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Saviez-vous que Tonie Marshall écrivait un
film pour vous ?
C'est une chose très étrange, inquiétante et merveilleuse
d'apprendre que quelqu'un s'inspire de vous ou est inspiré par vous
pour écrire un film. Vous imaginez l'anxiété lorsque
vous découvrez le personnage ? Ce cadeau, si vous ne l'aimiez pas,
qu'en faire ? Il se trouve que le film et le personnage m'ont fait succomber.
Cette comédie romantique comporte des éléments insolites
et gracieux, mais aussi quotidiens ; et puis, il y a mon personnage, Fanette...
Bon, ce prénom au parfum assez rare, presque désuet, m'a embarrassée
au début, mais finalement, il va bien à cette femme qui fait
ce qui lui plaît et poursuit une chimère.
Elle habite le cinéma.
Elle a une énergie considérable.
Elle est joueuse.
Elle parle parfois toute seule.
Elle est une princesse au petit pois.
Elle est solitaire.
Elle est aimable.
Elle n'est pas dans la vie.
Elle est profondément romanesque.
Elle est brave.
"Sois brave", c'est ce que Marilyn
avait écrit sur son scénario de "Certains l'aiment
chaud"...
C'est la plus belle chose. Vous savez, je me dis souvent "Sois brave"
quand je me prépare pour quelque chose qui me fait peur, sur un
plateau ou dans la vie. La bravoure, c'est un truc que comprennent les
actrices !
Une "Princesse au petit
pois", "Barbe-Bleue", des chaussures enfilées comme
des pantoufles de vair : le film est rempli de signes qui portent à
penser qu'on n'est pas loin du conte de fées ?
Vous avez remarqué ce fétichisme des chaussures ? Ce sont
les miennes d'ailleurs que l'on voit dans l'appartement de Fanette. Trouver
chaussure à son pied, et jusque dans le rêve, si le réel
est terne... Beaucoup de choses empruntent au conte, mais on sent très
bien ça chez Tonie : cette petite fille toujours en elle qui devait
rêver à un univers enchanteur et peut-être éprouvant.
Fanette visionne inlassablement
son film de chevet, "Elle et lui", jusqu'à légèrement
confondre la vie et le cinéma... On pense fugacement à Truffaut
et puis, on se demande si vous avez ce rapport idolâtre, presque
organique au cinéma...
J'adore ça chez Fanette, elle s'épanouit dans la salle obscure,
pénètre littéralement les personnages, vit, respire
avec eux. Ça m'émeut. Elle n'est pas cinéphile, son
rapport au cinéma est moins intellectuel, mais plus total. Moi,
je peux aller au cinéma toute seule, même si je préfère
être avec un ami ; j'ai vu certains films plusieurs fois : "La
nuit du chasseur", "La splendeur des Amberson". Je crois
que mon appétit en temps que spectatrice est intact.
"Elle et lui" en fait
partie ?
Je l'ai justement revu il n'y a pas longtemps et je suis retombée
amoureuse de Cary Grant. C'est une idole. Plus élégant,
plus irrésistible, c'est pas possible ! Et il a cette étincelle,
ce truc dans l'il. Être élégant et sexy, ça
n'est pas donné à tout le monde ! En plus il était
capable de faire l'andouille !
William Hurt dans le film est
censé être aux antipodes de ça, il ne coïncide
pas avec le fantasme très "high society" de Fanette et,
pourtant, il va la chavirer...
C'est ça qui est délicieux dans la comédie romantique
: les personnages luttent, résistent, cherchent ailleurs, alors
que l'évidence est devant leur nez. Je me suis très bien
entendue avec William, lui aussi a cette lueur dans l'il. Mais je
dois dire que cette rencontre s'est faite sous d'étranges auspices.
Nous sommes arrivés à New York juste après les attentats
du 11 septembre. William était plongé dans une détresse
terrible, presque du désespoir. Et moi, je devais incarner pour
lui la fantaisie, l'amour et l'exotisme dans un film exaltant New York.
Nous aurions pu nous laisser submerger par la tristesse, par le sentiment
du dérisoire : faire un film alors que plus de trois mille personnes
viennent de mourir. Et puis, quelque chose qui touche au mystère
de la résilience et à la puissance de la fiction s'est produit.
On l'a aidé, on a tenu, on a travaillé, et cette façon
dont William me dit dans le film "Savour the moment" prend un
sens très particulier. Ce qui est incroyable, c'est la légèreté
à l'écran, alors que nos curs étaient lourds.
La scène, dans le bar
canadien, où il met sa main entre vos jambes est aussi belle qu'inattendue...
C'est beau, non ? Cet élan pour la faire taire, pour la calmer,
ce geste d'amour qui passe par quelque chose de violent, un érotisme
brutal. J'aime la vision juste de Tonie, ce personnage féminin
assez affranchi correspond à une réalité de femme.
J'aime également sa vision atypique de l'Amérique, qui est
vue comme un pays baignant dans la sensualité. Je croise, à
un moment donné, un couple dont le garçon lèche très
voluptueusement les doigts de la fille. Elle est très surprenante,
Tonie, dans son mélange d'audace et de fantaisie.
La caméra ne vous quitte
pour ainsi dire jamais, dans des lumières chaudes, artificielles
ou très matinales et très naturelles ; vous êtes filmée
de très près, ; c'est beau cet abandon mais était-ce
gênant ?
Ça ne me gêne pas. En règle générale,
je ne veux pas être dévisagée cliniquement ; je veux
être regardée et Tonie m'a tendrement regardée.
Tonie Marshall dit de vous :
"C'est incroyable à quel point Catherine n'est pas narcissique".
Cet étonnement vous étonne ?
II faut avoir la bonne distance par rapport à soi : pas trop loin
car ça ne permet plus de jouer, ni trop près ; la clé,
c'est la bonne distance par rapport à son image et à sa
représentation. Je crois que je m'abandonne beaucoup. On croit
que je contrôle, mais pas tant que ça : ma vigilance concerne
surtout la propagation de vérités erronées. Si on
contrôle trop son image, on se met en danger de momification. Au
fond, comme pour Fanette, la difficulté est dans le rapport au
temps. Je ne suis pas vraiment une femme sereine, mais je suis sans grande
angoisse par rapport à ça ; je sais que le temps n'est pas
mon ami, mais j'ai eu cette chance fantastique de travailler avec de très
grands metteurs en scène très jeune. Les films étaient
plus grands que les rôles...
Fanette a l'envie de jouir de
la vie chevillée au corps et, en même temps, elle vit dans
un temps irréel, un passé incertain un futur flou...
Ça me plaît.
Autour de vous, Tonie a réuni
des acteurs que vous découvriez pour la première fois :
Hélène Fillières, Gilbert Melki, Nathalie Richard,
Bernard Le Coq...
J'avais une appréhension avant de démarrer le tournage :
que le film repose beaucoup sur moi et que les autres acteurs se sentent
un peu secondaires. Or, Tonie a été généreuse
et eux sont des êtres drôles, talentueux et exquis. Ma fille
de cinéma Hélène Fillières me touche infiniment,
Gilbert Melki qui joue l'amant-docteur délaissé par Fanette
est d'une délicatesse rare, Nathalie Richard a un tempérament
fort et Bernard Le Coq, moitié Cyrano, moitié pot-de-colle,
est parfait !
Fanette évolue dans un
milieu très cultivé, elle est elle-même amateur d'art,
et elle lit un jour une phrase de Flaubert dans l'atelier de son ami peintre
.. "Pour qu'une chose soit intéressante, il suffit de la regarder
longtemps ". Ce pourrait être une devise de peintre, en effet,
de cinéaste ou d'amoureux...
C'est extraordinaire de simplicité et de profondeur. Je pense que
c'est juste : quand on regarde longtemps, c'est un regard amoureux qu'on
finit par poser.
Le plus près du paradis,
ce serait quoi ?
Le paradis, c'est la nature, la campagne, dès que les bruits de
la ville cessent, les voitures les klaxons. Une forêt ou une rivière,
et c'est la félicité qu'on peut appeler le paradis.
Retrouvez
l'intégralité du dossier de presse sur le site officiel
du film


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