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La star raconte : "Comment je suis devenue Catherine Deneuve"

Elle occupe une place centrale dans le cinéma français. Mais son règne ne s'est pas fait en un jour. Comment la femme est devenue actrice, comment l'actrice est devenue star, comment la star est devenue icône : Deneuve revient avec Sophie Fontanel sur les films qui ont fait de son image... une certaine idée de la féminité.

Ce genre de portrait commence souvent avec l'actrice qui entre dans le hall de l'hôtel. Je ne vous ferai pas ce coup-là. Nous avions bien rendez-vous, Catherine Deneuve et moi, un soir récent, dans un hall d'hôtel, mais c'était pour y parler quasi affaires, tellement la conversation allait être précise. J'avais une bonne quinzaine de films en tête (sur la centaine qu'elle a tournés), qui font tous date dans sa carrière. Elle devait me raconter, à travers ces films, quelle genre de femme elle avait été, quel genre de femme on avait voulu qu'elle soit, et enfin quelle femme elle était restée. A l'heure où, justement, elle est " Au plus près du paradis " grâce au nouveau film de Tonie Marshall (sortie le 20 novembre). Les réponses.

"Les collégiennes" d'André Hunebelle

"C'est mon premier film, sauf que je ne jouais pas dedans", dit-elle. Ce qui signifie que son rôle "faisait trois secondes et demie", et qu'elle n'avait rien à dire, elle qu'on va remarquer au cinéma dès qu'elle va se mettre à parler, avec son fameux débit ultra-rapide. Mais là, elle a 12 ans (les parents sont acteurs, les deux), elle est lycéenne, elle est figurante, elle le fait " pour l'argent ", et pour aider sa sœur, présente elle aussi dans le casting.

Ce que j'ai découvert de moi
"Je joue en uniforme de collège, et c'est là que j'apprends à nouer des cravates". A voir son sourire, on comprend que cette science lui servira longtemps après, et souvent, souvent, souvent...

"L'homme à femmes" de Jacques-Gérard Cornu

Elle joue la fille de Danielle Darrieux. Il y a Mel Ferrer dans ce film, et il se trouve que "c'est lui qui choisit" l'actrice. Ce qu'elle apprendra plus tard : on montre à Mel Ferrer un bout de film de Catherine Deneuve. Elle est brune, elle a une grosse frange, il lui trouve une "vague ressemblance avec Audrey Hepburn". C'est dans la boîte. Elle n'est même pas certaine que cela soit vrai.

Ce que j'ai découvert de moi
"On me choisissait, c'était la première fois de ma vie". Même si ça n'est que pure intention filmographique.

"Les parapluies de Cherbourg" de Jacques Demy

Elle a 19 ans, elle reçoit un mot : "Jacques Demy aimerait vous rencontrer". C'est le moment où elle se marie et fait un enfant. Jacques attend. Puis le film se fait. Elle découvre l'imaginaire de Demy : "C'est une chance absolue de tomber si jeune sur des gens comme ça". Les tenues la rendent très désirable, le sent-elle ? Non. "C'étaient des vêtements à moi, pour beaucoup. Mon manteau, par exemple. Jacques se moquait que ce soit Chanel, lui ne voyait que la couleur des choses".

Ce que j'ai découvert de moi
"Jacques Demy m'a regardée, non pas comme une starlette, mais avec toute sa confiance, toute sa poésie". Agnès Varda, compagne de Jacques, montre à Catherine Deneuve qu'elle gagnerait à dégager son front. Catherine Deneuve découvre son si beau visage. Nous aussi.

"Répulsion" de Roman Polanski

Sur un bateau, dans Paris, une nuit, elle croise le chemin de Roman Polanski : "J'ai tout de suite été fascinée par son regard, son énergie, sa rapidité d'esprit. Il était vif de partout". II lui propose un rôle, mais ça s'appelle "Naïves Hirondelles", et c'est pour jouer une idiote. Elle refuse : "Ce qu'on est sotte, n'est-ce pas, quand on est jeune !" II lui propose "Répulsion", "une fille qui a un amoureux trop pressant, et hop, elle le tue ! Je jouais un refus de la sexualité..."

Ce que j'ai découvert de moi
"Ce film ne valorisait pas directement ma féminité. Je découvrais des choses bien plus troubles, une pulsion violente dans beaucoup de douceur. Polanski me disait, par exemple, approchant la caméra de mon œil, que j'avais l'œil inquiet, comme celui d'un cheval, d'un poulain..."

"La vie de château" de Jean-Paul Rappeneau

Apparition de la comédie dans la vie de Deneuve. On la découvre marrante. "Marrante ? C'est beaucoup dire... je le regrette, parce que je me dis que les gens drôles, on recherche leur compagnie. Mais moi, je suis plutôt mélancolique". Rappeneau la propulse pourtant dans le rire, en exploitant ce fameux débit vocal, saccadé, qui fait toute l'intrépidité de Catherine Deneuve.

Ce que j'ai découvert de moi
"J'étais déjà mariée, mère de famille, et là, cette fois-ci dans la gaieté, j'étais encore dans un rôle de jeune fille romantique. Mais j'aimais ça. Ce côté autant en emporte le vent".

"Belle de jour" de Luis Buñuel

Elle a peur. Buñuel est bourru et, en plus, il est sourd. La communication n'est pas évidente. Avec "Belle de jour", il a le génie de faire un film sur le vice sans jamais le montrer. La seule chose qui indique le vice de la belle de jour, c'est que, après s'être rendue une fois au bordel, elle y retourne. "II n'y avait aucune vulgarité. La vulgarité, de toute manière, ça n'est pas en moi. Sinon, je n'aurais pas fait le film".

Ce que j'ai découvert de moi
Sur le coup, rien. Le film ne remporte pas un gros succès : "C'est plus tard, notamment quand Martin Scorsese a ressorti le film, que les hommes ont commencé à me regarder comme une belle de jour. Et, finalement, "Belle de jour" est emblématique de ma carrière. Il y a là, dans cette passivité devant le vice, quelque chose qui a marqué les esprits. Et les hommes m'ont identifiée à ça".

"Les demoiselles de Rochefort" de Jacques Demy

Jacques Demy a écrit ce film pour les deux sœurs. Il fait d'elles des stars. Elle ressent, en tournant le film, que tout ça la rend très belle et très heureuse. "Nous étions tous émerveillés par ce qu'on faisait". Mais voilà quelque chose dont elle ne pourra pas profiter de sitôt. Comme une punition, ce film signe la fin de l'insouciance : "Ce film, pourtant si beau, si important pour moi, va devenir un souvenir malheureux, et je ne pourrai plus le regarder avant des années. Peu de temps après, j'ai perdu ma sœur".

Ce que j'ai découvert de moi
"Que vous dire du regard que Jacques Demy posait sur moi ? Il me regardait comme une princesse, une reine, et ça me renvoyait une image de moi exaltante, qui donnait du courage, des ailes".

"La sirène du Mississipi" de François Truffaut

Françoise Dorléac, sa sœur, avait tourné avec lui, mais Catherine ne le connaissait pas. En raison de complications de production, ça n'est pas François Truffaut qui choisit Catherine Deneuve pour ce film. Mais, semble-t-il, il s'incline avec plaisir devant le choix du producteur. Il écrit les dialogues le soir pour le lendemain, ou gré de l'évolution de cette histoire et de ce qu'il a à exprimer dans le film (et dans la vie ?). Tout cela est très nouveau.

Ce que j'ai découvert de moi
François Truffaut la regarde "comme il regardait toutes les actrices, vous savez...", elle profère cette phrase avec une immense douceur et pas mal de lucidité, et ajoute : "Mais enfin... c'est aussi quelqu'un qui était vraiment là, qui aimait tout expliquer, tout le temps... Lui, il vous accompagnait, vraiment".

"Peau d'âne" de Jacques Demy

Etait-ce facile de feindre un amour fou pour Jacques Perrin ? "Oh que oui ! C'est toujours facile de faire semblant d'être amoureuse. Nous connaissons par cœur ces émotions, pas besoin d'aller les chercher loin".

Ce que j'ai découvert de moi
"Ce film est comme ces vieilles cartes postales avec une petite robe en crépon collée dessus, et la robe change de couleur avec le temps qu'il fait. C'est la féminité sous sa forme la plus belle, la plus gaie et la plus pure".

"Le sauvage" de Jean-Paul Rappeneau

Elle y est dévastatrice de beauté, s'en rend-elle compte ? "Non, on tournait loin de la France, au Venezuela, on ne pouvait pas voir les rushes. Mais je me sentais parfaitement bien dans la robe rayée choisie par la costumière. Avoir un costume unique pendant tout le film, ça aidait à devenir ce personnage, au lieu de le jouer". Quant au débit verbal, il est à son comble, Jean-Paul Rappeneau rajoute un flot de mots dans les dialogues pour l'exploiter au maximum.

Ce que j'ai découvert de moi
C'est la jubilation absolue de se retrouver en "emmerdeuse". Etre cette femme-là la ravit. "J'avais l'impression qu'Yves Montand jouait autant mon amant que tous ces frères qu'on rêve d'avoir et avec lesquels on ne cesserait de se chamailler. Quelle joie d'être une fille dans ces cas-là !"

"Si c'était à refaire" de Claude Lelouch

"Je crois qu'il m'a téléphoné, tout simplement" : ça, c'est la prise de contact. Elle sait, "par la bande", qu'on s'amuse bien sur les tournages de Lelouch, donc elle dit oui. Elle découvre Anouk Aimée, et tombe sous le charme. Elle apprend à lâcher les émotions, car Lelouch "ne s'intéresse qu'aux émotions qui emportent". Tout se passe dans l'enthousiasme et la facilité. Elle aime beaucoup ça.

Ce que j'ai découvert de moi
Claude Lelouch la voit comme une femme réaliste, les bras dans la vie, rien d'une diva lointaine, au contraire. "II voulait un peu casser mon image. C'est ça le problème, ils veulent tous casser votre image". Mais l'image de Catherine Deneuve est incassable. Ça n'est même pas la peine d'essayer. Et elle a même appris à vivre sa vraie vie totalement en dehors, en douce.

"Le dernier métro" de François Truffaut

Le film est très important. Ce sont les retrouvailles avec François Truffaut. Il a écrit le film pour elle, "vraiment", dit-elle. Truffaut fait peut-être d'elle un personnage pas très sympathique, mais une femme intelligente, entreprenante, quelqu'un qui refuse de subir. "Je jouais quelqu'un qui avait des choses à faire, ça n'est pas si courant dans ma carrière".

Ce que j'ai découvert de moi
Par rapport à certaines scènes osées : "Vous savez... entre Depardieu, si féminin, et Truffaut, si pudique, j'avais presque l'impression que c'était moi, le garçon".

"Indochine" de Régis Wargnier

Elle porte le film, même si elle ne peut pas le dire tel quel. Vincent Perez est intimidé, "il ne le montrait pas, parce que c'est un acteur de théâtre". Heureusement, le tournage est à l'autre bout du monde, ce qui aide à créer une complicité. Elle rêvait de tourner une grosse histoire romanesque. C'est fait.

Ce que j'ai découvert de moi
"C'est particulier d'être sur un tournage où les gens vous investissent de tous les pouvoirs, parce que vous êtes qui vous êtes, avec votre expérience. Moi, il faut que je sois comme d'habitude, au minimum. Et, si possible, que j'étonne les gens, que je sois mieux qu'avant. A qui je peux confier ces doutes ? Ça fait de vous une drôle de femme, sur le moment".

"Place Vendôme" de Nicole Garcia

Elle tourne sous la direction d'une femme. Elle trouve ça plus difficile. "Nicole Garcia est une actrice, elle aussi, donc elle a son idée sur la façon de jouer. Avec les hommes, j'avais pris l'habitude d'avoir mon aire de jeu, où j'étais assez libre".

Ce que j'ai découvert de moi
Si j'ai bien compris (je l'espère), ça lui confirme qu'elle est davantage faite pour être filmée par le regard d'un homme que par celui d'une femme.

"Huit femmes" de François Ozon

La folie furieuse : "Je suis rentrée dans un régiment de femmes". L'équipe caracolait dans 800 m2. "C'était grand, on avait bien de la place, on restait là à regarder les autres travailler quand ça n'était pas notre tour de jouer". Elle est aux anges de rencontrer d'autres actrices. "Nos vies ne se prêtent pas à ce qu'on se fréquente, c'est dommage". Là, c'est la colo.

Ce que j'ai découvert de moi
Ce que François Ozon a imaginé pour elle, le personnage de Gaby, égoïste, narcissique, est tellement son contraire qu'elle y va à fond, sons plus se soucier de la façon dont la fameuse féminité de Catherine Deneuve sera perçue.

"Au plus près du paradis" de Tonie Marshall

Son dernier (joli) film en date. Elle y joue une très belle femme d'une cinquantaine d'années, chargée d'un cœur de midinette, d'une fille qui cherche sa place, de vieux rêves et d'un amant canon. Tonie Marshall avait fait savoir que c'était Catherine Deneuve ou rien.

Ce que j'ai découvert de moi
"Voici un personnage très intéressant, sensible et vrai. Mais par rapport à moi... au fond, la vérité, c'est que, quand un film est nouveau, je n'ai aucun recul. Laissons passer deux ans, et alors j'en saurai plus long sur la façon dont ce film s'insère dans toute notre conversation".

Catherine Deneuve sans fard : la star raconte la femme


Par : Sophie Fontanel
Photos : Patrick Swirc


Films associés : Les collégiennes, L'homme à femmes, Les parapluies de Cherbourg, Répulsion, La vie de château, Belle de jour, Les demoiselles de Rochefort, La sirène du Mississipi, Peau d'âne, Le sauvage, Si c'était à refaire, Le dernier métro, Indochine, Place Vendôme, Huit femmes, Au plus près du paradis

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