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Extraits d'interviews
de Catherine Deneuve

II
se montrait très respectueux de moi, il était fier de
m'avoir dans son film et ça m'énervait. Tout avait quand
même commencé par une simple rencontre au théâtre
où il m'avait dit : "Alors quand est-ce qu'on tourne ensemble
?" Et moi : " Quand vous voulez ". Et quinze jours
après, mon agent m'appelle, on fait "Agent trouble". |
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[A propos de Jean-Pierre
Mocky]
Adorable. Il est toujours en train de se demander ce qu'on lui trouve,
pourquoi on tourne avec lui, pourquoi il nous fait rire. Il a une
grande ironie, mais je pense que c'est une défense. Il peut
être très dur, comme toutes les personnes très
sensibles. Il lui arrive d'être mauvais, mais il n'est jamais
méchant. Il a une grande tendresse pour les êtres insolites
et bafoués. Son problème, c'est l'argent. Si vous voulez
vous en faire un ennemi mortel, demandez-lui de vous inviter à
déjeuner. Mais moi, je trouve ça plutôt rigolo.
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C'est vrai qu'il me rappelle
Roman. Le goût des petits personnages, le cote grinçant,
la dérision a la fois cruelle et tendre. Mais Roman est moins
désespéré. Et il parait que Mocky peut être
très vache. II a la langue très bien pendue. II parle
de tout le monde. Moi ça me gênait. |
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Ce n'est pas un comique Jean-Pierre.
Son sens de la dérision peut amuser, mais il bouleverse aussi.
Mocky se sert du rire, mais sa vision du monde est tragique. |
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Quelqu'un qui écrit ses films,
qui les produit, qui les tourne et les enchaîne les uns après
les autres avec cette rapidité, est fatalement plus raisonnable
qu'on le croit. Bon évidemment il a un grain, mais c'est plutôt
bien, ça ! Il fait exactement ce qu'on attend de lui : c'est-à-dire
qu'il gueule tout le temps ! Mais c'est juste pour faire du bruit.
Pour animer. Pour que ça aille vite. Ce ne sont pas de vraies
colères. |
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C'était de toute
façon un tournage très rapide - quatre semaines - et
on n'avait pas vraiment le temps de faire du tourisme. Et puis, il
faisait un froid de canard ; vous avez vu, j'avais de toutes petites
chaussures. Entre les plans, je passais mon temps à essayer
de trouver un moyen de me réchauffer les pieds. |
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C'est un peu radical de parler de "révolution"...
Et puis, j'ai laissé dire et faire, mais c'était mon
idée, cette perruque, pour trouver une coiffure désuète
qui irait avec le personnage. Cela a plu à Mocky, il aime les
clins d'il. Et j'avais plus envie
d'aller dans un film de Mocky que de lui demander d'aller vers une
image qui était la mienne. |
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J'aime les surprises, aussi j'ai adoré
jouer Amanda Weber, femme non pas laide, mais désuète.
Pourquoi dites-moi deviendrais-je laide dans un film ? Me transformer
ça oui, j'aime beaucoup. Une nouvelle apparence physique vous
aide dans votre jeu. Mais m'enlaidir, je n'ai pas besoin de ça
pour prouver que je suis une bonne comédienne. |
Catherine Deneuve, 1987
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Amanda est restée
très enfantine, ce qui est souvent le cas des personnes qui
vivent seules. |
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C'est très curieux,
mais sur ce tournage, je ne suis pas aussi inquiète que d'habitude.
Contrairement à ce qu'on pourrait imaginer, je me sens très
bien dans cet univers. La confusion de Mocky n'est qu'apparente, en
fait... Evidemment, pour les acteurs qui aiment travailler dans le
silence, ça doit être difficile, mais moi, le silence
m'oppresse, je n'aime pas, comme c'est toujours le cas sur les autres
tournages, que toute la pression repose sur les acteurs. |
Catherine Deneuve, Studio Magazine
1987
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Ce qui m'a troublée, parfois,
c'est de tourner plus rapidement que prévu, plusieurs scènes
soudain raccourcies en un seul plan. On sent bien, avec Mocky, les
séquences qui ne l'intéressent pas. Les autres réalisateurs
le cachent. Lui, ça se voit. |
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J'ai plus d'indulgence pour les imperfections
de Mocky que pour bien des productions plus habiles. Au moins a-t-il
un ton. Une insolence. |
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Extraits d'interviews
de Jean-Pierre Mocky

Catherine est une excellente
camarade, j'espère qu'elle continuera à changer d'emploi,
elle a intérêt à changer d'image. |
Jean-Pierre Mocky, Cinétoiles
1988
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J'ai monté mon
histoire d'écologie sans penser à Catherine Deneuve.
Au départ, je voulais faire le film avec Jeanne Moreau et Michel
Serrault tout simplement parce qu'ils étaient les interprètes
de mon film précédent, mais il y a eu un problème
de dates quand Jeanne a commencé à jouer une pièce.
Puis Serrault est venu me dire : "J'ai vu Catherine Deneuve l'autre
jour ; elle m'a dit qu'elle avait envie de tourner avec toi".
J'ai tout de suite pensé : Tiens, c'est bizarre, j'aurais jamais
cru qu'elle voudrait tourner avec moi. J'ai alors appelé son
agent pour vérifier, parce que j'avais peur que ce soit une
blague de Serrault, et ça s'est avéré. Finalement
ça s'est fait assez vite. Elle a été engagée
avant Serrault mais Serrault n'a pas fait le film finalement. J'ai
alors appelé mon ami Bohringer avec qui j'avais déjà
fait "Le pactole", et voilà ! |
Jean-Pierre Mocky, Les Cahiers
du Cinéma 1987
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Au départ, c'était
Jeanne Moreau le personnage, et même avant, au tout départ
je voulais faire le film avec Signoret et Montand. Il y a évidemment
une différence entre Signoret et Moreau et une, encore plus
grande, entre Moreau et Deneuve. Catherine est ce qu'on appelle une
couverture de magazine. Dans les films récents qu'elle a faits,
elle a toujours été une femme blonde, parisienne avec
ce côté glacé qui la caractérise. Cela
ne collait pas du tout avec le personnage de la bibliothécaire
réservée, vieille fille, pas adulée par les hommes.
Je lui ai posé alors la question : "Est-ce que vous acceptez
de changer de visage parce que sinon, ça ne marchera pas".
Elle a donc accepté le look qu'elle a dans le film.
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Jean-Pierre Mocky, Les Cahiers
du Cinéma 1987
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Mais elle ne pourra jamais
changer complètement. Il y a des limites dans un changement.
Bourvil, quand je le changeais, gardait toujours son rire. Pour changer
vraiment il ne faut pas avoir de visage. C'est ça le problème.
Gérard Philipe n'a jamais pu changer, Stroheim non plus. A
partir du moment où vous acquérez une personnalité,
vous ne pouvez que faire des changements à vue. Catherine Deneuve
vous pouvez la mettre en négresse, elle sera toujours Catherine
Deneuve. C'est une bonne actrice, sobre, et là elle est exactement
le personnage du film. Seulement si elle l'avait joué avec
sa tête normale, cela aurait enlevé un peu de mystère
au film. On aurait dit : "Tiens, c'est Catherine Deneuve de la
place Saint-Sulpice qui travaille à la bibliothèque"
et le film aurait été moins crédible. Le vrai
changement est qu'elle s'est un peu fondue dans le décor. La
perruque et les lunettes aident la transformation mais ne peuvent
pas lui enlever le noble port de la tête, ni le côté
réfléchi qu'elle a dans la vie. |
Jean-Pierre Mocky, Les Cahiers
du Cinéma 1987
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Jusqu'à "Agent trouble", en 1986, je n'avais jamais
travaillé avec Catherine Deneuve. Je trouvais qu'elle avait
trop cette image de mannequin intelligent symbolisant la Parisienne,
image qu'on voit sur les couvertures des magazines comme "Femme".
De son côté, Catherine refusait les contre-emplois.
Elle avait même repoussé le rôle de Jeanne Moreau
dans Le Miraculé - une ancienne pute rousse qui fait des
gâteries à Michel Serrault - que je lui proposais.
Pour "Agent trouble", qui était une histoire à
la Hitchcock, elle changea d'avis. Ne voulant pas qu'elle apparaisse
comme un double de Grace Kelly, je l'ai transformée en vieille
fille à lunettes, mal habillée et sexuellement bloquée.
Pourquoi a-t-elle accepté ? Parce qu'elle veut changer d'emploi,
parce qu'elle tient à prouver qu'elle peut jouer n'importe
quoi. D'autant qu'en privé, Catherine Deneuve est loin de
ressembler à son image d'actrice glacée : mère
célibataire, libre, franche, dénuée d'hypocrisie,
pleine d'humour, elle s'assume, ne fait jamais de caprices et n'a
rien de la star qui se pomponne des heures durant. C'est une femme
simple qui ne se nourrit pas que de pamplemousses mais mange de
la tête de veau et boit de la bière.
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Extraits d'interviews
de ses partenaires

Elle est la femme la
plus gracieuse au sens noble du terme, et la plus fine que j'aie jamais
croisée. Elle est d'une générosité extrême
dans le travail et d'une attention hors pair aux autres. Je souhaite
retravailler avec elle et qu'elle continue à m'honorer de son
amitié, je lui dois beaucoup. C'est réellement une personne
intègre. Elle règne. |
Pierre Arditi, Cinétoiles
1988
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Extraits de critiques

"Deneuve va tourner avec Mocky".
La nouvelle fut connue en début d'année et causa chez
tous les deneuvophiles un émoi bien compréhensible.
Mais qu'est-ce qui lui prenait, à la Deneuve, d'aller au casse-pipe
avec ce fou de Mocky ? Qu'est-ce qu'il allait en faire, de notre sirène
blonde ? Quel rôle insensé avait-elle accepté?
Une lépreuse paraplégique ? Une catcheuse chauve ? Une
nonne enceinte ? Une chanteuse de métro ? Bien sûr, c'est
formidable d'avoir le goût du risque et le sens de la surprise,
quand on est une star comme elle, mais là, c'était peut-être
beaucoup... Mocky ! En même temps, ça lui ressemblait
bien, ce défi, ce panache. Ça fait longtemps qu'elle
est notre star la plus cinéphile, et donc la plus casse-cou
: quand un auteur de cinéma digne de ce nom lui propose un
film digne de ce nom, Deneuve ou pas, elle y va. |
Marc Esposito, Studio Magazine
1987
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Elle a les cheveux courts et bouclés, blond-roux,
elle porte des lunettes. Elle est habillée comme le rôle
l'exige, strict et discret. Ils ont dû tout essayer pour qu'elle
soit un peu "tarte". Mais rien à faire, à
part la chirurgie esthétique, il n'y a aucun moyen de l'empêcher
d'être belle. Sous la perruque et derrière les lunettes,
il y a toujours le même regard, le même nez, la même
bouche, inscrits avec grâce dans le même ovale parfait. |
Marc Esposito, Studio Magazine
1987
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Catherine Deneuve a tout de la star traditionnelle
: la beauté bien sûr, la blondeur, la grâce, le
mystère et l'éclat. Mais, comme si cela ne pouvait la
satisfaire, elle se confronte volontiers aux brûlures de la
passion, aux vertiges du désespoir, et, aujourd'hui, aux morsures
de l'ironie, se cachant derrière une perruque et de petites
lunettes. Elle a tout, l'audace en plus. Et c'est justement ce qui,
aujourd'hui, fait les vraies stars. |
Jean-Pierre Lavoignat, Studio
Magazine 1987
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Enfin, il y a Deneuve. Transformés physiquement
(l'a-t-on assez dit ?), mais qui fait surtout se rappeler qu'elle
excelle plus que toute autre dans le registre de la comédie,
justement parce qu'elle sait ne pas hausser le ton quand la situation
paraît l'exiger et parler fort quand rien ne semble l'y obliger.
En parfait accord avec l'esprit de son metteur en scène, elle
prend sans cesse le spectateur à contrepied. Deneuve-Mocky,
l'association avait de quoi surprendre, mais le résultat est
plus étonnant encore qu'il était possible de l'imaginer,
car jamais Deneuve ne paraît déplacée dans l'univers
de Mocky, même si la nature de son personnage lui impose de
se situer un peu à part. |
Pascal Mérigeau, Studio
Magazine 1987
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Et puis, il y a Deneuve, bien sûr.
Dans un rôle inhabituel. "Un personnage voilé, explique-t-elle.
Une fille solitaire mais pas triste, qui est passée à
côté de la vie par peur ou par entêtement".
Avec son débit rapide, son jeu volontairement neutre, à
mi-chemin entre la comédie américaine et le film noir
sophistiqué, elle est formidable. |
Pierre Murat, Télérama
1987
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1987
Couleurs
1h30
Rôle d'Amanda |
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Réalisateur
: Jean-Pierre Mocky
Acteurs : Tom Novembre, Richard Bohringer,
Dominique Lavanant, Pierre Arditi, Sylvie Joly, Kristin Scott-Thomas,
Maxime Leroux
Scénario : Jean-Pierre Mocky,
d'après le roman "L'homme qui aimait les zoos" de Malcom
Bosse
Photo : William Lubtchansky
Musique : Gabriel Yared
Résumé : Entraînée
malgré elle dans une affaire d'Etat, une sage conservatrice de
musée mène l'enquête et sème les professionnels
de l'espionnage.
Prix
Césars 1988 : Second Rôle Féminin
Nominations
Césars 1988 : Actrice / Second Rôle Masculin / Musique
Photos du tournage




Photos du film








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