Ses interviews / Presse 2000-09 / Dossier de presse de "Palais Royal" 2005
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L'ARRIVEE AU PALAIS

J'ai reçu le scénario en sachant que Valérie avait pensé à moi en l'écrivant. Je l'ai lu deux fois, et je lui ai dit oui assez vite. Il y a eu de ma part un plaisir immédiat à la lecture, c'était très gai, très drôle. La comédie, c'est un domaine difficile à aborder pour les actrices. Je guette beaucoup les sujets qui s'y prêtent parce que, même si c'est un peu cliché de dire ça, cela me paraît moins simple de faire des comédies que par le passé : cela tient sur le décalage avec l'air du temps, il y a aujourd'hui moins de terrains sur lesquels on puisse ancrer une véritable comédie. J'en ai pourtant fait : "La vie de château", "Le sauvage", "Belle-maman"… Il y a quelque chose de jubilatoire dans le fait de tourner une comédie, même si on ne rigole pas tout le temps, parce que l'on est dans le rythme, la musique même disait Rappeneau.

Je pense que "Palais Royal !" a été un film lourd à porter pour Valérie, parce que complexe, avec une très grosse équipe et des lieux de tournage à l'étranger. Elle a vraiment tout assumé de bout en bout. Elle et moi n'avons pas vraiment théorisé sur mon personnage pour le préparer, nous avons simplement regardé ensemble sa collection de photos glanées dans les magazines spécialisés, mais au-delà de ça, j'ai tout de suite compris ce qu'elle voulait tourner en dérision, et elle m'a laissée assez libre, finalement, de construire Eugénia. Mais ce personnage était tellement taillé sur mesure que je n'ai pas eu grand mal à m'y glisser ! Je ne vous dirai pas de qui je me suis inspirée pour devenir cette reine (rires), de toute façon, il s'agissait plutôt de choses fugitives, de bribes d'images, notamment pour les scènes officielles. Je m'amuse souvent, quand je suis en voiture avec des amis, à caricaturer les royaux en faisant des saluts de la main vers l'extérieur, ça me fait beaucoup rire, il y a un côté marionnette qui me plaît, (rires). Cet aspect-là, cette idée du pantin que l'on agite, se retrouve d'ailleurs dans tous les personnages de "Palais Royal !", qui ont vraiment tous un grain.

EUGENIA DANS UN MIROIR

Eugénia est une reine d'un cynisme insensé, mais elle sait aussi en jouer avec pragmatisme. Elle a une mainmise absolue sur ses ouailles et sait ne surtout pas voir ce qu'elle ne veut pas voir. Pour elle, il faut se débrouiller avec les choses, sans aucune réflexion sinon maintenir à tout prix les apparences. Elle a une haute idée de sa fonction, c'est devenu une seconde nature pour elle, quel qu'en soit, d'ailleurs, le prix à payer pour elle ou pour les autres. C'est un peu une statue, et c'est un personnage un peu ridicule, au fond. Je pense que cela fait partie des ressorts de la comédie que de savoir justement jouer du ridicule. Je n'ai jamais discuté ou argumenté sur ce que Valérie avait écrit, il me fallait juste m'adapter au rythme du phrasé qu'elle exigeait de moi, comme cette fameuse réplique portant sur "les séries de "p" faits en calligraphie", que j'avais tendance à couper au milieu alors que Valérie voulait que je la prononce de manière très régulière, sans à-coups. Cette scatologie sous-jacente ne me dérange pas le moins du monde, ça fait vraiment partie de la drôlerie intrinsèque des dialogues, et je n'allais certainement pas remettre ça en cause.

Eugénia n'est quand même pas la seule reine que j'ai jouée : dans "Peau d'âne", je devenais reine à la fin du film, où j'incarnais d'ailleurs aussi la reine mère qui meurt au début. Et puis j'ai également été la reine dans "Le petit poucet", et dans le téléfilm américain "D'Artagnan". Pour moi, ce n'était donc pas une véritable découverte que d'aller vers la royauté.

LA REINE VALERIE...

En plus d'être metteur en scène, Valérie est une véritable directrice artistique qui peut s'avérer très maniaque. Je peux le dire, c'est une grande obsessionnelle du détail ! (rires) Du coup, il me semble que même si elle adore diriger les acteurs, elle sait les laisser assez libres... tout en restant très attentionnée et vigilante. Elle a écrit les textes pour eux à la virgule près, et la marge de manœuvre étant de fait assez restreinte, cela lui permet de se consacrer pleinement au reste, c'est-à-dire à tout. Valérie est quelqu'un de zinzin, mais au bon sens du terme, elle est incroyable de folie et de sérieux mélangés. Ce que j'aime en elle, c'est qu'elle fait rire en ne prenant jamais les chemins de la facilité ou de la mode, mais en vous emmenant par le haut, par de véritables chemins de traverse de la fantaisie, la fantaisie étant une des choses les plus importantes de la vie. J'ai vu tous les spectacles de Valérie, je suis une vraie fan depuis le début. C'est la seule personne que j'aie vue faire un spectacle en solitaire en se représentant, sur les affiches, moins jolie qu'elle ne l'est dans la réalité. Je lui en avais d'ailleurs parlé. Je crois qu'elle abandonne beaucoup de choses quand elle fait un spectacle, et c'est une façon de tourner en ridicule ce qu'elle aime le moins chez elle. Aujourd'hui elle en joue moins, je crois quelle accepte mieux sa beauté et, surtout, sa singularité. Par exemple, elle a dirigé tout le film habillée en blouse blanche et en bottes. C'est quelque chose qu'elle s'est fixée au début du tournage, j'imagine, un peu comme un enfant qui organise avec soin son cartable en début d'année scolaire. C'était sans doute une espèce de rite sécurisant pour elle que d'avoir son "uniforme" de tournage, un uniforme à mi-chemin entre le Couvent des Oiseaux et… la déjanterie totale ! Valérie possède une extravagance à l'Anglaise qui me plaît énormément, avec un côté multiple, un décalage permanent, une couleur et un monde à elle qu'elle transporte absolument où elle veut. C'est très agréable, en tant qu'actrice, de pénétrer dans un tel univers.

...ET L'IMPÉRATRICE CATHERINE

Pour "Palais Royal !", Valérie s'est servie à dessein de mon passé d'actrice, ou plutôt de mon côté "représentante officielle en tant que "première dame" du cinéma français !" (rires) C'est vraiment quelque chose qui me fait toujours beaucoup rire mais aussi contre lequel je lutte... par la dérision. Quand on me connaît un peu, on sait très bien que je ne suis pas "ça". De toute façon, aujourd'hui, on peut écrire n'importe quoi, tout ce qui est dans les journaux est censé être vrai. Il me semble pourtant que ma personnalité et mon caractère sont souvent à l'opposé de l'image que l'on donne régulièrement de moi. Alors j'essaie d'écraser ça le plus possible quand j'ai la possibilité de le faire. "Palais Royal !" m'a paru être un très bon moyen de me faire tomber de ce piédestal sur lequel on m'a mise contre ma volonté. Etre sur un piédestal, c'est vraiment un statut très particulier : il est certes agréable d'entendre toujours dire des choses positives sur soi, mais être traitée différemment des autres me gêne. Par exemple, quand j'arrive sur un plateau, je sens un silence qui se fait autour de moi, et c'est quelque chose de lourd à porter. Sur celui de "Palais Royal !", il y avait en plus la confusion entre l'actrice et le personnage, qui en rajoutait dans ce sens. Moi + la reine Eugénia, ça faisait beaucoup ! (rires) Je suppose que c'est une forme d'orgueil que de vouloir être considérée comme ce que l'on est vraiment plutôt que comme quelqu'un que l'on mythifie. Ce n'est pas de la modestie du tout de ma part, croyez-moi ! (rires) Les enfants me regardent encore aujourd'hui comme si j'étais la princesse de "Peau d'âne"... Cela ne me gêne pas, je suis blindée, mais il ne faut jamais oublier que l'on n'est pas ce que l'on a été. Cette force vient de mon éducation, du fait que je suis issue d'une famille nombreuse, une famille de théâtre, ce qui a forgé en moi une forme de simplicité, je crois.

LA COUR

Michel Aumont est un acteur que j'aime beaucoup, j'étais très contente quand j'ai su que j'allais tourner avec lui. Son René-Guy est une sorte d'éminence grise, serviteur de la reine tout en en étant amoureux, c'est un personnage beaucoup plus subtil que ne peuvent le laisser supposer ses apparences rigides. Valérie l'avait beaucoup poussé dans ce sens, ils ont beaucoup travaillé sur la diction, l'accent, alors que moi, finalement, j'y ai plutôt échappé, étant une reine assez pragmatique... Je n'avais jamais non plus tourné avec Lambert Wilson. C'est un comédien excellent qui n'a pas eu peur de s'amuser de sa propre image. Je crois que, comme pour moi, il y avait une véritable jubilation de sa part dans le fait de camper un personnage aussi caricatural qu'Arnaud.

ROIS ET REINES

Je suis une vraie républicaine de cœur, les royautés ne me fascinent pas le moins du monde. Aujourd'hui, nous vivons dans un monde d'images tellement excessif que le rôle des têtes couronnées - et cela vaut surtout dans les pays où ils régnent sans véritable pouvoir - se limite à une forme de représentation, laquelle devient de plus en plus excessive. J'imagine que cela doit être pesant de vivre uniquement dans l'image. À l'âge de 22 ans, j'ai été présentée à la Reine d'Angleterre, et je me souviens avoir été très impressionnée, mais comme on peut l'être dans un cadre où tout tend vers l'apparat, avec les robes du soir, la présence de la télévision… II y avait véritablement le poids du protocole à l'époque, et c'est cela qui m'impressionnait, davantage, sans doute, que la reine elle-même. Mon père était très ironique sur la question des têtes couronnées, il avait une façon de tourner ce genre de sujet en dérision afin que ses enfants apprennent à faire la part des choses. II nous disait par exemple que même sur le plus beau trône du monde, on n'est jamais assis que sur son cul. Alors les rois et les reines, a priori, ne m'intéressent pas trop. Cela dit, quelqu'un comme Diana, qui ne me fascinait pas davantage, était toutefois un personnage intéressant parce qu'elle était parvenue à transformer sa coquetterie de jeune fille en une photogénie calculée, un peu comme Jackie Kennedy, qui était quasiment une reine dans sa représentation d'elle-même. Ce qu'il y avait de captivant chez Diana, et dont Valérie s'est beaucoup inspirée pour le personnage d'Armelle, c'est le contraste entre la façon dont elle était photographiée au quotidien et ce qu'elle vivait dans sa vie de femme. Sa vie a tout de même été d'un romanesque incroyable : se marier si jeune avec un homme qui n'avait jamais oublié un premier amour qu'il épousera finalement vingt-cinq ans plus tard, ça vaut tous les films du monde...


Par : Grégory Alexandre


Film associé : Palais Royal

 



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