Sa carrière / Films / Les parapluies de Cherbourg
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Anecdotes sur le tournage


Catherine Deneuve, Demy l'avait choisie il y a trois ans en découvrant ses dons de comédienne et sa fraîcheur dans un mauvais film. Il écrivit aussi le rôle pour elle et, la retrouvant pour le film, ne put s'empêcher de lui dire : "Vous ne correspondez plus du tout à ce que j'avais vu". II lui restait à recréer la jeune comédienne à l'image de Geneviève et peut-être à sa propre image car, heureusement, Catherine Deneuve était restée, en dépit d'apparences nouvelles, ce qu'elle était vraiment : adorablement jeune fille, incroyablement timide, délicate, spirituelle...
Cinéma 1964

Le film fut vraiment réalisé en comptant sans cesse, chronomètre et décamètre en main. Tout le monde avait peur; dès trois mois avant le tournage, Demy réunissait une fois par semaine tous ses interprètes, pour avancer avec eux dans la solution de ces problèmes. De leur part, les comédiens se préparaient en écoutant chaque jour la musique et l'interprétation chantée du film, chacun ayant sa collection de disques souples et répétant le texte chanté devant la glace. L'enregistrement de la bande sonore avait d'ailleurs été fait en présence des comédiens, tandis que les chanteurs se retrouvaient près des comédiens, au moment du tournage, afin de diriger encore la respiration et le chant effectif de ceux-ci à la prise de vues. Bien que ce chant ne dût pas être le chant entendu, encore fallait-il que les comédiens aient de l'oreille, le sens du rythme, soient capables de chanter et de montrer qu'ils chantent. Pour le rôle de la mère de Geneviève, Jacques Demy avait d'abord pensé à Micheline Presie, qui aurait pu chanter aussi sur la bande son. Il avait écrit le rôle pour elle. Cela ne se fit pas. Il pensa alors à Danielle Darrieux, qui aurait aussi chanté. Cela ne se se fit pas.
Cinéma 1964

Demy intègre les acteurs à sa mise en scène en jouant sur le regard, le geste, retenu seul, tant d'autres refusés, en refusant somme toute à ses acteurs le jeu dramatique, en les empêchant de jouer, théâtralement ou non. Il obtient ainsi des composantes égales à celles que lui apportent le décor et la couleur, les mots et la musique : quelques lignes mouvantes des regards, tant d'autres écartées, lignes harmonieusement déplacées, loin de tout désordre, du tumulte, de l'enchevêtrement. Ce sont les mêmes lignes, les mêmes rythmes que l'on retrouve dans les seuls gestes, les seuls mouvements du corps que Demy garde et ordonne et qui se livrent comme les plus purs, les plus beaux dans leur naturel recréé...
Cinéma 1964

Extraits d'interviews de Catherine Deneuve

C'était en 1960. Je venais de tourner "L'homme à femmes" de Jacques-Gérard Cornu. Jacques Demy, semble-t-il, m'y avait remarquée. Un jour, je reçus une invitation à un cocktail, à l'occasion de la sortie de "Lola". Sur le carton, Jacques avait ajouté un mot insistant pour que je sois présente. Malheureusement, j'étais absente de Paris ce soir-là. J'ai cru que ça allait en rester là. Mais c'était mal connaître la détermination, l'entêtement de Jacques Demy. A mon retour, il me contactait de nouveau, proposait un rendez-vous, et c'est au cours de cette première rencontre qu'il m'a parlé des "Parapluies"… trois ans avant sa réalisation - car le projet a été très long à monter. Je m'en souviens d'autant plus précisément qu'entre cette première rencontre et le tournage du film, j'ai eu largement le temps d'avoir un bébé ! J'ai écouté les premiers enregistrements, encore enceinte, et le tournage a démarré très vite après mon accouchement.

"Les parapluies" a été pour moi le premier film important. Mais non seulement ça : le tournage avait été, avec Demy, vraiment formidable parce que c'était la première fois que quelqu'un me voulait vraiment pour un film. Mais le film a été très difficile à monter. C'était une entreprise que tout le monde jugeait un peu folle et c'est Mag Bodard qui a réussi à faire naître ce projet.

Le premier déclic est venu très tôt. quand j'ai rencontré Jacques Demy pour "Les parapluies de Cherbourg". J'ai découvert un sentiment nouveau et j'ai su que je ne l'oublierais jamais. Il y avait quelque chose de magique avec Jacques, avec ce rôle, avec ce film. Quelque chose m'a vraiment touchée. Comme une soudaine harmonie. Disons que j'ai ressenti quelque chose qui, par rapport à moi et au cinéma, m'a paru fondamental.

Je crois que je n'aurais pas supporté la vie d'actrice s'il n'y avait pas eu "Les parapluies de Cherbourg". Avec Demy, j'ai découvert ma vocation. C'était un film très dur et magique, on travaillait sur la musique de Michel Legrand. On devait répéter les dialogues tous les jours. C'est ainsi que je sais encore les dialogues, tous les dialogues de tous les personnages par cœur. C'était exaltant, lyrique. J'ai beaucoup appris avec Demy.

Jacques Demy m'a regardée, non pas comme une starlette, mais avec toute sa confiance, toute sa poésie.

Quand j'ai rencontré Jacques Demy, qui m'a parlé de moi dans un film, qui m'a fait lire ce scénario des "Parapluies de Cherbourg" que j'ai trouvé superbe - parce que je savais quand même lire, à dix-huit ans ! -, tout m'a paru alors tellement évident, il a tellement su me donner confiance pendant le tournage que ça a été une révélation, vraiment. C'était absolument magique. Il faut dire que faire un film musical avec Jacques Demy, sur ce scénario et sur cette musique de Legrand, c'était une chance inouïe.

Le tournage a été extraordinaire. Il y avait une production formidable, Mag Bodard, qui avait fait ça à la force du poignet. Elle avait les moyens de faire le film, mais dans des conditions justes ; c'était trop particulier pour qu'on se dise que quelqu'un avait signé un chèque en blanc au départ. Mais trop d'argent nuit aux films, en général ; le manque d'argent peut être un atout, pour la nervosité, l'envie, l'imagination dont il fallait faire preuve.

II est impossible, rétrospectivement, d'exprimer quelle aventure extraordinaire a été ce film. Le nombre de problèmes techniques qu'il posait était assez incroyable, avec ces musiques pré-enregistrées, ce travail en play-back et la minutie dans la préparation et la réalisation qu'impliquait tout cela. J'ai toujours pensé que le résultat tenait du miracle. Il s'est passé durant le tournage une sorte de phénomène curieux, comme un état de grâce ressenti par tous. Encore aujourd'hui, je connais le film par cœur. En apprenant mon rôle, durant deux mois chaque jour, il m'est entré dans la mémoire au point que si j'entends le disque, tout me revient et je le récite ou chante automatiquement.

Ce fut passionnant, excusez-moi de le répéter. Mais les difficultés étaient telles, la loi du chronomètre si forte, qu'il nous fallait travailler en équipe, très étroitement. Et puis nous inventions. Nous n'avions, pour la plupart, pas d'expérience à faire valoir. Ce côté-là aussi, d'avoir à inventer, était excitant. Nous vivions tous immergés dans le film, à Cherbourg, avec l'aimable complicité des gens de là-bas, et ce, durant deux mois, au point que la réalité ne pouvait, lorsqu'elle interférait, venir à bout de notre passion. Car, autour de nous, la vie suivait son cours…


Il s'agissait, en fait, je le reconnais d'une histoire assez cruelle. Mais il m'était impossible d'aborder ce personnage de façon habituelle. J'étais, que je le voulusse ou non, conditionnée par la structure musicale du film et les émotions qu'elle pouvait distiller presque indépendamment de moi, parfois avant que je n'aie à les exprimer par le jeu scénique. Je me suis adaptée avec assez de facilité aux problèmes que cela posait. Mais je ne sais pas si aujourd'hui, cela me serait encore possible.


Je n'étais pas musicienne, je n'avais jamais chanté. Par contre, j'aimais, je connaissais la musique. Ca m'a sans doute aidée. Et puis, je me suis tellement intégrée à cette musique qu'à revoir le film, c'est tout juste si je réalise que ce n'est pas moi qui chante mais Danièle Licari.

Demy m'a marquée plus définitivement qu'aucun autre réalisateur. L'image qu'a imposée de moi "Les parapluies" correspond quelque part à une vérité de moi-même. Par ailleurs, ce film a décidé fondamentalement de ma carrière. Sans lui, et malgré les quelques expériences qui précédaient, je ne suis pas sure que j'aurais embrassé cette carrière. Par la suite, certes, j'ai échappé peu à peu à ce personnage et à l'image qu'il avait imposée de moi. Mais ce ne fut pas sans mal. Car j'étais très à l'aise dans l'univers de Demy : celui du mélodrame, de la magie, du conte de fées comme "Peau d'âne".


Pour "Les parapluies", il m'a obligée à couper la frange de cheveux que je portais sur le front. J'étais horrifiée. C'est comme s'il m'avait dit : "Déshabillez-vous". J'ai dû m'incliner. Mais non sans réticence. Sans doute avais-je deviné qu'avec ce film Demy allait influencer ma personnalité. De là date mon image de marque et le début de ce qu'on appelle "ma carrière de star". J'ai dû, pour ma part, entrer dans la vision que se fait Demy de la femme, de son type d'héroïne préférée.

C'est Agnès Varda qui m'a inventé cette coiffure. J'en ai presque pleuré la première fois qu'elle m'a tiré les cheveux en arrière. J'avais une frange qui me tombait dans l'œil, comme toutes les adolescentes qui ont envie de se cacher et quand elle m'a dégagé Ie front, j'ai vraiment hurlé, comme si elle m'avait déshabillée. J'ai supplié, je ne voulais pas, je me trouvais monstrueuse... Jacques Demy m'a rassurée, mais ça m'a coûté énormément.
Catherine Deneuve, Source inconnue

C'étaient des vêtements à moi, pour beaucoup. Mon manteau, par exemple. Jacques se moquait que ce soit Chanel, lui ne voyait que la couleur des choses.

il y avait cet avantage énorme que l'on tournait en play-back. J'avais appris le film par cœur, et je connais d'ailleurs encore des pans entiers des "Parapluies de Cherbourg", autant mon rôle que celui de mes partenaires, parce qu'il fallait tout mémoriser pour être synchrone. Je pense que le fait d'avoir justement ce paravent, de me doubler sur la voix de quelqu'un d'autre et de suivre la musique, a créé une atmosphère très particulière. Et puis, nous étions obligés de chanter fort, de nous exprimer très fort, dans des situations dramatiques et romantiques, ce qui oblige à sortir un peu de soi-même.

Le fait de tourner en musique faisait qu'on n'avait pas l'impression de faire un film. C'est la première fois qu'on faisait un film entièrement en play-back, je le connaissais par cœur avant le tournage. C'est d'ailleurs le seul film dont je connaisse encore des morceaux entiers, puisqu'il fallait apprendre tout avant.

"Les Parapluies de Cherbourg" était un film d'une complication inimaginable. Je ne sais pas si on s'en rend compte, mais c'était un film entièrement minuté avant d'être tourné. Pour chaque scène que nous devions répéter, on savait à l'avance quel en était le minutage exact. Toute la mise en scène était ensuite un compte à rebours, pour que chaque scène tienne dans le temps, en tenant compte de la musique et des paroles. Et tous les déplacements étaient réglés sur ce schéma. C'était une gymnastique et une mécanique extrêmement contraignantes.

Non seulement il fallait chanter en play-back, mais il fallait trouver des choses, des déplacements et des gestes naturels comme mettre des assiettes, à l'intérieur d'un nombre de secondes déterminé. Techniquement, c'était vraiment amusant, c'était diabolique, mais comme un jeu, un jeu vraiment difficile. C'était un tournage extraordinaire, vraiment, c'est un souvenir inoubliable, "Les parapluies". C'est une discipline qui m'a vraiment marquée.

Pour la fameuse scène des adieux des deux amoureux, mon partenaire Nino Castelnuovo et moi-même étions juchés sur un plateau à roulettes tiré par des cordes. C'est ça un film de Demy, un art accompli du bricolage, un génie du bout de ficelle.

J'ai toujours pensé que "Les parapluies de Cherbourg" était comme les contes de fées, à la fois très poétique et cruel. Franchement, je ne le pensais pas au moment du tournage, à cause de la féerie du tournage, du plaisir et de la gaieté. Je n'avais pas 20 ans, c'était juste pour moi une grande expérience. C'est après en revoyant le film, en repensant à certaines scènes, quand la vie à commencé à ressembler au film, quand des choses de la vie, des accidents m'ont renvoyée au film : la relation entre la mère et la fille, quand la mère la pousse vers la sagesse et la raison. Et puis le mariage, les retrouvailles, ce mélange de mélancolies et de tristesse.

Extraits d'interviews de Jacques Demy

Je n'ai eu aucune peine à tirer l'étincelle. Catherine à vingt ans était déjà une star en puissance. Vadim avait senti ce phénomène inexplicable, mais il avait voulu faire d'elle une autre Bardot, un autre "sex-symbol". Or Catherine n'était pas du tout ce que Vadim voulait. Fille d'un comédien, elle était venue au cinéma un peu par routine. Il me semble qu'avec "Les Parapluies", elle a pris sa carrière en main.
Jacques Demy, Marie-Claire 1984

Extraits de critiques

Bien que les voix soient "doublées", selon la méthode du "play-back", la qualité de jeu des comédiens n'est nullement minimisée, et Jacques Demy, grand directeur d'acteurs, après Anouk Aimée et Jeanne Moreau transforme Catherine Deneuve : une révélation. Toutes ces vertus contribuent à faire des Parapluies le film d'une bouleversante histoire d'amour moderne, où "la fin d'une passion n'engendre pas fatalement la tragédie". Un film dont on aimerait faire cadeau aux gens qu'on aime ou avec qui l'on a envie d'être.
La Cinématographie Française 1964

Mais le miracle, l'un des plus beaux miracles de ce film, c'est Catherine Deneuve, rendue à elle-même, sauvée d'une destruction commencée, toute de beauté délicate, de pudeur franche, de spontanéité retenue, inoubliable jeune fille amoureuse, heureuse, émerveillée, blessée, bientôt emportée par le doute, l'absence, la faiblesse, la raison, l'oubli...
René Gilson, Cinéma 1964

1964
Couleurs
1h30
Rôle de Geneviève



















Images du film

Réalisateur : Jacques Demy
Acteurs : Nino Castelnuovo, Anne Vernon, Ellen Farner, Mireille Perrey, Marc Michel, Harald Wolf, Jean Champion, Philippe Dumat
Scénario : Jacques Demy
Photo : Jean Rabier
Musique : Michel Legrand

Résumé : En 1957 à Cherbourg, Mme Emery, marchande de parapluies, ne voit pas d'un très bon œil l'idylle de sa fille Geneviève avec un jeune garagiste, Guy.

Festival de Cannes 1964

Prix
Prix Louis Delluc 1963
Festival de Cannes 1964 : Palme d'Or
Prix du Syndicat de la Critique Française 1965

Nominations
Oscars 1965 : Film Etranger
Oscars 1966 : Scénario / Musique / Chanson

Photos du tournage

Photos du film

Photos de la promotion



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