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Extraits d'interviews
de Catherine Deneuve
Connaissez-vous un acteur ou une actrice qui n'aurait
pas eu envie de travailler avec Buñuel ? Il faisait partie
de ces metteurs en scène auxquels on dit oui avant même
d'avoir lu le scénario. Or, curieusement, notre relation dans
"Belle de jour", a été très difficile.
Sur le plateau, Buñuel ne voulait pas de quelqu'un aussi farouchement
réservé que moi. Il m'a utilisée, j'ai suivi,
c'est tout. |
Catherine Deneuve, citée
dans le livre de Philippe Barbier et Jacques Moreau 1984
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Quand Buñuel m'a
proposé ce rôle. j'ai accepté sans hésiter,
mais c'était aussi audacieux pour l'époque. Et un peu
risqué pour moi. J'avais 23 ans ; pour tout le monde, j'étais
la jeune fille romantique des "Parapluies"... Le film m'a
fait basculer dans cette zone indécise où on ne sait
jamais si une femme est une vierge ou une putain. Aujourd'hui, des
gens me regardent comme s'il y avait encore en moi quelque chose de
"Belle de jour". Je précise que je n'en ai absolument
aucun regret. |
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Il m'est impossible de
m'identifier à Belle de Jour. C'était amusant à
jouer mais c'était impossible de s'identifier. Je vais sans
doute décevoir beaucoup de monde... |
Catherine Deneuve, citée
dans le livre de Françoise Gerber 1981
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Je ne m'identifie pas
à la vicieuse de "Belle de jour". Il est ingénu
de comparer une actrice à son dernier rôle, non ? Séverine
ressemble aux obsessions de Buñuel, pas à moi. De plus,
je n'ai pu mettre que peu de moi-même dans ce personnage masochiste.
Buñuel ne veut que l'obéissance des acteurs. De moi,
il n'a exigé qu'une extrême lenteur ; le mouvement du
corps féminin l'intéresse beaucoup plus que l'expression
du visage ou que les paroles. |
Catherine Deneuve, citée
dans Ciné Revue 1967
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Avec Buñuel, ce
fut difficile, très difficile. Sur "Belle de jour",
on se parlait pratiquement pas. C'était un film de producteurs,
les frères Hakim. Ils étaient au centre de l'organisation,
moi d'un côté, et Buñuel de l'autre, avec eux
qui faisaient les intermédiaires Je me sentais un peu bafouée.
On m'avait peut-être pas engagée pour de bonnes raisons...
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J'étais quand même assez tendue sur
le tournage de "Belle de jour". Le sujet était difficile
et les producteurs tenaient fermement le film, ce qui ne facilitait
pas les relations sur le plateau. En outre, Buñuel avait des
difficultés à entendre, donc il ne recherchait pas spécialement
le dialogue quotidien. |
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"Belle de jour"
était difficile parce que le sujet était délicat,
parce qu'on ne se voyait pas tous les jours, parce que les producteurs
s'étaient accaparé le projet... Je ne voyais pas les
rushes. Ce n'est pas un souvenir de tournage très exaltant.
Cela dit, il y a des tournages où je me suis bien amusée
et où les résultats sont désastreux ! "Belle
de jour" est un film qui restera. |
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J'ai eu des relations difficiles avec Bunuel.
On ne se parlait pas beaucoup. Il aurait voulu faire des choses qui
allaient beaucoup plus loin, moins strictes. Et moi j'avais des réticences.
Je trouvais que les situations étaient déjà assez
extravagantes, et je n'avais pas envie d'en rajouter. D'où
quelques petites tensions. |
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Une fois seulement, Françoise
est intervenue dans ma vie d'actrice. C'était sur le tournage
de "Belle de Jour". Il y avait une telle tension sur ce
film que pour moi, les choses étaient arrivées au bord
de la rupture. Françoise m'a soutenue, elle a trouvé
les mots qui m'ont permis de surmonter la crise, des mots qui m'ont
réconfortée sur le plan affectif et professionnel. |
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Je ne suis pas sure que
Buñuel ait fait le film qu'il voulait. II pensait à
quelque chose de plus audacieux, et que ma réserve, ma froideur...
II aurait voulu faire un film un peu plus cru. |
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Je ne revois généralement
pas mes films. J'ai regardé seulement pour la deuxième
fois "Belle de jour" à l'occasion de sa ressortie
aux Etats-Unis l'an dernier. J'ai été agréablement
surprise par l'humour qui s'en dégage, élément
qui m'avait échappé à l'époque. Il faut
préciser que le tournage avait été très
éprouvant. |
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C'est plus tard, notamment
quand Martin Scorsese a ressorti le film, que les hommes ont commencé
à me regarder comme une belle de jour. Et, finalement, "Belle
de jour" est emblématique de ma carrière. Il y
a là, dans cette passivité devant le vice, quelque chose
qui a marqué les esprits. Et les hommes m'ont identifiée
à ça. |
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"Belle de jour"
est un film qui a existé après, dans l'esprit du public.
Et cela, c'est très mystérieux. Parce que c'est un film
qui a marché, mais son impact commercial n'a pas été
aussi fort que son succès critique. |
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Extraits de critiques
Merveilleux et grand Buñuel,
lui seul pouvait nous faire croire à cette Belle de jour, lui
seul et l'étrange Catherine Deneuve. Tout d'abord, avec l'aide
efficace de Jean-Paul Carrière, il a évité le
piège du respect de l'époque 1920, c'eût été
un alibi facile et de quoi faire passer le corrosif sous les voilettes.
Somme toute, il a eu raison de "meubler" le personnage de
Séverine, de donner de brefs coups d'il sur ce qu'elle
fut, tant elle est vide dans le roman. Sans l'expliquer, Buñuel
ne donne qu'à voir, il la situe, la rend humaine sinon vraie
parce que nous ne pouvons pleinement la comprendre... |
Guy Allombert, La Saison Cinématographique
1967
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Le film qui a sans doute été le
plus important pour elle est "Belle de jour". Ce film coïncidait
merveilleusement avec la personnalité un peu secrète
de Catherine et les rêves du public. C'était un film
formidablement mystérieux qui lui convenait parfaitement... |
François Truffaut, cité
dans le livre de Philippe Barbier et Jacques Moreau 1984
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Merveilleux et grand
Buñuel, lui seul pouvait nous faire croire à cette Belle
de Jour, lui seul et l'étrange Catherine Deneuve. Tout d'abord,
avec l'aide efficace de Jean-Paul Carrière, il a évité
le piège du respect de l'époque 1920, c'eût été
un alibi facile et de quoi faire passer le corrosif sous les voilettes.
Le fait que toute la critique bien pensante lui reproche 1967, avec
les mini-jupes et le milieu bourgeois actuel, tend à prouver
combien il a eu raison. Tout comme il a eu raison de " meubler
" le personnage de Séverine, de donner de brefs coups
d'il sur ce qu'elle fut, tant elle est vide dans le roman. Sans
l'expliquer, Buñuel ne donne qu'à voir, il la situe,
la rend humaine sinon vraie parce que nous ne pouvons pleinement la
comprendre... |
Guy Allombert, La Saison Cinématographique
1967
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Deneuve joue d'un "érotisme
chaste", et brouille témérairement son image de
star clean sur fond de pochade surréaliste : un objet de désir
pour le moins obscur sous des dehors lumineux. |
Le Mensuel du Cinéma 1993
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1967
Couleurs
1h42
Rôle de Séverine
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Réalisateur
: Luis
Buñuel
Acteurs : Jean Sorel, Pierre Clémenti,
Michel Piccoli, Geneviève Page, Françoise Fabian, Macha
Méril, Francis Blanche, Bernard Fresson, Francisco Rabal
Scénario : Luis
Buñuel et Jean-Claude Carrière, d'après le
roman de Joseph Kessel
Photo : Sacha Vierny
Musique :
Résumé
: Epouse très réservée de Pierre, Séverine
est en proie à d'étranges fantasmes à caractère
masochiste. Devenue la pensionnaire assidue d'une maison de rendez-vous,
elle semble trouver son équilibre en assouvissant les désirs
des clients.
Prix
Festival de Venise 1967 : Lion d'Or / Prix Pasinetti du Meilleur
Film
Bodil 1968 : Film non Américain
Syndicat de la Critique Française 1968 : Film
Nominations
British Academy Awards 1969 : Actrice
Photos
du tournage


Photos
du film












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