films, ça ne me coûte pas - c'est complètement justifié puisque c'est au service d'une histoire, d'un personnage, d'un metteur en scène, d'une œuvre - autant en photo je trouve épuisant de se donner, de s'abandonner... [...] Même si parfois j'aime bien le résultat - il y a des photos qui vous réconfortent -, ça me coûte beaucoup. Je n'ai jamais vraiment aimé ça, bien que j'en aie fait énormément.

Les magazines vous disent toujours qu'ils veulent parler des films et puis finalement ils vous demandent des photos, des séances en studio, des choses très sophistiquées... Les acteurs sont pris en tenaille, surtout les actrices d'ailleurs. Souvent, les photos du film seraient beaucoup plus intéressantes à mettre en couverture, mais les rédacteurs en chef ne veulent pas les passer, ils pensent que ce n'est pas assez attractif pour le public... Les journaux veulent bien parler des choses et, en même temps, ils ont cette exigence de couverture "vendeuse".

Dans la photo, il ne s'agit même, en général, que de séduction. Il n'y a pas d'autre histoire à raconter que la volonté de plaire, puisque les photos sont destinées à attirer le regard des gens qui vont acheter ces journaux où elles sont publiées. [...] J'ai tellement fait de photos que je n'ai pas besoin de m'y retrouver complètement. Ce que je veux, c'est que la lumière soit belle, que lorsqu'on voit la photo au milieu de toutes les autres couvertures dans un kiosque, elle attire l'œil. Comme une lumière en plus. Il y a l'idée de se détacher, d'être remarquée sans... être totalement remarquable !

En fait pour moi, les photos, je suis contente quand c'est bien, mais il faut que ça passe, il faut que ça bouge... Sans doute aussi parce que je sais que je ne peux pas ressembler à cette image-là qui n'est qu'une toute petite partie de moi - et une partie qu'il faut tout de suite un peu ébouriffer parce que ça peut être dangereux de vivre avec. [...] C'est une image tellement sublimée...


 



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