|
||||||||||||||||||||||||||||||||||
Ses interviews / Presse 2000-09 / Elle 2002 |
Repères
|
|||||||||||||||||||||||||||||||||
|
Elle occupe une place centrale dans le cinéma français. Mais son règne ne s'est pas fait en un jour. Comment la femme est devenue actrice, comment l'actrice est devenue star, comment la star est devenue icône : Deneuve revient avec Sophie Fontanel sur les films qui ont fait de son image... une certaine idée de la féminité. Ce genre de portrait commence souvent avec l'actrice qui entre dans le hall de l'hôtel. Je ne vous ferai pas ce coup-là. Nous avions bien rendez-vous, Catherine Deneuve et moi, un soir récent, dans un hall d'hôtel, mais c'était pour y parler quasi affaires, tellement la conversation allait être précise. J'avais une bonne quinzaine de films en tête (sur la centaine qu'elle a tournés), qui font tous date dans sa carrière. Elle devait me raconter, à travers ces films, quelle genre de femme elle avait été, quel genre de femme on avait voulu qu'elle soit, et enfin quelle femme elle était restée. A l'heure où, justement, elle est " Au plus près du paradis " grâce au nouveau film de Tonie Marshall (sortie le 20 novembre). Les réponses. "Les collégiennes" d'André Hunebelle "C'est mon premier film, sauf que je ne jouais
pas dedans", dit-elle. Ce qui signifie que son rôle "faisait
trois secondes et demie", et qu'elle n'avait rien à dire,
elle qu'on va remarquer au cinéma dès qu'elle va se mettre
à parler, avec son fameux débit ultra-rapide. Mais là,
elle a 12 ans (les parents sont acteurs, les deux), elle est lycéenne,
elle est figurante, elle le fait " pour l'argent ", et pour
aider sa sur, présente elle aussi dans le casting. Ce que j'ai découvert
de moi "L'homme à femmes" de Jacques-Gérard Cornu Elle joue la fille de Danielle Darrieux. Il y a Mel
Ferrer dans ce film, et il se trouve que "c'est lui qui choisit"
l'actrice. Ce qu'elle apprendra plus tard : on montre à Mel Ferrer
un bout de film de Catherine Deneuve. Elle est brune, elle a une grosse
frange, il lui trouve une "vague ressemblance avec Audrey Hepburn".
C'est dans la boîte. Elle n'est même pas certaine que cela
soit vrai. "Les parapluies de Cherbourg" de Jacques Demy Elle a 19 ans, elle reçoit un mot : "Jacques
Demy aimerait vous rencontrer". C'est le moment où elle se
marie et fait un enfant. Jacques attend. Puis le film se fait. Elle découvre
l'imaginaire de Demy : "C'est une chance absolue de tomber si jeune
sur des gens comme ça". Les tenues la rendent très
désirable, le sent-elle ? Non. "C'étaient des vêtements
à moi, pour beaucoup. Mon manteau, par exemple. Jacques se moquait
que ce soit Chanel, lui ne voyait que la couleur des choses". "Répulsion" de Roman Polanski Sur un bateau, dans Paris, une nuit, elle croise le
chemin de Roman Polanski : "J'ai tout de suite été
fascinée par son regard, son énergie, sa rapidité
d'esprit. Il était vif de partout". II lui propose un rôle,
mais ça s'appelle "Naïves Hirondelles", et c'est
pour jouer une idiote. Elle refuse : "Ce qu'on est sotte, n'est-ce
pas, quand on est jeune !" II lui propose "Répulsion",
"une fille qui a un amoureux trop pressant, et hop, elle le tue !
Je jouais un refus de la sexualité..." "La vie de château" de Jean-Paul Rappeneau Apparition de la comédie dans la vie de Deneuve.
On la découvre marrante. "Marrante ? C'est beaucoup dire...
je le regrette, parce que je me dis que les gens drôles, on recherche
leur compagnie. Mais moi, je suis plutôt mélancolique".
Rappeneau la propulse pourtant dans le rire, en exploitant ce fameux débit
vocal, saccadé, qui fait toute l'intrépidité de Catherine
Deneuve. "Belle de jour" de Luis Buñuel Elle a peur. Buñuel est bourru et, en plus,
il est sourd. La communication n'est pas évidente. Avec "Belle
de jour", il a le génie de faire un film sur le vice sans
jamais le montrer. La seule chose qui indique le vice de la belle de jour,
c'est que, après s'être rendue une fois au bordel, elle y
retourne. "II n'y avait aucune vulgarité. La vulgarité,
de toute manière, ça n'est pas en moi. Sinon, je n'aurais
pas fait le film". "Les demoiselles de Rochefort" de Jacques Demy Jacques Demy a écrit ce film pour les deux surs.
Il fait d'elles des stars. Elle ressent, en tournant le film, que tout
ça la rend très belle et très heureuse. "Nous
étions tous émerveillés par ce qu'on faisait".
Mais voilà quelque chose dont elle ne pourra pas profiter de sitôt.
Comme une punition, ce film signe la fin de l'insouciance : "Ce film,
pourtant si beau, si important pour moi, va devenir un souvenir malheureux,
et je ne pourrai plus le regarder avant des années. Peu de temps
après, j'ai perdu ma sur". "La sirène du Mississipi" de François Truffaut Françoise Dorléac, sa sur, avait
tourné avec lui, mais Catherine ne le connaissait pas. En raison
de complications de production, ça n'est pas François Truffaut
qui choisit Catherine Deneuve pour ce film. Mais, semble-t-il, il s'incline
avec plaisir devant le choix du producteur. Il écrit les dialogues
le soir pour le lendemain, ou gré de l'évolution de cette
histoire et de ce qu'il a à exprimer dans le film (et dans la vie
?). Tout cela est très nouveau. "Peau d'âne" de Jacques Demy Etait-ce facile de feindre un amour fou pour Jacques
Perrin ? "Oh que oui ! C'est toujours facile de faire semblant d'être
amoureuse. Nous connaissons par cur ces émotions, pas besoin
d'aller les chercher loin". "Le sauvage" de Jean-Paul Rappeneau Elle y est dévastatrice de beauté, s'en
rend-elle compte ? "Non, on tournait loin de la France, au Venezuela,
on ne pouvait pas voir les rushes. Mais je me sentais parfaitement bien
dans la robe rayée choisie par la costumière. Avoir un costume
unique pendant tout le film, ça aidait à devenir ce personnage,
au lieu de le jouer". Quant au débit verbal, il est à
son comble, Jean-Paul Rappeneau rajoute un flot de mots dans les dialogues
pour l'exploiter au maximum. "Si c'était à refaire" de Claude Lelouch "Je crois qu'il m'a téléphoné,
tout simplement" : ça, c'est la prise de contact. Elle sait,
"par la bande", qu'on s'amuse bien sur les tournages de Lelouch,
donc elle dit oui. Elle découvre Anouk Aimée, et tombe sous
le charme. Elle apprend à lâcher les émotions, car
Lelouch "ne s'intéresse qu'aux émotions qui emportent".
Tout se passe dans l'enthousiasme et la facilité. Elle aime beaucoup
ça. "Le dernier métro" de François Truffaut Le film est très important. Ce sont les retrouvailles
avec François Truffaut. Il a écrit le film pour elle, "vraiment",
dit-elle. Truffaut fait peut-être d'elle un personnage pas très
sympathique, mais une femme intelligente, entreprenante, quelqu'un qui
refuse de subir. "Je jouais quelqu'un qui avait des choses à
faire, ça n'est pas si courant dans ma carrière". "Indochine" de Régis Wargnier Elle porte le film, même si elle ne peut pas
le dire tel quel. Vincent Perez est intimidé, "il ne le montrait
pas, parce que c'est un acteur de théâtre". Heureusement,
le tournage est à l'autre bout du monde, ce qui aide à créer
une complicité. Elle rêvait de tourner une grosse histoire
romanesque. C'est fait. "Place Vendôme" de Nicole Garcia Elle tourne sous la direction d'une femme. Elle trouve
ça plus difficile. "Nicole Garcia est une actrice, elle aussi,
donc elle a son idée sur la façon de jouer. Avec les hommes,
j'avais pris l'habitude d'avoir mon aire de jeu, où j'étais
assez libre". "Huit femmes" de François Ozon La folie furieuse : "Je suis rentrée dans
un régiment de femmes". L'équipe caracolait dans 800
m2. "C'était grand, on avait bien de la place, on restait
là à regarder les autres travailler quand ça n'était
pas notre tour de jouer". Elle est aux anges de rencontrer d'autres
actrices. "Nos vies ne se prêtent pas à ce qu'on se
fréquente, c'est dommage". Là, c'est la colo. "Au plus près du paradis" de Tonie Marshall Son dernier (joli) film en date. Elle y joue une très
belle femme d'une cinquantaine d'années, chargée d'un cur
de midinette, d'une fille qui cherche sa place, de vieux rêves et
d'un amant canon. Tonie Marshall avait fait savoir que c'était
Catherine Deneuve ou rien. |
|
||||||||||||||||||||||||||||||||
![]() |
|
|