Ses interviews / Presse 2000-09 / Les Cahiers du Cinéma 2005
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Ecce homo [à propos de Michel Piccoli]

Du plus loin que je me souvienne, Michel m'a toujours appelée "la petite", et je n'ai jamais su pourquoi. Aujourd'hui, je ne sais plus quel est le premier film que nous avons tourné ensemble, "Les créatures" (où Varda m'a fait cet air d'ange préraphaélite qui ne me plaît guère), "Belle de jour" ou "Les demoiselles de Rochefort". A l'époque, au moment où nous avons commencé de travailler ensemble, pour moi Michel Piccoli, c'était un acteur de théâtre. Il m'impressionnait à cause de sa prestance, et de cette voix, presque celle d'un chanteur. Je me souviens du contraste complet entre le tournage de Jacques Demy, si joyeux en même temps qu'épuisant, et le tournage de Luis Buñuel, chez lequel régnait une impression de secret, un peu menaçante - qui n'existait d'ailleurs pas sur le tournage de "Viridiana". Michel, lui, semblait s'amuser toujours, il a un côté pince-sans-rire, souvent on ne sait pas trop s'il est sérieux. Et avec cette voix puissante qu'il a, tout peut subitement prendre de l'importance. Il est impressionnant, on sent qu'il peut se mettre très en colère.

Des dix films dans lesquels nous avons joué ensemble, celui où nous aurons été le plus proches, où nous aurons eu, à l'écran, une relation de couple, c'est "La chamade" d'Alain Cavalier. C'est le film où, comme partenaire, j'ai le mieux perçu combien il était, au sens plein, un homme - et pas un jeune homme, comme le sont ou tentent de le rester tant d'acteurs. Un homme très séduisant, d'une virilité assez affirmée pour pouvoir, en contrepartie, laisser libre cours à sa part féminine, et à sa part enfantine, sans lesquelles il n'est pas de grand acteur.

C'est sur le film d'Alain Cavalier que nous avons été le plus ensemble à titre professionnel, mais il a été humainement très présent, très attentif, pendant le tournage de "Benjamin" de Michel Deville.Je venais de perdre ma sœur, j'étais complètement perdue, effondrée, je ne savais plus ce que je faisais là, à ce moment Michel, que je n'ai jamais fréquenté hors du travail, s'est beaucoup occupé de moi. Je lui en garde une immense gratitude.

Ensuite, avec Marco Ferreri, il a pu donner libre cours aux aspects les plus débridés de sa personnalité. Il a un grain, c'est sûr. Le choix de ses films l'atteste, il cherche ce qui est hors-limite, et quand il joue, il peut vraiment faire peur. Il y a des volcans cachés, chez lui. Sa voix le laisse entendre. Et simultanément, il s'amuse beaucoup, je me souviens de cette folie magnifique qui nous avait tous saisis durant le tournage de "Touche pas à la femme blanche", il était là-dedans comme chez lui. Le film venait juste après l'immense scandale de "La grande bouffe", les agressions que le film avait subies, Ferreri et ses acteurs faisaient face, il me semblait que Michel jubilait intérieurement. Il adore ce genre de situations extrêmes.


Par : Jean-Michel Frodon
Photos :


Films associés : Les créatures, Belle de jour, Les demoiselles de Rochefort, La chamade, Benjamin ou les mémoires d'un puceau, Touche pas à la femme blanche



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