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Extraits d'interviews
de Catherine Deneuve

Avant de le jouer, j'appréhendais
un peu ce rôle. Et puis, au cours du tournage, au fur et à
mesure que j'entrais dans le film, je me suis rendu compte que c'était
pareil. Marie n'est pas une homosexuelle qui a des aventures, c'est
une femme amoureuse. Juliette n'est pas une aventure, mais la femme
qu'elle aime. Il y a aussi une relation maternelle. Comme souvent
dans un couple homme-femme. |
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J'étais assez troublée par cette
relation que je n'ai aucun mal à comprendre, mais du mal à
imaginer dans la réalité d'un tournage. Comment approcher
à la fois cette tendresse, cette attirance, ce désir
physique, la révélation de cette femme devant une jeune
fille. Et puis je me suis rendu compte, en tournant, de ceci : que
ce soit un homme ou une femme, c'est pareil. C'est difficile à
dire quand on n'a pas l'expérience de ce désir-là,
mais ça m'a semblé très proche. |
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[A propos du fait de jouer une lesbienne]
Je n'étais pas effrayée du tout. Simplement anxieuse
parce que je ne possédais aucune référence en
la matière, si je puis m'exprimer ainsi. [...] Si je vivais
en Amérique, j'aurais peut-être refléchi à
deux fois avant de l'accepter. Les gens sont très conventionnels
aux Etats-Unis. En interprétant une lesbienne, il y aurait
eu de grands risques d'être assimilée ainsi. C'est plutôt
embarrassant, non ? Les Européens sont plus ouverts d'esprit,
plus conscients des réalités de la vie. Ils comprennent
qu'il ne s'agit que d'un film et non d'une transposition de votre
propre vécu ! |
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Quand j'ai présenté
"Les voleurs" aux Etats-Unis, beaucoup de journalistes m'ont
dit qu'une actrice américaine de ma notoriété
ne pourrait pas jouer-un rôle de lesbienne. Je trouve les comédiens
américains assez conventionnels dans leur fonctionnement ;
ce n'est sans doute pas de leur fait, mais de celui du système.
En France, on est plus ouvert. |
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Il y a, aussi, la scène
de l'opéra dans "Les voleurs" : en la tournant, je
me doutais qu'elle serait belle ; en la voyant, j'ai été
ravagée, comme mon personnage sur l'écran. Tout ce que
j'aime chez André est là : tant de douceur et tant de
violence mêlées... |
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Il y a la fameuse histoire
du "combo" ! C'est mon cheval de bataille, ça ! Le
combo, c'est ce petit écran témoin - très pervers,
selon moi - qui permet de visionner une prise pendant ou aussitôt
après l'avoir tournée. Pour une scène techniquement
difficile, c'est utile. Seulement, sur certains tournages, vous sentez
l'attention de toute l'équipe se concentrer non pas sur ce
qui se tourne, mais sur le reflet donné par le combo. Un reflet
tellement exact qu'il fait peur. Parce qu'il prive la caméra
et, même, l'acteur de la part de liberté indispensable.
Bref, sur "Les voleurs", j'ai fait des déclarations
incendiaires sur le combo à Libération, et André
s'est senti visé. Il doit s'en souvenir... |
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Au début, je me
disais: "Quel soulagement de ne pas être maquillée,
pas être coiffée !" Et puis, finalement, même
si on est tout à fait d'accord avec le fond, ça pèse.
Non pas de ne pas être coiffée ou maquillée, mais
d'arriver à un certain dénuement. Et puis, on est plus
vulnérable dans les scènes difficiles. |
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J'ai été
très éprouvée par la vision de quelques scènes.
Si j'avais quinze ans de moins, je me sentirais moins fragile. On
sait qu'il est difficile pour une femme de vieillir. Combien plus
pour une actrice ! |
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Extraits d'interviews
d'André Téchiné

Elle était assez réticente à
l'idée de jouer une femme qui aime une autre femme, mais je
l'ai convaincue. Je savais que ça lui coûtait. Mais hésiter
c'est une bonne chose. C'est toujours mauvais signe quand un acteur
vous dit oui tout de suite. C'est qu'il ne s'implique pas assez ou
qu'il ne donnera pas des choses intimes. Le travail d'un réalisateur
c'est de regarder un acteur. Si cela se fait trop facilement, c'est
que, justement, le regard n'est pas assez perçant. La mise
en danger d'un comédien est fondamentale, mais elle implique
une assistance. On devrait faire payer de lourdes amendes aux cinéastes
qui n'assistent pas les acteurs en danger ! |
André Téchiné,
Studio Magazine 1996
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C'est vrai qu'avec une actrice comme Catherine,
il faut un peu plus de temps au spectateur pour croire au personnage.
Il faut en tenir compte quand on écrit. Le risque, bien sûr,
quand on veut faire bouger une image, c'est que les gens n'y croient
pas. |
André Téchiné,
Voir Montréal 1997
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Le boitillement qui affecte Marie
est dû à un accident réel. Catherine est arrivée
sur le plateau avec une cheville cassée. Ce qui me terrorisait
c'était le souvenir écrasant de " Tristana ".
Comment filmer Catherine en train de boîter après Buñuel
? Je me voyais mal parti
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André Téchiné,
Les Cahiers du Cinéma 1996
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Quand j'ai fait " Les voleurs
", je ne savais pas qu'elle allait se suicider, c'est au fur
et à mesure de ce qu'elle livrait au regard de la caméra
que le personnage a pris cette dimension dépressive et suicidaire.
Mais c'est quelque chose qu'elle a dévoilé dans le travail
que nous avons fait ensemble. Peut-être même à
son insu. Je ne suis pas vraiment sûr qu'elle l'ait maîtrisé
ou calculé. En voyant les rushes, en dehors des situations,
il y avait cette dimension qui la traversait et qui m'a peu à
peu conduit à la faire aller jusqu'au bout d'elle-même.
Mais ce n'était pas du tout prévu au départ.
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André Téchiné,
Tausend Augen 2001
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Catherine avait eu une scène
difficile à jouer, pour laquelle nous avions eu beaucoup de
mal à placer la deuxième caméra, à cause
du lieu très exigu, et je tenais absolument à ce que
l'on parvienne à maintenir ce dispositif coûte que coûte.
Et bien sûr, j'étais dans la pièce voisine avec
mon contrôle vidéo. Impossible d'être dans le même
espace que les acteurs. Cela avait provoqué beaucoup de mauvaise
humeur. |
André Téchiné,
Les Cahiers du Cinéma 1996
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On tournait une scène des "Voleurs"
dans un local exigu. Comme le son est, pour moi, l'élément
le plus fiable de la réussite d'une prise, je suivais la
voix de Catherine aux écouteurs. Alors, elle m'a reproché
de ne pas regarder la scène et de me réfugier derrière
ce fichu combo. Une mésentente de quelques heures...
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Extraits de critiques

Je l'ai vue récemment dans " Les voleurs
" d'André Téchiné. Et je ne vois pas quelle
autre actrice de son statut aurait même envisagé de jouer
ce rôle d'une prof de philo instable qui fait voler sa vie en
éclats pour l'amour d'une jeune fille suicidaire. C'est parce
qu'elle a joué ce rôle avec autant de courage physique
et de sincérité psychologique que sa performance est
une telle réussite. |
Martin Scorsese, Studio Magazine
1998
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On n'est plus dans l'exaltation des sentiments,
mais dans leur confusion. Sans victoire et sans gloire. Téchiné
ne cherche pas à séduire, il veut comprendre. Il ne
cherche pas à émouvoir, il veut dire le vrai. Et bien
pour ça que certains, assurément, ne manqueront pas
de trouver le film trop froid et les personnages trop distants. En
fait, Téchiné avance ici comme on marche au bord du
précipice en regardant vers le vide. Exactement comme ses personnages
et leurs interprètes - tous remarquables, inattendus et fraternels,
de Deneuve à Laurence Côte, d'Auteuil à Benoît
Magimel. Grâce à eux et aussi, bien sûr, à
une mise en scène d'une acuité implacable et d'une fluidité
impressionnante, les désaccords du cur
sont toujours présents. Peut-être même plus retentissants,
plus profonds et plus graves que jamais. |
Jean-Pierre Lavoignat, Studio
Magazine 1996
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Catherine Deneuve vraiment sublime, abandonnée
à son rôle, loin de tout souci narcissique d'idéalisation
de son image, et qui, même dans les scènes les plus âpres,
réussit à doubler la gravité de son personnage
d'une sorte de gaieté malicieuse, une légère
griserie dont on ne sait si elle tempère l'émotion et
la rend supportable, ou si elle la décuple. |
Les Cahiers du Cinéma 1996
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1996
Couleurs
1h57
Rôle de Marie

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Réalisateur
: André
Téchiné
Acteurs : Daniel
Auteuil, Laurence Côte, Benoît Magimel, Didier Bezace,
Fabienne Babe
Scénario : André
Téchiné, Michel Alexandre, Pascal Bonitzer, Gilles
Taurand
Photo : Jeanne Lapoirie
Musique : Philippe Sarde
Résumé
: Une jeune femme est aimée simultanément par un inspecteur
de police et une femme professeur de philosophie.
Festival
de Cannes 1996
Prix
Césars 1997 : Espoir Féminin
Nominations
Césars 1997 : Film / Réalisateur / Actrice / Espoir
Masculin
Photos du tournage


Photos du film




Voir
des extraits vidéo
sur le site de Sony Classics
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