Ce qu'il a dit sur Catherine Deneuve...

Ce qu'il a dit sur Catherine Deneuve...

Un après-midi dans les salons de l'Excelsior, au cours du Festival de Venise 2004. Affalée dans un fauteuil, je rédige mon journal de bord. En levant les yeux, je m'aperçois que je suis assise à cinq mètres de Manoel de Oliveira, à qui la Mostra rend justement hommage demain. Je griffonne trois questions sur mon carnet, et l'aborde avec un peu d'appréhension pour lui demander de me parler de Catherine Deneuve. Charmant au début, le grand réalisateur portugais devient beaucoup moins coopératif lorsqu'il s'aperçoit, au vu de ma carte de visite, qu'il s'agit d'Internet ! Il n'aime pas ce média, qu'il juge peu respectueux de la légalité et qui ne permet aucun recours : il se plaint notamment d'usurpateurs qui déclarent avoir réalisé ses propres films ! Finalement, je lui demande d'une petite voix : "Alors, vous ne voulez vraiment pas me parler de Catherine Deneuve ?..." et il se détend : "Mais si, Catherine est quelqu'un que j'aime beaucoup, elle a un cœur noble !". Et c'est parti pour dix minutes d'interview improvisée.

Ma première question est : "Comment dirige-t-on Catherine Deneuve sur un plateau ?" Ca tombe mal, Manoel de Oliveira ne dirige jamais ses acteurs, il se contente de les choisir soigneusement et de leur faire confiance. Lorsqu'il choisit Catherine Deneuve, c'est qu'il est certain qu'elle sera juste pour le personnage. Cependant, si au cours du tournage un acteur en fait trop ou pas assez, il le dit avec délicatesse. Il a un respect énorme pour les acteurs, qui vont donner aux personnages leur corps, leur image, leurs mots et leurs sentiments.

Ce qui caractérise Catherine Deneuve selon lui, c'est qu'elle a à la fois un charisme très fort et une capacité à montrer des sentiments. C'est assez rare pour être souligné, car la plupart des acteurs n'ont que l'une de ces deux qualités (par exemple, il pense qu'Orson Welles ne savait pas exprimer de sentiments, malgré son charisme).

Manoel de Oliveira refuse de montrer les rushes à ses acteurs, car quand on se corrige, on se voit autrement, et surtout on perd confiance. Et dans son univers la confiance est le maître mot.