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Extraits d'interviews
de Catherine Deneuve

Le
sujet du film
Dans ce huis-clos, un membre de la famille va
être assassiné. Cloîtrées dans leur maison,
les femmes vont se suspecter les unes les autres, ayant toutes une
raison d'avoir commis ce meurtre. Ce qui augmente I'intensité
de I'intrigue policière, ce sont les liens familiaux qui unissent
ces femmes. Leurs rapports restent, en revanche, assez drôles
bien que cruels et débridés. Ce drame familial va leur
donner I'occasion de dévoiler des secrets enfouis, de régler
leurs comptes. Avec ma sur, par exemple, interprétée
par Isabelle Huppert, le dialogue est d'une violence inouïe.
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Quand j'ai rencontré
François Ozon, je connaissais certains de ses courts métrages,
j'ai trouvé son projet très fantaisiste et très
attirant. Et puis lorsqu'il s'agit de chanter, les actrices ne peuvent
qu'être d'accord, tant voilà quelque chose de jubilatoire. |
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Je ne connaissais pas
"Toi jamais", la chanson de Sylvie Vartan. J'ai adoré
l'interpréter. J'ai adoré chanter. Quel plaisir, quelle
liberté ! Cela m'a rappelé le bon temps des "Parapluies
de Cherbourg" et l'atmosphère des films de Jacques Demy.
J'ai tellement pris goût à cette expérience que
j'ai pris contact avec une personne qui écrit actuellement
des chansons pour moi. |
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Au début, j'ai pensé
que cette réunion de vedettes était une fausse bonne
idée, le scénario était assez plan-plan, bourge,
désuet, Au théâtre ce soir. En plus, je
trouvais mon personnage casse-gueule : méchant et antipathique
mais sans fond et donc pas très marrant à jouer. Ensuite
Ozon s'est mis à retravailler. C'est un garçon charmant
mais surtout très bosseur. Un scout qui contrôle tout.
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Ce n'est pas un film à la manière
de... C'est beaucoup plus naïf : Ozon nous présente son
arbre de Noël. En même temps, c'est un peu plus compliqué
car je ne crois pas qu'on puisse aujourd'hui faire une comédie
au premier degré, en toute innocence. L'histoire du cinéma
nous pèse sur les épaules et l'époque, tout ce
qu'on sait, ne permet plus cette sorte de grâce ou d'insouciance.
Dans toutes les comédies contemporaines, il y a toujours un
moment, une scène, où ça grince.Y compris dans
celle-ci. C'est ce mélange de naïveté et de quant-à-soi
qui fait à l'arrivée un film insolite. |
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[à propos de la misogynie supposée
du film]
C'est une mauvaise querelle, hors sujet. "8 femmes" est
un film de genre qui ne prétend pas représenter quoi
que ce soit de la condition des femmes d'aujourd'hui. Il me semble,
si on est féministe, qu'il y a d'autres occasions de s'énerver.
Si vous voulez de la misogynie au cinéma, revoyez "Femmes".
C'est quoi le rêve de toutes les femmes du film de Cukor ? Se
caser avec des mecs bourrés de blé et avoir des enfants.
Très progressiste. C'est une mentalité que j'abhorre
depuis l'âge de 12 ans. Et que j'ai évitée lorsque
il m'est arrivé de me marier. |
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J'imagine qu'il y a un
certain bonheur pour le spectateur à découvrir des actrices
qu'il connaît très bien, dans des rôles très
fabriqués... Même pour jouer ce rôle de bourgeoise
qui s'écaille peu à peu, il faut s'abandonner beaucoup.
Sinon, on joue de manière mécanique, on se rétracte
derrière le personnage sous prétexte qu'il nous est
aux antipodes. Le décor également est irréel,
les costumes sont des années 50, toutes ces femmes ne rêvent
que d'être entretenues.
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Catherine Deneuve, Elle 2002
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Les
personnages
Ce sont des petites bonnes
femmes qui évoluent dans un univers mesquin. Puis, au fil de
l'histoire, leurs failles apparaissent et elles délivrent leurs
secrets. Dans la vie, j'aurais plutôt tendance à défendre
le droit aux personnes de les garder pour elles. Tout groupe tient
sur un certain nombre de sous-entendus, et ce n'est pas parce qu'on
sait, et qu'on sait que l'autre sait, qu'il faut forcément
être explicite. Tenir compte des autres, c'est tenir compte
de leur écoute, des interférences et de ce que vont
provoquer nos paroles. Le jour où on se dit tout, c'est le
déchirement absolu sans qu'il y ait pour autant une vérité
qui s'affirme, et c'est ce qui se passe dans "8 femmes". |
Catherine Deneuve, Elle 2002
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Que
sont en effet ces huit femmes sinon huit monstresses, huit caricatures
? Elles révèlent autant l'obstination et l'autorité
d'Ozon que sa misogynie. |
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Moi, j'étais assez
étonnée. Je n'arrêtais pas de me dire : "Qu'est-ce
qu'elle est méchante, cette Gaby !" Non que cela me gêne
vraiment de jouer un personnage méchant, mais je trouvais que
c'était une méchanceté au premier degré,
et donc pas très intéressante. Je la voyais comme une
femme égoïste, capricieuse, vaine... Après, j'ai
dépassé cela parce que nous en avons parlé avec
François et qu'il en est ressorti plus d'humour, plus d'ironie.
Mais au début, je la trouvais idiote. Une poule ! C'était
une petite poule ! |
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Le rôle lui-même est de composition
pure. Il s'agissait de créer un personnage de film américain
des années cinquante. Gaby n'est pas quelqu'un de très
sympathique. Elle est égoïste. Elle a ces comportements
de femme bourgeoise de province, entretenue. Il faut fournir des efforts
pour se mettre dans cette situation, par rapport à l'homme
absent par exemple. Ce type de femme dépendante est très
éloignée de ma conception, de ce qu'une femme peut vivre
aujourd'hui comme de la femme en général. |
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Mais Gaby, ce n'est pas une femme
qui me touche beaucoup : les hommes, l'argent, être entretenue,
c'est franchement pas tellement mes critères. |
Catherine Deneuve, citée
dans L'Est Républicain 2002
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Une fois de plus, ça m'épingle
au mur comme la blonde un peu froide, garce, tout ça. Mais
franchement je m'en fous, je viens de finir le nouveau film de Tonie
Marshall, où je suis tellement autre chose. |
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La sur, ça m'a rappelé des
souvenirs de chamailleries avec mes propres surs, pas à
ce point-là de vannes mais quand même. |
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Je n'aime pas les performances, je
trouve qu'on peut prendre des risques et faire des choses à
contre-emploi, je n'aime pas cette idée qu'il faut prouver
qu'on est une bonne actrice. |
Catherine Deneuve, citée
dans L'Est Républicain 2002
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Les
partenaires
J'ai été
très heureuse de mieux connaître Isabelle Huppert et
Fanny Ardant que je croisais sans cesse mais avec lesquelles, étrangement,
je n'avais jusqu'alors jamais tourné. Danielle Darrieux a si
souvent été ma mère au cinéma que cela
ressemblait à une belle histoire qui se prolonge. Quant à
Ludivine Sagnier et Virginie Ledoyen, je les ai tout de suite adoptées.
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Entre les actrices, cela
s'est très bien passé. Il régnait une très
bonne entente, sans rivalités. Et Dieu sait pourtant que les
personnages que nous incarnions étaient mesquins ! |
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C'était très
agréable de vivre pendant deux mois dans un univers exclusif
de femmes. Je n'avais encore jamais connu cette expérience-là.
[...] Le tournage a détruit ce vieux cliché machiste
en vertu duquel huit comédiennes ensemble se déchireraient
forcément et se jalouseraient. Eh bien, on s'est toutes très
bien entendues et on a formé une formidable famille nombreuse.
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C'était la première
fois que je tournais dans un film sans aucun personnage masculin présent.
Cette expérience m'a montré qu'il était possible
de tourner avec des actrices, dans une sorte d'harmonie. Non pas que
j'avais des doutes là-dessus, mais c'est toujours bien d'en
avoir la preuve. On a été jusqu'au bout dans une certaine
gaieté. S'il y avait des tensions, elles provenaient du style
du film : toutes les scènes sont très découpées,
tournées rapidement. |
Catherine Deneuve, Elle 2002
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Son idée de réunir une bande de
filles m'a enchantée. Loin de m'effrayer, l'aventure m'a tout
de suite semblé intéressante et agréable. Bonheur
de partager, de faire équipe, d'être une partie d'un
tout. Vous savez, être seule à porter un film, c'est
un stress et une lourde responsabilité. Je n'ai eu que du plaisir
à jouer en famille. D'autant que j'allais retrouver Danielle
Darrieux, ma mère au cinéma pour la quatrième
fois. On a tort de croire que le cinéma est une affaire d'ego.
C'est plutôt une école de patience et de modestie - on
attend des heures pour quelques minutes de tournage, il faut se plier
à la technique, faire confiance à toute une équipe.
Alors, être huit dans l'il de la caméra, c'est
plutôt réconfortant. |
Catherine Deneuve, Paris Match
2002
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J'ai retrouvé Danielle
Darrieux, qui incarnait déjà ma mère dans "Les
demoiselles de Rochefort", de Demy et "Le lieu du crime",
de Téchine. J'ai eu aussi beaucoup de plaisir à tourner
avec Fanny Ardant, qui joue ma belle-sur, beaucoup ri avec Emmanuelle
Béart, ma femme de chambre, et les petites Virginie Ledoyen
et Ludivine Sagnier, mes filles dans le film. |
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Pour ma bagarre avec Isabelle Huppert, j'ai apprécié
la présence des cascadeurs qui nous ont réglé
la scène comme du papier à musique. Pas évident
de se crêper le chignon sans se faire mal, ni sans éclater
de rire. Ca m'a rappelé mes bagarres autrefois avec mes surs.
C'est ma scène d'amour avec Fanny Ardant qui m'a le plus secouée.
Nous étions toutes deux très gênées, pudiques,
intimidées. Quand on nous voit à l'écran, on
rit beaucoup je crois, mais on est aussi troublé par le mélange
de réalisme, de fantaisie et d'ambiguité. Ca a été
une expérience particulière, très particulière. |
Catherine Deneuve, Paris Match
2002
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[A propos de la scène
de baiser avec Fanny Ardant]
On était un peu tendues, oui, parce que l'on redoute toujours
! Les scènes d'amour de toute façon, [...] c'est
toujours une chose que l'on redoute souvent, les acteurs comme les
actrices. Parce que ce contact physique d'un seul coup fait que l'on
n'est plus dans un rôle, il y a une espèce de sensation.
Et oui forcément, parce qu'à partir du moment où
on se touche et en plus il y vraiment une sensation, il y forcément
une autre forme d'émotion, si vous voulez, que l'on ne peut
pas contrôler vous voyez. Quand il y a un contact physique c'est
autre chose, donc on redoute toujours un peu ça parce qu'on
sait qu'on n'est plus vraiment complètement acteur et quand
même temps il y a quand même une scène à
jouer. |
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Le
tournage
Si le film est inspiré d'une pièce
de théâtre, il n'est pas du théâtre filmé.
Tout cela est très stylisé. Mais cela constitue une
contrainte d'être durant deux mois dans un décor unique,
de porter un costume unique et des personnages qu'on ne quitte pas.
Cela comporte un danger, celui de la routine. J'ai toujours peur de
l'installation dans quelque chose. J'ai essayé de garder une
vivacité, une certaine "humeur". Mais une sorte d'évidence
est aussi permise par ce type de contrainte. Dès lors que l'on
porte un costume, un corset, des faux ongles, le maquillage, etc.,
avant même d'arriver au tournage, on est déjà
physiquement dans le personnage. La façon de se mouvoir et
de s'asseoir va beaucoup plus de soi. Cela aide beaucoup. |
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Le port d'un uniforme, aussi élégant
soit-il, ajouté à l'enfermement dans un studio a accentué
avec bénéfice le côté pensionnat de femmes.
De fait, on s'est très vite organisées. Entre les prises,
on faisait salon dans une partie du décor et là on fumait
comme des malades en se racontant des histoires. Cétait un
petit troupeau assez déconnant. Même si de l'extérieur
on aurait bien aimé apprendre des petites histoires de rivalité,
de jalousie. Désolée, non. Par exemple, le film m'a
permis de faire connaissance avec Isabelle Huppert. Je ne le regrette
pas. |
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Mettre tous les matins
des robes corsetées, des bas à couture, des faux cils,
des faux ongles, c'est très contraignant. D'autant qu'on n'avait
pas le temps de préparation des vieux films américains
auxquels Ozon se référait. Le rythme était frénétique.
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Sur le plateau, I'ambiance
était très agréable. Comme nous tournions dans
un seul décor, nous avions pris nos habitudes. Dans la cuisine,
on se réunissait pour discuter, fumer des cigarettes et boire
des cafés, comme dans une vraie maison. Cette famille de cinéma
était devenue la mienne... |
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On descendait prendre
le thé, ou comme on était toutes des fumeuses, on fumait
d'un côté quand il tournait de l'autre côté
parce qu'on avait cette possibilité, c'était suffisamment
grand pour qu'on puisse être là et avoir des apartés.
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Nous nous sommes beaucoup
amusées. François et son chorégraphe Sébastien
Charles voulaient nous faire faire des choses très stylisées,
mais qui ne fassent pas du tout comédie musicale, ce qui n'était
d'ailleurs pas notre ambition. D'autant que François tenait
à les tourner dans la continuité, donc le temps de la
prise était assez long. Et nous ne sommes ni chanteuses ni
danseuses... |
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François Ozon est à la fois très
directif: il est présent à la caméra, définit
le cadre, il est très sûr de ce qu'il veut. Dans le même
temps, il laisse les actrices très libres. |
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La phrase de François
Truffaut qui circule dans "8 femmes" n'est pas celle que
je préfère, peut-être, justement, parce qu'elle
est très importante pour moi. |
Catherine Deneuve, Elle 2002
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Extraits d'interviews
de François Ozon

Toutes avaient vu mes films... sauf
Catherine Deneuve. Et comme c'est autour de Catherine que le film
est construit, puisqu'elle est le pivot de la famille et donc de l'intrigue,
son accord a très vite emmené le tout. |
François Ozon, Le Film
Français 2002
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Je me suis vite rendue compte que le pivot de
mon film, c'était Gaby, qui a l'âge de Catherine Deneuve.
J'ai attendu sa réponse pour organiser la distribution autour
d'elle. Par chance, elles ont toutes eu envie de travailler ensemble
sans crainte, contrairement à ce que je redoutais. Catherine
m'a tout de suite dit : "Oui ! J'adore les femmes !". |
François Ozon, Femme 2002
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Catherine Deneuve trouvait le projet de "Huit
femmes" original, bizarre et, donc, intrigant. Plus encore lorsque
je lui ai dit que je voulais faire chanter chacune des huit actrices.
Depuis Demy, et jusqu'à Lars von Trier, elle a toujours montré
qu'elle était partante pour des projets où la musique,
la danse et la chanson avaient un rôle à jouer. |
François Ozon, Studio Magazine
2002
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Des actrices comme elles, qui ont une telle carrière,
qui ont fait autant de films, c'est ce qu'elles aiment. L'inattendu.
Et c'est vrai pour toutes. Pour qu'elles aient du désir, il
faut leur donner des choses extraordinaires à faire ; en tout
cas, pas banales. On ne demande pas tous les jours à Isabelle
Huppert et à Catherine Deneuve de se crêper le chignon
! Ou à Catherine Deneuve d'assommer Danielle Darrieux d'un
coup de bouteille ! |
François Ozon, Studio Magazine
2002
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J'ai choisi Catherine
Deneuve parce que je voulais une actrice qui représente, en
France comme à l'étranger, le cinéma français.
Le casting s'est ensuite construit autour d'elle. |
François Ozon, Positif
2002
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Quand on choisit une actrice comme elle, on sait
qu'elle n'arrive pas seule, mais accompagnée de ses rôles
et metteurs en scène passés - auxquels le spectateur
se réfère forcément, même inconsciemment.
Quitte à me coltiner toute cette mémoire, j'avais envie
de travailler dessus, de m'amuser avec. Entre beaucoup d'autres clins
d'il on s'est inspiré de l'affiche de "Belle de
jour" pour le portrait de Catherine Deneuve qu'on voit dans le
film. |
François Ozon, Télérama
2002
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Dès le début, je leur avais dit
que je les voulais toutes glamour et magnifiques. Je voulais qu'elle
fassent rêver. [...] Pour Catherine, j'ai pensé au look
de Lana Turner, à la façon de bouger de Marilyn Monroe. |
François Ozon, Femme 2002
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Dans la journée, le plateau ressemblait
à un salon de thé : chaque actrice avait son fauteuil,
elles se regroupaient dans un coin et discutaient. Leurs egos se sont
un peu neutralisés, toutes ont fait des efforts. Elles savaient
que la réussite du film reposait sur chacune d'elles... |
François Ozon, Femme 2002
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Catherine a besoin que je lui explique mon découpage,
elle a besoin de chercher des déplacements, elle travaille
dans le mouvement. |
François Ozon, Studio Magazine
2002
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Catherine est très instinctive. Elle aime
bien qu'on s'adapte à sa manière. |
François Ozon, Madame Figaro
2002
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Catherine Deneuve, qui
a certainement plus de liberté quand elle travaille avec Téchiné,
n'aimait pas que je lui impose ses déplacements. Alors elle
se rattrapait sur les dialogues. C'est elle qui a eu l'idée,
lorsqu'Isabelle Huppert pleure dans la cuisine, de l'appeler "Titine".
C'était très touchant et cela enrichissait leur relation. |
François Ozon, Positif
2002
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Pour son affrontement
avec Catherine Deneuve, j'ai dit des choses à Emmanuelle Béart
sur le personnage de Catherine que j'avais cachées à
cette dernière. |
François Ozon, Positif
2002
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Pendant le tournage,
on a proposé à Catherine Deneuve une étole de
fourrure parce que je savais qu'elle aimerait. En plus, ça
rendait un discret hommage à Marilyn. |
François Ozon, Positif
2002
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Catherine est venue [aux rushes] parce que ça
l'aide à travailler. Au début, cela m'inquiétait
parce que, d'habitude, mes acteurs ne viennent pas voir les rushes.
Mais, en fait, c'était très bien, car elle comprenait
mieux ce que je cherchais. Ce qui est marrant, c'est qu'après,
elle appelait les autres en leur disant : "Je vous ai vue dans
telle scène, vous êtes formidable !" |
François Ozon, Studio Magazine
2002
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Dans le scénario, il y avait une phrase
de Truffaut qui résonnait entre elles [Catherine Deneuve et
Fanny Ardant] : "te voir, c'est à la fois une joie et
une souffrance". Cette réplique, Depardieu dans "Le
dernier métro" et avant lui, Belmondo dans "La sirène
du Mississipi", l'avaient déjà lancée à
Catherine. Dans mon film, quand elle la prononce, on voit le visage
de Fanny dans le rideau rouge. A la répétition, j'étais
nerveux, inquiet de ce que Catherine en penserait. Je lui ai dit :
"c'est un petit vol". Elle m'a répondu : "non,
c'est un très bel emprunt". Tourner avec elle a été
une expérience très forte. Elle donne beaucoup aux autres
actrices et a apporté à son personnage une humanité
qui n'existait pas sur le papier. C'est quelqu'un de très aventureux. |
François Ozon, Femme 2002
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Catherine et Fanny ont eu, toutes les deux, des
rôles magnifiques avec Truffaut, et elles l'ont toutes les deux
aimé. C'était joli de jouer avec, puisque, dans le film,
elles sont un peu rivales, d'une certaine manière. En plus,
cette phrase de Truffaut m'est venue naturellement, parce que c'est
quelque chose que je ressens profondément, comme beaucoup de
gens. Ce n'est qu'après que je me suis dit : "est-ce que
je vais oser la faire dire à Catherine ?". Un jour, avant
le début du film, on a fait une lecture avec Catherine et Fanny.
Je leur ai donné la nouvelle version du scénario. On
lisait les répliques et on est arrivés à celle-ci.
Moi, je jouais le rôle de Suzon, qu'interprète Virginie.
Catherine m'a dit la phrase de Truffaut et elle m'a souri. Moi, j'étais
tout rouge et j'ai balbutié : "excusez-moi, j'ai commis
un petit vol". Et elle m'a répondu : "non, c'est
un bel emprunt". Fanny n'a rien dit. Elle a juste souri. |
François Ozon, Studio Magazine
2002
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Cela excite les acteurs qu'on leur
propose de l'inattendu. On s'imagine que Catherine Deneuve doit être
bien habillée, impeccable, alors qu'en réalité
c'est une femme qui a vraiment envie de faire des choses extraordinaires.
Cela se voit d'ailleurs dans les choix de sa carrière. Donc,
aucun problème pour cette scène [avec Fanny Ardant].
Au contraire, il y a eu une grande complicité, elles ont bien
rigolé. Elles m'ont juste dit : "On ne veut pas que ce
soit vulgaire, on veut que ce soit bien filmé". |
François Ozon, Marie Claire
2002
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Extraits d'interviews
de ses partenaires

Quand je rencontre Catherine
Deneuve sur un tournage, je suis sa mère ! Cela fait quatre
fois. Mais c'est la première fois qu'elle m'enferme dans un
placard. Dans "8 femmes", elle me rappelle Marilyn et, d'ailleurs,
c'est comme ça que je l'appelais. Avoir pour fille Catherine,
si régulièrement, dans des univers imaginaires si divers,
est très émouvant : comme si une autre vie se jouait
malgré nous, en dehors de nous. Le temps d'un film, elle s'impose,
Catherine est ma fille, et je me souviens d'elle, la première
fois, toute gamine, ses petits cheveux châtains, son visage
adorable. |
Danielle Darrieux, Elle 2002
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Elle connaît toutes
les chansons, de Radiohead à Petula Clark. Elle aime faire
rire mais, quand il y a un fou rire général durant une
prise, c'est la seule qui réussit à garder son sérieux.
Elle est tactile, prévenante - elle a offert des brins de muguet
à tout le monde, le jour du 1er mai -, et discrète.
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Virginie Ledoyen, Elle 2002
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Catherine Deneuve était maternelle, protectrice
et attentionnée. |
Virginie Ledoyen, Paris Match
2002
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Chacune a sa propre méthode.
Chez Catherine Deneuve, c'est inné et donc apparemment insouciant. |
Ludivine Sagnier, Le Film Français
2002
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Vous m'avez toujours encouragée.
Je me souviens très bien, le jour de ma tirade, vous étiez
là, très présente. Vous m'avez même apporté
à boire... |
Ludivine Sagnier, CinéLive
2002
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J'étais en train
de parler avec Catherine Deneuve et, tout d'un coup, je me suis souvenue
d'elle dans "Le dernier métro" et je me suis mise
à pleurer. Elle m'a dit : "Arrête, tu ne vas pas
pleurer, c'est ridicule !", en me donnant une petite tape sur
la main. Catherine a cette image d'icône du cinéma, mais
elle a vraiment les pieds sur terre. |
Ludivine Sagnier, Oh La 2003
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C'était l'équilibre
la terreur. Donc il n'y a pas eu d'ego manifeste, sinon cela aurait
confiné au ridicule. Je suis arrivée la dernière,
comme après la bataille. J'étais l'outsider. Je n'avais
tourné avec aucune des atrcies présentes. Dès
le premier jour, je me suis retrouvée plantée devant
elles pour exécuter ma chorégraphie, et c'était
un peu : "Alors, vas-y, montre-nous ce que tu sais faire..."
La seule chose à laquelle j'ai pu me raccrocher, ça
a été le regard de Catherine dans lequel il y avait
de la bonté. Elle comprenait que mon cur allait exploser
dans ma poitrine. |
Fanny Ardant, Première
2004
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Je n'avais jamais joué
avec Catherine Deneuve mais je l'aimais. Parce qu'elle est un lien
avec François [Truffaut], comme Claude Berri. Quand j'étais
allongée sur elle, pour la scène où je l'embrasse
sur la bouche, je lui disais : "Je suis une fausse maigre, hein,
faites attention". |
Fanny Ardant, Première
2004
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Extraits de critiques

Cluedo policier, coffre à jouets cinéphile,
radiographie mélancolique des passions féminines, comédie
musicale et drôlatique, portrait amoureux et vachard de quelques
grandes actrices françaises : "Huit femmes" est tout
cela. Avec talent, maîtrise et une petite dose de perversité,
François Ozon joue et gagne. |
Télérama 2002
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" Huit femmes " est un petit chef-d'uvre,
un thriller glamour qu'il ne faut manquer sous aucun prétexte.
Voici huit raisons pour courir le voir.
1) Le casting. Historique! La fine fleur féminine du cinéma
français, toutes générations confondues, s'y
épanouit dans une floraison de fiel et d'élégance.
Une constellation d'actrices, qui vont, 1 h 43 durant, se déchirer
de leur bec badigeonné de rouge et de leurs ongles manucurés.
Un festival de stars-icônes qui jouent avec leur image ou se
jouent d'elle, avec la même délectation. Huit panthères
dans une même cage... Un casting d'enfer. Un exploit - et un
plaisir - total.
2) Le scénario. Adaptée d'une pièce des années
60 de Robert Thomas, l'intrigue est un feu d'artifice de chausse-trappes,
de fausses pistes, de pièges et de rebondissements, dignes
d'Agatha Christie, dynamité, en plus, par des dialogues percutants
et un humour noir qui, derrière leur légèreté,
ne sont pas très rassurants quant à la nature des femmes
- et des hommes.
3) Le look. Un travail subtil sur la lumière enveloppe les
huit actrices d'une aura rétro et dramatique. L'architecture
théâtrale des décors magnifie l'action et ménage
la montée de la tension. Élégance suprême,
enfin, des costumes, qui sont en totale adéquation avec la
psychologie de celles qui les portent.
4) La mise en scène. Affinant ses partis pris stylistiques,
François Ozon mène, avec un singulier mélange
de tact et d'audace, de fascination et de distance, cette danse de
séduction et de mort, tout en laissant à chacune de
ses interprètes assez d'espace pour qu'elle imprime sa marque.
Un équilibre parfait.
5) Le jeu de miroirs. Les actrices qui s'interpellent derrière
leurs personnages, les clins d'il à " Femmes "
de Cukor, mais aussi au " Dernier métro ", à
" Marie-Octobre ", à " Gilda, à "
Les hommes préfèrent les blondes " et même
à " Hairspray ", démultiplient notre premier
plaisir de spectateur et, au-delà de l'exercice de style, approfondissent
notre trouble.
6) La chanson et la danse. Avec un culot jubilatoire, le réalisateur
ponctue son film de huit intermèdes musicaux : chacune de ses
héroïnes se révèle en dansant et en chantant.
Un summum de kitsch, vite transcendé par l'émotion.
7) La passion, même vénéneuse, dont déborde
ce film pour les femmes et les actrices. A ce point-là, c'est
rare.
8) La liberté, l'audace et le talent dont témoignent
autant les actrices que leur metteur en scène. Et qui ont permis
à cette entreprise folle et glamour d'exister. Comment ne pas
être sous le charme ?
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Studio Magazine 2002
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2002
Couleurs
1h43
Rôle de Gaby

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Réalisateur
: François Ozon
Acteurs
: Danielle
Darrieux, Isabelle Huppert, Fanny Ardant, Emmanuelle Béart,
Virginie Ledoyen, Ludivine Sagnier, Firmine Richard, Dominique Lamure
Scénario
: François Ozon, d'après la pièce de Robert Thomas
Photo
: Jeanne Lapoirie
Musique
: Krishna Levy
Résumé
: Dans les années 50, une grande demeure bourgeoise en pleine
campagne : on s'apprête à fêter Noël. Mais un
drame se produit : le maître de maison est assassiné. Huit
femmes proches de la victime sont présentes et l'une d'elles
est forcément la coupable. Commence alors une longue journée
d'enquête, faite de disputes, de trahisons et de révélations,
où l'on apprend très vite que chacune a ses raisons et
cache des secrets insoupçonnés.
La vérité éclatera, cruelle et tragique, faisant
tomber les masques et les faux-semblants.
Festival
de Berlin 2002
Festival d'Edinburgh 2002
Festival de Montréal 2002
Festival
de Toronto 2002
Festival de Boston 2002
Prix
Festival
de Berlin 2002 : Ours d'Argent de la Meilleure Contribution Artistique
Individuelle à l'ensemble des actrices
European Awards 2002 : Prix collectif de la Meilleure Actrice
Nominations
Césars
2003 : Film / Réalisateur / Actrice (Fanny Ardant et Isabelle
Huppert), Second Rôle Féminin (Danielle Darrieux) / Espoir
Féminin (Ludivine Sagnier) / Scénario / Musique / Photo
/ Son / Costumes / Décor
Chanson "Toi jamais" chantée
par Catherine Deneuve
Voir
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officiel de François Ozon

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sur Isabelle Huppert

Photos du tournage












Photos du film








Photos du clip tourné par
Dominique Issermann

Photos de la promotion












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