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Extraits d'interviews
de Catherine Deneuve

J'ai adoré l'idée d'André
de demander à Marthe Villalonga de jouer ma mère. Cette
mère pleine de bon sens, à l'esprit vif, au caractère
entier. C'est tellement fort, ces rapports entre cette fille, ce fils
et leur mère. A la fois tellement doux et tellement triste.
C'est un sentiment étrange de s'apercevoir qu'on est toujours,
même adulte, l'enfant de sa mère, l'enfant de ses parents...
J'aime cette image de la tendresse retrouvée, de l'enfance
retrouvée. Elle symbolise le film et me rappelle bien sûr
le tournage. J'ai toujours mal vécu la fin du tournage sur
les films d'André. Il y a à chaque fois une grande mélancolie...
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J'étais heureuse de trouver enfin un frère,
parce que je n'avais que des surs, ça me plaisait d'avoir
ainsi pour la première fois un tel rapport avec un garçon. |
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En tournant avec André
je savais qu'il ne pouvait pas mal me traiter, quel que soit le personnage...
On peut ne pas être d'accord, j'ai pu peut-être souffrir
par moments de choses que j'ai vues après en projection, mais
de toute façon je sais qu'il ne pouvait que bien me traiter...
J'aimais beaucoup l'histoire du film, j'aimais l'idée de tous
ces personnages, j'aimais le réalisme, et je savais que ce
serait suffisamment mis en scène pour que l'aspect un peu dur,
un peu trop réaliste soit dépassé par une dimension
plus forte, plus belle... Mais il y a des choses qui sont incontournables,
oui c'est sûr, des images qu'il faut accepter et qu'on accepte
avec plus ou moins de difficultés. |
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Le tournage du film s'est passé
dans une douceur incroyable. Et justement parce que je crois que le
film était difficile, pour nous entre autres à cause
des relations avec la mère. Tout le monde se sent de près
ou de loin concerné par ce rapport à la fois direct,
simple, violent et passionnel entre les enfants et la mère
; je pense que même pour André c'était douloureux
et difficile, de même que pour toute l'équipe. [...]
Il y a toujours une forme de souffrance dans les rapports intimes.
Ce n'est que dans une relation très " guindée "
qu'on parvient à garder des signes extérieurs qui empêchent
les débordements affectifs, certains mots qui font mal. Mais
le tournage s'est passé très tendrement, très
gaiement aussi parce que nous étions tous, et Daniel et André
et moi, très touchés par ce rapport en triangle. |
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On a tourné presque tout le temps à
deux caméras, ce qui est un luxe formidable pour les acteurs
et une contrainte énorme pour l'opérateur. Mais heureusement,
l'opérateur et les autres techniciens étaient très
jeunes, très souples, très ouverts... Même pour
les acteurs, par moment la caméra pouvait devenir oppressante,
d'autant qu'on a tourné en Scope, elle arrivait tout de suite
sur vous, en gros plan, mais André Téchiné savait
exactement ce qu'il voulait. En même temps c'était formidable
de tourner comme cela à deux caméras, parce qu'on peut
dire ce qu'on veut, quels que soient le don et la présence
d'un acteur, lorsqu'il donne la réplique à un autre
acteur que la caméra cadre seul, même s'il essaie d'être
le plus présent possible, il n'y a pas la présence de
la caméra sur lui et ça modifie pas mal de choses. Et
pour celui qui est cadré aussi, la perception est modifiée
puisqu'il est celui qui est montré alors que l'autre, même
s'il est très généreux, est quand même
" à côté " de la caméra... Ce
n'est pas pareil. Alors que là, à deux caméras,
on était sans arrêt en scène, Daniel Auteuil et
moi. Les choses sont filmées sur la longueur, la durée...
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J'ai une voix plus grave dans le film.[...]
Cette femme est à un âge où la voix change avant
même le physique. Ce n'est pas que la voix devient plus grave,
mais il y a une petite cassure. Lorsque j'entends certaines voix,
des femmes dont l'apparence me dit quelque chose, leur voix me dit
autre chose... C'est comme les gens de dos, vous savez. Par la façon
de tenir les épaules, cette attitude peut exprimer autre chose
que les yeux et le visage qui eux peuvent rester très juvéniles.
L'âge est rendu visible par des choses qu'on ne contrôle
pas. Et dans le film, on a contrôlé la voix pour justement
donner une impression plus sourde, plus cassée, disons moins
tonique. Quelque chose de vivant, une colère, mais de moins
tonique au sens de moins " éclatant ". Le danger
était que la voix devienne monocorde. |
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Il nous arrivait souvent de nous dire, lorsque
Daniel et moi tournions ensemble avec Téchiné : "Bon,
ce soir, on va dîner ensemble, il faut qu'on parle... "
Très curieusement, on n'abordait jamais les choses en se disant
: " Bon, il faut qu'on regarde cette scène..." On
tournait autour de façon périphérique, tout en
s'apercevant le lendemain qu'on s'était quand même parlé
indirectement de ce dont on voulait se parler, ou de ce dont André
Téchiné voulait nous parler. Mais cela ne s'était
pas fait de manière délibérée, plutôt
de façon très naturelle. |
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Extraits d'interviews
d'André Téchiné

C'était une histoire
d'amour entre un frère et une soeur. Je voulais aussi montrer,
sans en faire un film à thèse, que la déchéance
physique et mentale de la mère révélait, soudain,
l'impuissance de ce frère et de cette soeur. Eux, si modernes,
si à la page, se retrouvaient soudain démunis, au point
de mettre leur mère qu'ils aiment dans un hospice. Il me semblait
que, dans notre société, ce sujet avait une portée
universelle. |
André Téchiné,
Télérama 2003
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[parlant de Daniel Auteuil et Catherine
Deneuve]
Je trouve que leur seul point commun, à tous deux, c'est leur
vitesse. Ce sont des acteurs extrêmement rapides. Ils ont un
débit très accéléré, pourtant,
rien n'est escamoté de ce qu'ils disent. Ca vient vraiment
du plus profond de leur corps. Et c'est la légèreté
! Je trouve que ce sont deux acteurs légers et il n'y en a
pas beaucoup dans le cinéma français. Parce que, par
tradition, notre cinéma a plutôt tendance à aimer
et à choisir les acteurs lourds, les forces de la nature, les
masses. |
André Téchiné,
Première 1993
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Au départ, j'avais pensé
à Danielle Darrieux, qui avait joué ce rôle dans
"Le lieu du crime" et, bien sûr, dans "Les demoiselles
de Rochefort", de Jacques Demy. Mais je voulais une femme ancrée
dans la France profonde, illettrée ; Danielle Darrieux ne convenait
donc pas. Il fallait que ressorte le fossé social entre la
mère et les deux enfants, qui ont réussi au-delà
des rêves de la mère. Ce qui me fascine dans la province
d'aujourd'hui, ce sont les deux vitesses de la société.
La mère et la fille devaient symboliser ces temps qui se superposent.
Marthe Villalonga est effectivement un coup de force de mise en scène.
La production était très alarmée, puis, après
les essais, on a admis que je pouvais me débrouiller. Petit
à petit les deux femmes ont pris des postures l'une à
l'autre : une façon droite, altière de se tenir. Elles
ont mis en place tout un mimétisme d'expressions. |
André Téchiné,
Globe Hebdo 1993
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Je ne dis pas que ça lui paraissait
évident mais Catherine sait qu'au cinéma, il faut jouer
avec le feu, marcher vers l'inconnu, sinon... Depuis toutes ces années
que nous nous connaissons, la confiance s'est installée. Je
connais sa force, ses faiblesses. J'ai le sentiment de creuser un
sillon, de film en film, avec elle. J'ai cherché à faire
glisser Catherine Deneuve vers un personnage à la croisée
des chemins, qui s'aperçoit que sa vie est dans une impasse.
Une femme belle mais qui ne l'admet pas. Une femme qui ne maîtrise
plus les choses. Contrairement à son habitude, Catherine ne
joue pas avec ce qu'elle cache mais avec ce qu'elle montre. |
André Téchiné,
Globe Hebdo 1993
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C'est elle, l'audacieuse ! Pour "Ma saison
préférée", je lui ai proposé, sans
l'avoir prévue, une scène dans un jardin public où
Bruno Todeschini l'agressait et à qui elle cédait.
Une scène difficile, crue, sexuelle, brutale. Elle aurait
pu refuser. Eh bien, non ! Et quand, au montage, j'ai eu des doutes
au point de vouloir la supprimer, cette scène, c'est elle
qui m'a convaincu de la garder.
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Après avoir vu "Ma saison préférée",
Catherine m'a dit : "J'ai appris des choses sur moi".
Si un film peut être une sorte de documentaire secret sur
une actrice, c'est essentiel à mes yeux...
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Extraits de critiques

Le combat, vain et émouvant, d'une femme
qui avait cru pouvoir échapper à l'agitation de son
cur, mais dont les certitudes craquent peu à peu. La
composition superbe et déchirante d'une actrice magnifique
qui s'abandonne et qui aurait pu faire sienne cette phrase de Matisse
: "j'ai toujours souhaité que mes uvres aient la
légèreté du printemps qui ne laisse jamais soupçonner
le travail qu'il a coûté". [...] Le "travail"
de Catherine Deneuve est en effet comme l'était la main de
Matisse : légère et grave, aérienne et profonde,
évidente et inattendue, libre et rigoureuse. Autant dire qu'on
ne le voit pas, qu'on ne le sent pas, qu'on ne soupçonne jamais
ce qu'il a coûté, mais qu'on en mesure longtemps les
effets. |
Jean-Pierre Lavoignat, Studio
Magazine 1993
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Catherine Deneuve et Daniel Auteuil - les enfants
- dont les compositions magnifiques sont indissociables tant ils sont
proches et complices. Tant l'une souffre et l'autre aime - ou l'inverse.
Tant l'une aimerait disparaître et l'autre ne jamais mourir
- ou l'inverse. Dépouillés. Brisés. Fragiles.
Tellement fragiles. Le dernier regard du film est pour eux, il trace
de l'un à l'autre une ligne droite qui n'a plus besoin d'intermédiaire
pour exister. Un lien qui leur souffle peut-être dans le creux
de l'oreille que le temps qui passe est si court. |
Thierry Klifa, Studio Magazine
1993
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Catherine Deneuve trouve
ici l'une de ses plus éblouissantes compositions. Passant avec
une aisance déconcertante d'un registre à l'autre, amenant
au cur même des séquences les plus graves une légèreté
inaccoutumée, elle étonne de bout en bout par sa capacité
à jouer de son visage, à faire passer les émotions
les plus extrêmes sur ses traits là où elle use
habituellement d'une certaine distance. |
Le Mensuel du Cinéma 1993
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Catherine Deneuve, toute en retenue,
en pudeur, en élans brisés, en oiseau blessé,
est d'une justesse éclatante. |
Monique Neubourg, Première
1993
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1993
Couleurs
2h05
Rôle d'Emilie |
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Réalisateur
: André
Téchiné
Acteurs : Daniel
Auteuil, Marthe Villalonga, Jean-Pierre Bouvier, Chiara
Mastroianni, Carmen Chaplin, Anthony Prada, Bruno Todeschini, Jacques
Nolot, Jean Bousquet, Roschdy Zem
Scénario : André
Téchiné, Pascal Bonitzer
Photo : Thierry Arbogast
Musique : Philippe Sarde
Résumé
: Les enfants de Berthe ont bien réussi : Antoine est chirurgien
du cerveau et Emilie est notaire. Mais Berthe commence à avoir
des malaises et Emilie décide de l'accueillir chez elle. La réunion
de famille va faire apparaître la fragilité de la situation
de chacun d'entre eux : Berthe commence à perdre la tête,
Emilie souffre de l'absence d'échange aussi bien avec son mari
qu'avec ses enfants, et Antoine ne rêve que de retrouver la relation
fusionnelle qu'il avait avec Emilie lorsqu'ils étaient enfants.
Festival
de Cannes 1993
Festival de Gramado 1993
Prix
Boston Society of Film Critics Awards 1996 : Film Etranger
Nominations
Césars
1994 : Film / Réalisateur / Acteur / Actrice / Second Rôle
Féminin / Espoir Féminin / Scénario
Photos du tournage






Photos du film







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