Sa carrière / Propos sur le cinéma / Le statut de star
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La notion de star


Cette notion de star me paraît très abstraite et qu'il faudrait en discuter pour chaque cas particulier. Ensuite, à mon avis, je crois que ce à quoi l'on pense quand on parle de star n'existe plus ; songez à une Jean Harlow, à une Marilyn Monroe, et voyez comment Elizabeth Taylor peut se montrer aujourd'hui, quels propos violents et libres elle peut tenir, voyez comme Julie Andrews ou Barbra Streisand consentent d'être vues, comme elles sont acceptées avec leur personnalité de femmes, leur naturel... En fait de star, iI ne subsiste plus de la grande période d'Hollywood et de sa mythologie que de la poudre d'étoiles. Cela dit, je trouve que l'on tombe en Europe dans l'excès contraire, avec le côté "je vous montre comment je suis chez moi, en train de faire la cuisine, avec mon fils qui joue sur la pelouse ", ce côté à la bonne franquette dont j'ai horreur !

Parler de star à mon propos me paraît excessif. Je n'accepte pas l'idée d'être une étoile inaccessible, mais j'aime bien l'idée de l'étoile qui apparaît, qui éclaire le temps d'un film la nuit des gens et les fait rêver.

Les stars ça n'existe plus. C'est un moment d'histoire. Il y a dans l'étiquette "monstre sacré" quelque chose de figé. Une star reste épinglée sur un mur dans l'imagination du public, et moi, j'aime circuler, ne pas raréfier la notion de travail. Travailler, c'est noble. Montrer les dessous de son métier me paraît suspect.

Le mot "star" ne s'applique pas très bien aux actrices européennes. C'est toujours lié à un certain physique, une façon de faire rêver les foules. Je ne me sens pas star.
Catherine Deneuve, citée dans le livre de Philippe Barbier et Jacques Moreau 1984

Je ne pense pas qu'il y ait vraiment des stars, parce que le système en Europe est différent. Il n'y a pas de studios, il n'y a pas d'exclusivité… etc. Il y a encore des stars en Amérique parce que c'est un mot qui est resté, mais la façon dont travaillent les gens n'a plus rien à avoir avec le star-system. Un système qui était lié à des studios qui avaient des vedettes sous contrat. Parce que les stars ne sont pas toujours les plus sures pour choisir leurs sujets et que le droit de regard sur tout n'est pas toujours positif pour un acteur.

Il s'est passé cette chose bizarre, ce voyage aux Etats-Unis. J'y suis allée pour faire un film avec Jack Lemmon ["Folies d'avril" de Stuart Rosenberg]. C'était en 1968. et, là-bas, entre le tournage et le film, il y a eu un mouvement de presse absolument incroyable… J'arrivais aux USA comme une star française que je n'étais pas encore. Ils m'ont accueillie comme jamais je n'ai été accueillie, même aujourd'hui quand j'y retourne [Rires]… Et je suis revenue en Europe avec cette image-là, auréolée de tout ce qui s'était passé là-bas. Après, j'ai pratiquement pu marcher sur un tapis rouge, c'est-à-dire que quoi que je fasse, quoi que je dise, de toute façon, j'étais une star. J'avais été tourner aux Etats-Unis, les Américains avaient dit que j'étais la plus belle femme du monde, c'était un fait, on ne revenait plus dessus. C'était comme ça et voilà. C'est ça, au fond, qui m'a le plus frappée, le plus troublée, c'est de voir à quel point ça a pu être dit et redit sans jamais être remis en question…

Depuis "Les parapluies de Cherbourg", j'ai parfois eu l'impression d'être une star à des moments fugitifs, à une façon d'être reçue, d'être mise sur orbite le temps d'une soirée ou d'un cocktail... Heureusement, la vie vous ramène vite sur terre.

Les avantages et inconvénients

Je pense qu'à partir d'un certain moment de notoriété, personne ne peut se mettre à votre place : dans la mesure où il s'agit de quelque chose de plutôt positif, qui pourrait imaginer que ça puisse être difficile à vivre ? C'est vrai que, par moments, tout ça est un petit peu lourd à porter... Ce qu'on attend de vous... Cette crainte de ne pas être à la hauteur...

[à propos du mot "star"]
Cela n'a pas de signification dans ma vie privée sauf à savoir que je suis très privilégiée. Autrement, le regard des autres est parfois faussé. Il arrive que certaines personnes se conduisent avec moi différemment parce que leur vision est troublée par des images. C'est pour cela que je me protège... Enfin, c'est à cause de ça que j'en suis arrivée à me protéger beaucoup, c'est-à-dire à avoir un cercle d'amis restreint. Il n'y a que ceux très proches, qui vous connaissent au quotidien, qui peuvent vous parler normalement. Je ne supporterais pas d'avoir des relations de "groupies".

Je vis les choses beaucoup plus impulsivement, plus instinctivement qu'on ne le croit peut-être, il n'y a pas de volonté de ma part de vivre dans une tour d'ivoire (d'abord, je ne vis pas dans une tour d'ivoire), mais j'en donne l'impression. Ça doit correspondre sans doute quelque part à une certaine réalité. Peut-être moins d'ailleurs qu'avant. Mais enfin, je ne me vois pas du tout comme une star. Quand je discute avec des gens, je n'ai pas l'impression qu'on s'adresse à moi comme ça : je ne le supporterais pas. J'aime avoir des rapporte assez directs avec les gens.

Le métier de star est plus géré par les autres que par soi-même. [...] J'ai une vie extrêmement privilégiée mais dans un environnement assez naturel. Etre star c'est le luxe de faire ce qui vous plaît. Ça, c'est le bon côté des choses. Cela dit, je sais que je ne peux pas aller dans un grand magasin toute seule ou passer plus de deux jours au festival de Cannes, ça me coûte trop. Les gens, les photographes, on vous attend à la sortie de l'hôtel, on se bouscule, vous êtes obligée d'aller à certains endroits, vous ne pouvez vous arrêter en route si vous voulez regarder quelque chose... Ça c'est le mauvais côté du statut de star. [...] J'en ai horreur. Je ne peux pas non plus aller dans certains quartiers à certaines heures... Je ne peux pas prendre le métro. En réalité je n'envisage pas de me trouver toute seule dans la foule. Non que j'aie peur qu'il m'arrive quoi que ce soit - les gens ne sont jamais agressifs avec moi - mais je n'aime pas devenir un centre d'attention. Et puis il y a des jours où je ne me sens pas en forme et je n'ai pas envie d'être regardée par les gens. Ces jours-là, je ne sors pas.

La star, si je peux reprendre votre mot, est au service de la comédienne et non le contraire. Mes activités commerciales me donnent une plus grande liberté pour mon métier de comédienne. Je ne souhaite pas trop tourner et je veux choisir.

II est normal de bien payer les vedettes puisqu'elles rapportent. Quand on demande à une vedette de tourner, ce n'est pas pour lui donner le rôle de sa vie mais pour "monter" une affaire grâce à elle. Pouvez-vous imaginer "L'aile ou la cuisse" sans de Funès ? C'est comme si l'on tournait "King Kong" avec un ouistiti ?

Statut ou statue ?


Ça fait longtemps que j'existe. Le danger, à un certain moment, c'est de devenir une statue...

[à propos du fait d'être presque panthéonisée]
C'est dangereux. Pas difficile à vivre mais à gérer, pour garder l'impression d'être quand même quelqu'un de vivant. Ce n'est pas dans ma vie que c'est dangereux. Je sais que c'est une image de moi, pas la réalité. Mais à gérer comme image, ce n'est pas évident. Il faut donner des coups de pied pour faire savoir qu'on n'est pas forcément là où on croit.

Ma crainte à moi, c'est ça : que je sois comme les gens croient que je suis et que je sois obligée de toujours conforter cette image... Nous sommes très très victimes là-dessus. Car, bien sûr, toutes les actrices ont envie que les gens les voient comme dans les magazines, idéalisées. Mais c'est très dangereux, parce qu'on entre dans le mythe, et le mythe passe par l'absence, des apparitions de plus en plus rares, et de plus en plus choisies... C'est dangereux, parce que le cinéma se nourrit de vies, de rencontres, d'expériences...
Catherine Deneuve, Studio Magazine 1987

Il est évident qu'à l'heure qu'il est et à l'âge que j'ai, on doit considérer que je fais partie du patrimoine. Mais tant que je continue à faire des choses que je désire, avec des gens plus jeunes que moi, ça va. La nouveauté de ma vie, elle est là : pendant très longtemps, j'étais benjamine. Aujourd'hui, je sais que je ne suis plus la plus jeune ! Mais je continue à travailler avec des gens plus jeunes que moi et tant que j'ai l'impression d'être au milieu de gens qui ne se prennent pas au sérieux, ça va.

J'ai un peu peur de me faire enfermer dans ce statut d'autant plus sournois qu'il est très confortable et facilite beaucoup de choses : être quelqu'un de reconnu, qu'on ne remet plus du tout en cause.

Etre acteur, c'est une chose, être une vedette, c'en est encore une autre. C'est vraiment encore une chappe qui vous tombe sur les épaules. Qu'on peut oublier, qu'on peut essayer de mettre de côté… [...] Ca vous immobilise. On n'y pense pas tout le temps pour justement bousculer les choses, mais ça vous fige. Alors on ne se rend plus compte, on parle, on pontifie. Il faut vraiment faire attention à ça. Parce que les gens ont besoin de figures, quand même…C'est difficile de garder une espèce d'ingénuité.

Je crois que je suis maintenant un peu hors norme, comme quelqu'un qui a survécu à tout, on ne sait pourquoi. Si bien que des cinéastes qui n'auraient pas eu envie de tourner avec moi il y a trente ans [...] peuvent en avoir l'idée maintenant, mais seulement maintenant... Je suis aujourd'hui une sorte de puzzle où chacun peut voir ou projeter quelque chose de différent. J'ai traversé plusieurs périodes du cinéma français.

Incontournable ? Ça veut dire que je suis une espèce de monument... Quelque chose dans le genre de la pyramide de Peï ? Au contraire, j'ai l'impression d'être toujours en mouvement... Remarquez, c'est peut-être pour ça : comment contourner quelqu'un qui bouge sans cesse ?

C'est comme cette tendance à faire de moi l'incarnation du cinéma français, c'est un truc dont je me méfie, par nature. Remarquez, les hommages, les récompenses, comme me dit mon agent en rigolant, il vaut mieux les accepter à un âge où on est encore en activité qu'à un moment où il faut deux personnes pour vous sortir d'une limousine. J'arrive à un âge où une actrice ne peut plus jouer qu'une seule partie, sa partie, sans possibilité de rappels, de retour à la case départ, de droit à l'erreur, de carte "Chance". C'est très difficile de savoir quand on doit s'arrêter. Moi, je sais quand je m'arrêterai : le jour où j'aurai l'impression que je m'ennuie. C'est un métier trop dérisoire pour accepter de s'y laisser enfermer.

Il y a un cliché que je ne supporte pas à mon sujet, c'est "la grande dame du cinéma français". Tout ça pour en arriver là ! Je ne veux pas être une dame, encore moins une grande.



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