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Extraits d'interviews
de Catherine Deneuve

De retour à Paris, je lis le scénario
que Nadine Trintignant (une des mes amies vraies, avec Agnès
Varda) a déposé à mon intention chez ma concierge
avec ce "mot" rapide : "Oui ou non, cela me serait
presque égal. Mais j'aimerais connaître vite ta réponse.
J'ai horreur d'attendre". C'était le scénario
de "Ça n'arrive qu'aux autres". Saisie par ce texte,
émue, j'appelle, dès le lendemain, Nadine au téléphone
: "C'est très beau, cette histoire. Tu as mon accord,
c'est oui !". Nous nous rencontrons, nous parlons de la préparation
du film. Nadine avait-elle déjà en tête le nom
d'un acteur pour interpréter le rôle masculin ? "Justement,
c'est mon problème, ces jours-ci", me dit-elle. Comme
je lui raconte la soirée passée chez Polanski, le
mois précédent, elle dit tout à coup : "Eh
bien voilà ! Mastroianni... Qu'en penses-tu ?"
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Notre métier et le film de Nadine Trintignant
nous ont rapprochés. Nous avons commencé à
tourner le 4 janvier 1971. Equipe réduite. Le sujet s'y prêtait.
Souvent, nous ne disposions que d'une voiture avec un opérateur,
un ingénieur du son (on ne peut pas faire entrer tellement
de monde dans une voiture). Nadine filmait ou conduisait. Marcello
faisait le "clap" ou alors c'était moi. Le film
terminé, Marcello est resté dans ma vie
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La mort d'un enfant est la chose la plus cruelle
du monde. Rien que ça m'empêcherait de croire en Dieu.
C'est inacceptable et il n'y a pas d'explication possible. C'est la
chose la plus injuste et, pour moi, il n'y a pas plus cruel que ça.
C'est un film d'amour mais très violent. A la fin du tournage,
j'étais exténuée. Nadine me disait toujours en
souriant : "Toi, tu es indestructible !" C'est vrai que,
physiquement, j'ai du mal à m'affaisser. J'ai fait de la danse
et je me tiens droite ; je n'y peux rien. Mais moralement ce fut pénible,
car Nadine revivait la mort de son enfant. J'ai été
très peinée des reproches qu'on lui a faits, car je
ne trouve pas indécent pour un metteur en scène de raconter
une chose qui lui est arrivée. "Ça n'arrive qu'aux
autres" est un film auquel je tiens beaucoup, car c'est un film
qui donne l'espoir et qui montre qu'avec l'amour on peut retrouver
un goût pour les choses de la vie. |
Catherine Deneuve, citée
dans le livre de Philippe Barbier et Jacques Moreau 1984
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Extraits d'interviews
de Nadine Trintignant

Il y a deux ans, ma petite fille est morte. Dans
quelques jours, le film que j'ai fait sur elle va sortir. Je me rends
bien compte que cette entreprise, faire un film, c'est-à-dire,
pour parler clairement, en dehors de toute mystique, un spectacle,
sur un tel sujet, choque et paraît être une folie... Je
ne pense pas qu'on soit dans l'erreur si on tâche de faire quelque
chose qui existe, à partir de l'événement le
plus négatif qui puisse arriver... Quand on me demande si ça
n'était pas trop dur à tourner, je me souviens au contraire
du vide que j'ai ressenti le dernier jour du tournage, puis le dernier
jour du mixage. J'ai fait ce film en professionnelle, avec un maximum
de recul et un maximum d'amour... Ce film, j'en suis responsable et
il est ce que je désirais qu'il soit... |
Nadine Trintignant 1971, citée
dans le livre de Philippe Barbier et Jacques Moreau 1984
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J'ai, il faut le souligner,
eu la chance de travailler avec des gens extraordinaires. Catherine
Deneuve est "indestructible". Sans sa délicatesse,
sa force, sa pudeur intelligente, le film aurait été
impossible ou au moins douloureux. Tourner avec Catherine simplifie
tout. On a, bien entendu, envie de pouvoir recommencer... Nous avons
fait une expérience professionnellement intéressante
et neuve. Pour tourner la scène de l'appartement nous nous
sommes enfermés à sept, pendant quatre jours. Sept :
les deux acteurs, l'ingénieur du son et son assistant, l'opérateur,
mon assistant et moi. Je voulais obtenir que Catherine et Marcello
soient à bout, aient même physiquement cet air d'être
au-delà de tout, au-delà d'eux... |
Nadine Trintignant, Cinéma
1972
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Extraits de critiques
Catherine Deneuve et Marcello Mastroianni
sont parfaitement les personnages de ce drame qui touche par son admirable
pudeur ; ils passent de la plus violente tragédie à
la tendresse fantaisiste avec tant de naturel qu'on pense à
peine à remarquer leur performance. Nadine Trintignant a dû
bien savoir leur communiquer son émotion pour arriver à
un tel résultat, mais surtout cela prouve qu'elle a dû
surmonter avec beaucoup de courage sa douleur ; le scénario,
lui-même, témoigne de cette maîtrise et aucune
trace de sensiblerie ne l'entache. L'uvre est belle par cette
sincérité et par cette justesse ; trop vraie pour ne
pas échapper à toute critique esthétique. |
Gilles Plazy, Le Monde 1971
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Un récit à
peine transposé ; les photos géantes et certains plans,
pendant les retours en arrière sont ceux de leur propre fille.
Le rôle du frère de Catherine est joué par Serge
Marquand, frère de Nadine, et pour gommer au maximum la fiction,
les deux personnages centraux gardent les prénoms de leurs
interprètes. Marcello Mastroianni égal à lui-même,
et surtout, surtout Catherine Deneuve bouleversant visage de bête
traquée, prise au piège de l'irrémédiable... |
Frantz Gevaudan, Cinéma
1972
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1971
Couleurs
1h30
Rôle de Catherine |
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Réalisateur : Nadine Trintignant
Acteurs : Marcello
Mastroianni, Dominique Labourier, Danièle Lebrun, Catherine
Allégret, Serge Marquand
Scénario Nadine Trintignant:
Photo : Bernard Prim
Musique : Michel Polnareff
Résumé : Un couple très
uni perd sa petite fille. Du coup, ils se replient sur eux-même
et tout se désagrège... La vie prendra-t-elle le dessus
?
Photos du tournage

Photos du film








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