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Extraits d'interviews de Catherine
Deneuve

C'est très intuitif. Ils m'ont
fait l'impression d'un très grand calme au moment d'exposer
le projet et de parler du Liban. Une trop grande exaltation m'aurait
un peu inquiétée. J'aime qu'on s'exalte pendant le
travail, mais il faut un certain ordre dans les choses, non ? Ils
avaient quelque chose de très rassurant, comme s'ils me prenaient
par la main. Je n'avais pas l'impression qu'ils me cacheraient des
choses. |
Catherine Deneuve, Libération
2008
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Il y a bien sûr toujours le
risque d'aller dans un pays instable... mais je voyais d'emblée
que l'ensemble du voyage pouvait être une aventure en soi.
Cinématographiquement, mais pas seulement. J'ai pu craindre
inconsciemment un tournage à la sauvette, avec des caméras
presque cachées, mais j'ai découvert un dispositif
impeccable en dépit d'autorisations à obtenir pour
avancer cette voiture de quelques mètres qui pouvaient relever
de la bureaucratie la plus kafkaïenne. |
Catherine Deneuve, Libération
2008
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Je savais très peu de choses,
qu'on irait au Sud, jusqu'à la frontière. Je connaissais
des étapes : un chemin de mines, le village de Bint Jbeil,
totalement dévasté, Après, lorsqu'on me voit
dire bonjour à Rabih pour la première fois, c'est
vraiment la première fois que nous nous voyons. Ce qui se
passe dans la voiture n'est pas écrit. Je restais ce que
j'étais : une passagère passive, mais éveillée.
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Catherine Deneuve, Libération
2008
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Je ne suis qu'une voyeuse. J'ai fait
ce film pour des raisons personnelles que je n'ai pas forcément
envie d'expliquer. Le Liban a évoqué quelque chose
de très personnel, de très lointain, qui m'a ramenée
à des souvenirs de famille très anciens. C'est un
voyage que j'aurais dû faire il y a très longtemps,
avec ma sur, Françoise. Elle connaissait bien le Beyrouth
d'avant-guerre, elle y avait beaucoup d'amis. C'est resté
cette chose en moi : comment ça, tu ne connais pas le Liban,
alors que ta sur aimait tant y aller ? Je savais que ça
n'avait rien à voir, que ce n'était, pour ainsi dire,
plus le même pays, mais je ne voulais plus reporter ce voyage. |
Catherine Deneuve, Libération
2008
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Je n'avais jamais vu d'endroits bombardés
d'aussi près. Jamais, de toute ma vie. Je garde des images
en moi de rideaux qui volent, de fauteuils éventrés,
de chaussures abandonnées, des gens présents. Tout
devient vite irréel, cette dévastation. Ça
impressionne et ça attriste profondément. Je me demande
comment vous avez pu vivre après, toutes ces semaines avec
les rushes, avec quelles autodéfenses ? |
Catherine Deneuve, Libération
2008
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J'ai d'abord lu un court scénario
sans dialogues qui m'a emballée. J'ai très vite décidé
d'accepter, peut-être par peur de changer d'avis. On demande
très souvent aux personnalités leur avis sur tout
et n'importe quoi, comme si la célébrité suffisait
à nous mettre en position d'expert. J'avais lu avec passion
les reportages sur cette guerre, et les articles montraient à
quel point c'était complexe et qu'il était impossible
d'avoir un avis unilatéral. J'ai pensé que le film
était une occasion rare de voir de mes propres yeux en étant
accompagnée par des personnes absolument concernées.
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Très peu de temps après
notre départ, il y a eu un attentat à la voiture piégée
devant l'hôtel où nous étions. Nous avions rencontré
durant le tournage des Casques bleus espagnols qui ont été
tués peu après, nous avions entendu le bruissement
de leur conversation, à côté de notre table.
Forcément, entendre à la radio que "dix hommes
ont été tués" ne renvoie plus au même
anonymat. On revoit leurs visages, un à un. Ils cessent d'être
engloutis dans le flot des catastrophes annoncées. On ne
se rendait pas vraiment compte du risque. |
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Les conversations qu'on entend sont
les nôtres. On oubliait parfois qu'on était filmés.
J'ai rarement eu la sensation de jouer car j'étais prise
par mon intérêt pour ce voyage. C'est rare de faire
entièrement corps avec ce qu'on interprète, même
si la scène finale de gala, fictionnelle, était écrite.
Moi aussi, je voulais voir la destruction, alors même que
les pelleteuses commençaient déjà à
tout reconstruire. |
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J'étais surprise par le temps
nécessaire pour de nouveau appréhender la vie quotidienne
"normalement" au sortir d'une guerre. Forcément,
on n'a pas la même attitude face aux périls les plus
banals. On brûle les feux rouges, sauf ceux qui paraissent
vraiment indispensables
On jette les ordures par la fenêtre,
puisque de toute manière tout doit disparaître. On
traverse à pied des autoroutes puisque la vie est fatalement
dangereuse. J'ai l'air d'une maniaque quand je demande à
Rabih de mettre sa ceinture. |
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Extraits d'interviews
de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige

C'est là que nous avons
pensé à Catherine Deneuve, la personne qui incarne
la fiction, un visage comme un écran sur lequel on peut
projeter quelque chose. Pas de pathos. Elle n'a pas tiré
le film à elle. Catherine incarne une histoire du cinéma
que nous avons envie de défendre face à lui, Rabith
Mroué, l'acteur fétiche de nos films, qui incarne
le Liban. Il fallait faire rencontrer ces deux histoires. |
Joana Hadjithomas et Khalil
Joreige, L'Humanité 2008
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Nous lui avons écrit une
lettre [à Catherine Deneuve] et elle nous a répondu
vingt-quatre heures plus tard qu'elle venait. Il n'y avait ni
argent pour le film ni scénario à distribuer aux
acteurs. Pendant le tournage, elle ne savait pas où elle
allait. On lui avait juste dit qu'il y aurait peu de dialogues,
qu'il y aurait de l'improvisation et qu'elle jouerait son propre
rôle. Il s'est créé une forme de confiance.
Quand on lui a dit que le film était un long métrage,
elle n'a pas demandé à le voir comme elle n'avait
pas demandé à voir les rushes. Elle ne l'a découvert
qu'au moment de la sélection pour Cannes afin de pouvoir
répondre aux questions. Elle a pris le risque de l'aventure
politique, économique comme à tous les niveaux,
dans une grande intuition et intelligence des situations. Elle
savait qu'on ne cherchait pas à l'instrumentaliser. Pour
nous, c'était un cadeau énorme et il fallait être
à la hauteur. La présence de Deneuve ici crée
presque une fiction et on n'y croyait pas. |
Joana Hadjithomas et Khalil
Joreige, L'Humanité 2008
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Quand Catherine Deneuve a vu enfin
le film, nous étions terriblement angoissés. Elle
l'a trouvé très singulier, déroutant, elle
a dit qu'il ne ressemblait à rien de ce qu'elle avait vu.
Mais nous avons l'impression qu'elle s'attendait un peu à
ça. Le film est quelque chose d'un peu à part dans
sa filmographie aussi à cause de l'aventure humaine qui
nous a liés. |
Joana Hadjithomas et Khalil
Joreige, L'Humanité 2008
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Ce qui revient dans leurs questions,
ou attaques, c'est justement "Qu'est-ce qu'elle fait là
Deneuve ? Qu'est-ce qu'elle a vu ? Pourquoi ne dit-elle rien sur
ce qu'a fait Israël ?" Ce silence, c'est exactement
le propos du film, mais pour l'heure, ça choque. |
Joana Hadjithomas et Khalil
Joreige, Libération 2008
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Extraits de critiques


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2008
Rôle de Catherine Deneuve
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Réalisateurs : Joana Hadjithomas et
Khalil Joreige
Acteurs : Rabih Mroué
Scénario : Joana Hadjithomas et Khalil Joreige
Photo : Julien Hirsch
Musique : Scrambled Eggs et Joseph
Ghosn / Discipline
Résumé : venue à Beyrouth
pour un gala, Catherine Deneuve se rend au sud Liban avec l'acteur libanais
Rabih Mroué à travers les région touchées
par la guerre, jusqu'à son village natal complètement
dévasté.
Photos du film


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