Sa carrière / Partenaires & Réalisateurs / François Truffaut
Repères
  Biographie
Famille
 
  Presse 2010-2019
Presse 2000-2009
Presse 1990-1999
Presse 1980-1989
Presse 1960-1979
Radio et télévision
Livres
  Hommages
Dessins
Photos
  Caractère
Centres d'intérêt
Opinions
Engagements
 

Mode de vie
Style
Coups de cœur
Sorties et voyages

 

Ce qu'en a dit Catherine Deneuve...


Quand je pense aux cinéastes avec lesquels j'ai vraiment été liée, Jacques Demy, François Truffaut et André Téchiné, je dirai pour simplifier que c'était quand même toujours la personne qui me plaisait, même si c'était lié au fait qu'ils étaient cinéastes. Je suis extrêmement fidèle en amitié et très présente pour mes amis, et ces cinéastes étaient importants pour moi, j'avais envie de les voir, de parler avec eux de tout et surtout de rien, je me sentais bien en leur compagnie, complice sur le plan professionnel.

J'ai eu une très longue relation de cinéma avec Truffaut, que j'ai vu jusqu'à la fin de sa vie. On parlait beaucoup de cinéma, il n'aimait que ça : le cinéma, les femmes, et ses amis. Il m'écrivait beaucoup, et m'a beaucoup parlé pendant les tournages, et après, puisqu'on se voyait très régulièrement. Il a beaucoup compté pour moi, son regard, ses discussions... On se disputait souvent d'ailleurs, il me trouvait toujours trop entière, excessive. Mais il m'a beaucoup apporté. Et puis, il aimait vraiment les femmes, et plus encore les actrices. C'était quelqu'un de très minutieux, il prenait toujours les gens en tête-à-tête, ne disait jamais les choses devant les autres.

C'était quelqu'un d'intelligent... qui avait beaucoup de talent. Oh oui, c'était vraiment quelqu'un de très très exceptionnel, non seulement par son talent, mais aussi parce qu'il avait réussi à vivre comme il en avait envie. Il a très bien su se protéger tout en étant extrêmement respectueux des autres. Il avait une vie très secrète. Pas solitaire, mais très secrète. C'était quelqu'un qui voyait des gens, mais individuellement. Moi je ne le comprends pas tout à fait, mais ça demande une grande force de caractère et une grande rigueur.

J'ai appris beaucoup de choses avec François Truffaut qui parlait très bien, qui m'a très bien parlé en tout cas, de toutes ces choses-là. Il m'a appris à connaître les choses ou plus exactement à les reconnaître pour que, lorsqu'elles sont irrémédiables, on ne se laisse pas accabler par elles. J'ai appris à aimer l'exceptionnel, même si c'est douloureux.

Truffaut m'a beaucoup aidée à participer, à m'ouvrir aux autres.

Il m'a donné confiance en moi. Surtout quand on a fait "Le Dernier Métro", il voulait absolument me donner un rôle de maturité, comme il disait. Il m'a poussée à oser avoir un certain ton, à parler avec une certaine autorité, sans devenir antipathique. Il l'a fait parce qu'il me connaissait dans la vie, il savait que je pouvais aller dans cette direction. Il savait aussi que je n'osais pas encore vraiment, que c'était difficile. Il a toujours pensé qu'il y avait en moi un côté "Belle au bois dormant". C'est-à-dire en même temps quelque chose qui se donnait et quelque chose qui se refusait, qu'il fallait déverrouiller. Il m'a beaucoup aidée.

Avec Truffaut, j'ai eu l'impression de bouger sans avoir à me déplacer physiquement. C'est avec lui que j'ai appris que la force d'un regard ne correspond pas forcément à un gros plan les deux yeux dans l'objectif de la caméra. C'est avec lui que j'ai appris des "trucs" techniques : on ne joue pas de la même façon un film bourré de "plans séquences" et un autre minutieusement découpé, tel "Le Bon Plaisir".
Catherine Deneuve, citée dans le livre de Philippe Barbier et Jacques Moreau 1984

Il a surtout cette incomparable manière de vous impressionner par son sérieux, sa rigueur, sa passion. Travailler sous sa direction, c'est se sentir investie ! Il sait vous contraindre, vous retenir dans le jeu, vous empêcher de tomber dans un fouillis d'expressions sous prétexte d'émotions à faire passer. La dépendance de l'acteur vis-à-vis du metteur en scène est énorme. Il y a des films où vous avez eu la certitude de tout donner et quand vous les voyez, achevés, il ne se passe rien. C'est ce que j'appelle le mystère, dans la mesure où cela tient à une lumière, à un angle, à une hauteur d'objectif. La preuve, c'est que la même scène tournée par un autre cinéaste peut être parfaitement grotesque et ridicule...

C'est le réalisateur qui m'a appris le plus de choses. Il m'a beaucoup contraint. Dans "La sirène", j'avais des réticences. Je disais tout le temps : "Dans la vie on ne fait pas comme ça". Et lui répondait : "Mais la vie n'est pas le cinéma, et le cinéma n'est pas la vie. En une heure et demie, on ne raconte que les événements importants et intéressants. C'est beaucoup plus fort et ça va plus vite". J'avais tendance à lui dire : "Ça, je ne le sens pas". Il me répondait : "II ne suffit pas de sentir. Si on veut faire des films réalistes, il n'y a qu'à prendre des gens dans la rue".

L'importance du son c'est lui aussi qui me l'a appris. Sur "Le dernier métro", il y a certaines scènes qu'il ne regardait pas, il les écoutait au casque. Parce que l'image peut tromper, à cause de l'émotion qui se dégage dans les regards, par exemple. Alors que le son ne trompe jamais. Pour le doublage, parfois, j'étais découragée : "II faut doubler ça ?" II répondait : "II ne faut pas partir de ce principe, il faut partir du principe qu'on peut améliorer". Et ce qu'on améliore, c'est vrai que c'est incroyable pour le son, pour la compréhension.

Lui, c'est quelqu'un qui a pensé à tout, avec qui j'ai vraiment beaucoup beaucoup appris parce qu'il est à la fois très théorique, et en même temps, c'est tout de suite vérifiable. C'est quelqu'un qui vit passionnément son métier. [...] Moi, je n'ai tourné qu'une seule fois avec lui. C'est quelqu'un de très gai, qui aime beaucoup rire, beaucoup s'amuser. Il a besoin que l'ambiance du tournage soit formidable, et il a raison. Il sait ce que c'est qu'un plateau, ce que c'est qu'une ambiance. Et pas seulement depuis qu'il est acteur. Je pense qu'il en sait encore plus aujourd'hui, et qu'il écrira là-dessus un jour. Mais déjà, c'est quelqu'un qui s'interroge deux fois plus que qui que ce soit, sur tout ce qui concerne le cinéma, les acteurs le citent d'ailleurs tous comme le réalisateur idéal.

Truffaut, c'est quelqu'un de très précis qui a, à la fois, le goût du détail et de la stylisation. Ce qui n'est, en effet, pas toujours évident. Il sait très précisément ce qu'il veut, mais en même temps, il aime tellement les acteurs qu'il veut les laisser libres...

Sur " La Sirène du Mississipi ", il m'avait demandé des choses que je n'admettais pas, dont je ne voyais pas la nécessité. Mais il m'a appris énormément. Par exemple à bouger sans avoir à me déplacer, à soutenir le regard, à styliser mon jeu.
Catherine Deneuve, Source inconnue

Avec Truffaut, tout passe par les mots. [...] Truffaut, c'est quelqu'un qui écrit pour les acteurs qu'il a choisis. Donc vous savez que le rôle a été conçu pour vous.

Truffaut était très critique vis-à-vis de son travail et très lucide. Y compris sur le lancement de ses films. Il n'y avait pas de réunion pour décider ce qu'il fallait dire et ne pas dire, mais il vous le faisait sentir. Il avait beaucoup d'emprise sur les gens. II fallait absolument que ce soit homogène et qu'on ait l'impression que les gens avaient fait le même film, savoir ce sur quoi il fallait mettre l'accent.

Il savait très bien parler à chacun individuellement, selon sa personnalité. Il n'avait pas le même ton, les mêmes mots selon l'acteur. Je ne l'ai jamais vu dire des choses importantes à un acteur devant d'autres acteurs. Je ne l'ai jamais vu dire "Coupez !" devant tout le monde quand l'acteur était mauvais. Parce que si c'est vraiment grave, ça met l'acteur dans un état épouvantable, et François était un des rares à avoir de la psychologie sur ce plan.

C'était comme quelqu'un qui vous apporte un cadeau : vous voyez tout de suite si cette personne vous comprend et vous aime bien, qu'elle a senti ce qui vous plairait. Quand vous lisez un scénario dialogué par François Truffaut, c'est dans les mots que vous sentez son regard, son exactitude, sa finesse de perception, sa justesse et sa sensibilité, et puis sa féminité. Tourner avec lui, c'est presque un cadeau empoisonné : il est presque impossible de retrouver avec un autre autant d'éléments positifs dans un film.

Quand on rencontre quelqu'un, ça n'implique pas forcément de se retrouver systématiquement sur tous les films. Surtout quand les cinéastes sont des auteurs et qu'ils ont des projets très précis et très différents. Truffaut avait je ne sais combien de films en chantier, des projets qu'il portait depuis très longtemps. Moi, je le connaissais, on se voyait souvent, je n'avais pas forcément besoin qu'on tourne ensemble. Notre relation était bien au-delà de simples contingences professionnelles.

La parution du livre sur la vie de François Truffaut n'a pas pu m'empêcher de penser que François n'aurait pas forcément été d'accord sur ce qui a été dit. Lui qui avait un tel goût du secret, plus que n'importe qui. Même s'il avait gardé tout son courrier, même si tout ceci a été vu, balisé, autorisé. Je n'ai pas aimé la manière dont la presse ne s'est occupée que de son aspect "Don Juan". François Truffaut avait une œuvre, c'était un homme compliqué, intelligent, passionnant. Les journaux ont polarisé sur ses femmes : "François et les femmes !"

Ç'a été une histoire très importante, très difficile, douloureuse même. Une histoire très privée qui aurait dû le rester. Et comme ça s'est écrit à travers des lettres, c'est vraiment le viol d'une intimité. Il y a, par ailleurs, des choses très intéressantes dans ce livre, mais les journaux se sont jetés tête en avant sur l'aspect "vie privée du séducteur du cinéma français". Ce que je trouve extrêmement réducteur quand on pense à l'œuvre de Truffaut. Réducteur et vulgaire. Et je ne peux pas imaginer, connaissant son goût du secret, qu'il aurait été d'accord avec ça.

[à propos de Françoise Dorléac]
François Truffaut lui disait souvent qu'elle devait être patiente, que sa personnalité forte contrastait avec son physique fragile et romantique, mais qu'elle trouverait avec la trentaine les vrais contacts avec le grand public. Il lui adressait ses lettres au nom de Framboise Dorléac pour être certain qu'elle les lirait en souriant.
Catherine Deneuve, Madame Figaro 1989

Ce qu'il a dit sur Catherine Deneuve...


Belle, Catherine Deneuve l'est en effet à tel point qu'un film dont elle est l'héroïne pourrait presque se passer de raconter une histoire. Je suis persuadé que le spectateur trouve son bonheur simplement à regarder Catherine et que cette contemplation suffit à rembourser le prix du ticket d'entrée.
François Truffaut, Unifrance Film Magazine 1969

Catherine ajoute de l'ambiguïté à n'importe quelle situation, n'importe quel scénario, car elle donne l'impression de dissimuler un grand nombre de pensées secrètes, qui se laissent deviner à l'arrière-plan puis, peu à peu, deviennent l'essentiel et forment le climat du film.
François Truffaut, cité dans Télérama 1997

A quoi puis-je comparer Catherine ? Si l'on tient à la rapprocher de quelque chose, il ne faut la comparer ni à une fleur ni à un bouquet car il y a une certaine neutralité en elle qui m'amène à la comparer au vase dans lequel on peut mettre toutes les fleurs. Son comportement, son allure, sa réserve permettent aux spectateurs de projeter sur son visage tous les sentiments qu'ils ont envie d'imaginer. Malgré son apparence plutôt romantique et fragile, Catherine a le naturel absolu des filles qui sont nées après la guerre, le même côté imperturbable et une pudeur qui, dans son travail d'actrice, lui commandent de ne pas se livrer toute entière. Cette retenue fait rêver, accroît le mystère et permet aux spectateurs de "remplir le vase".
François Truffaut, Unifrance Film Magazine 1969

Catherine Deneuve projette sur l'écran une double vie : vie apparente et vie secrète. Mais j'oublie le film qui a été le plus important pour elle et qui est "Belle de jour". Ce film coïncidait merveilleusement avec la personnalité un peu secrète de Catherine et les rêves du public. C'était un film formidablement mystérieux qui lui convenait parfaitement.
François Truffaut, cité dans le livre de Philippe Barbier et Jacques Moreau 1984

J'aime la façon dont elle semble toujours projeter sur l'écran une double vie, vie apparente et vie secrète. On a l'impression qu'elle garde des pensées pour elle, et que sa vie intérieure est au moins aussi importante que sa vie extérieure.
François Truffaut, Paris-Match 1980

Avec Catherine, il y a une importante part de rêve et on a l'impression que tout n'est pas montré à l'écran. Il y a le personnage qu'elle incarne et des pensées qui ne sont pas exprimées. Oui, Catherine Deneuve est une actrice de rêverie, il n'y a pas d'autre mot, car cette impression de double personnalité, de double identité, nous ne l'avons pas avec une autre comédienne. Catherine projette sur l'écran une double vie : vie apparente et vie secrète.
François Truffaut, cité dans le livre de Philippe Barbier et Jacques Moreau 1984

Elle est par excellence la comédienne présente et transparente, éminemment malléable, sujette à tous les fantasmes que lui prêtent ses metteurs en scène, ses spectateurs et donc ses personnages.
François Truffaut, Nouvelle Vague

Catherine est très peu actrice dans la vie. En fait, elle calcule très peu et préfère se laisser aller, très à l'aise dans certaines situations, très malheureuse dans telles autres. Mais elle ne le montre pas et possède une décence que j'apprécie beaucoup. Elle n'a pas la vanité de son talent. Pour elle, seul le bonheur compte. Tout le reste est dérisoire. Catherine est comme ça.

François Truffaut, Elle

Né en 1932, il fut un vrai "cinglé" de cinéma, avant de devenir critique au Cahiers du Cinéma puis l'un des chefs de file de la Nouvelle Vague. Pourfendant l'académisme, prônant la sincérité et l'ingénuité dans la création, il opta pour un cinéma "à la première personne" dont son premier long métrage, "Les Quatre Cents Coups" (1959) fut l'éclatant manifeste. La biographie de François Truffaut se confond très tôt avec sa filmographie, avec ses films : sans être à strictement parler autobiographiques, ses films, au moins un certain nombre s'inspirent d'événements vécus ou d'obsessions très personnelles, et, surtout, François Truffaut se consacre entièrement, presque exclusivement, au cinéma. L'œuvre de Truffaut, de facture classique, et en grande partie autobiographique, est marquée par la nostalgie du temps qui passe et de la jeunesse enfuie. Ses oeuvres les plus originales sont des films plus graves, adaptés à l'occasion de romans qu'il s'est appropriés, où il s'interroge sur la fragilité des sentiments, et sur l'enfance vue comme le difficile apprentissage de la vie. Rétrospectivement, et malgré sa diversité, toute sa carrière paraît extrêmement cohérente. Il est en tout cas peu de projets qu'il n'aura pas réussi, à force de ténacité, grâce également à l'autonomie que lui donnait sa structure de production, à mener à terme. Toujours prêt à monter en première ligne dans l'"intérêt supérieur du cinéma français", fort de ses succès et de sa situation, il ne lui manquera que le temps : la maladie l'emportera en 1984.

Films avec Catherine Deneuve

Photos



Documents associés