|
Catherine Deneuve nous conte "Peau d'âne" |
En 1970, "Peau d'âne", c'était la
féerie au cinéma. Aujourd'hui, petits et grands peuvent
redécouvrir ce chef-d'uvre grâce à une copie
neuve et un DVD. Souvenirs du pays des merveilles de Jacques Demy.
"Peau d'âne" resurgit, et c'est comme si
le film de Jacques Demy ne nous avait jamais quittés. L'émerveillement
est intact, tandis que les enfants plébiscitent le film. "Je
l'ai vu trois fois pendant les vacances de la Toussaint, je vais le voir
une quatrième fois, et ensuite, j'arrête !", dit Adrienne,
6 ans, comme s'il s'agissait d'une drogue dure. Perroquet, vrais crapauds,
âne banquier, rosé qui vous regarde dans les yeux : les enfants
sont intarissables sur ce qui les a le plus enchantés. Mais le
plus merveilleux, sans doute, c'est que Catherine Deneuve et Delphine
Seyrig soient pour toujours "une vraie princesse et une vraie fée".
Qui mieux que Peau d'âne elle-même pouvait évoquer
pour nous un tournage féerique ? Ecoutons-la.

"Peau d'âne", c'est la grâce,
portée par l'humour et le romantisme de Jacques Demy. Si le film
avait tenu sur des effets spéciaux, il aurait forcément
vieilli. Mais l'adaptation de Jacques est à la fois intemporelle
et très personnelle. Il montre ce qui nous touchera toujours, qu'on
ait 6 ou 100 ans. Le merveilleux et les émotions ne sont pas soumis
au temps. Dans les films de Jacques Demy, il y a toujours un aspect artisanal,
allié à une grande rigueur. Enfant, il faisait son cinéma
en fabriquant lui-même ses petites figurines et sa lanterne magique,
et, adulte, il a continué, avec plus de moyens. Il n'y a rien d'artificiel
dans sa manière de concevoir des effets. Un royaume rouge, un royaume
bleu ? Les chevaux seront peints. Jacques Demy recherchait toujours des
solutions simples. Ce conte l'habitait depuis l'enfance. Il a ciselé
les dialogues, de même qu'il a choisi le moindre objet du décor,
et qu'il "voyait" exactement tous les personnages. Le merveilleux,
pour moi, c'était aussi de jouer dans un film, en musique, en chansons,
en costumes. Et quels costumes ! Le plus lourd était la peau d'âne.
Une vraie peau d'animal, que j'avais à la fois sur le corps et
sur la tête. La gueule de l'animal, surtout, pesait son poids. Il
y a un côté Cro-magnon dans le film. Et, en même temps,
une imagerie à la Pierre et Gilles. Une alliance unique du réalisme
et du kitsch. Jacques Demy nous demandait d'outrer beaucoup le jeu. On
devait soupirer, lever les yeux au ciel... Un jeu difficile, parce que
très précis.
J'y allais les yeux fermés. Heureuse de retrouver
cet univers. Un univers où toutes les relations interdites sont
transfigurées. Jacques savait créer le merveilleux avec
un rien, son regard le suscitait. Où que j'aille, le film m'a poursuivie.
Il y a des rôles qu'on oublie. Mais, là, c'est le film lui-même
qui ne m'a jamais quittée. Souvent, des amis me demandaient si
j'en avais une copie. Mais, pour moi aussi, le film avait disparu. Si
bien que je suis la première enchantée de pouvoir le redécouvrir
dans ses couleurs d'origine !

|
|