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Elle et le cinéma


Conversation sur le 7e art avec l'actrice, en tournage au Portugal, tandis que sort "Au plus près du paradis", de Tonie Marshall.

"Au plus près du paradis", de Tonie Marshall, se déroule (en partie) aux Etats-Unis, sort en France et s'évoque au Portugal. La faute à Manoel de Oliveira, qui accapare Catherine Deneuve pour quelques jours, le temps d'une participation à "Un film parlant", aux côtés de John Malkovich et d'Irène Papas, et dont le tournage vient de commencer. Pour interviewer l'héroïne, qui, dans "Au plus près du paradis", vole jusqu'à l'Empire State Building en espérant y vivre l'histoire de son film préféré, "Elle et lui" (Leo McCarey, version 1957), il faut donc s'envoler vers la capitale portugaise, se diriger vers la zone portuaire et monter à bord d'un paquebot transformé en plateau de cinéma. Après l'effort, le réconfort : un déjeuner avec l'actrice au "Pico da Sapato" (Le Bout de la Chaussure), restaurant chic au bord de l'eau. Mais le caractère exceptionnel de la situation n'est pas tant dans ce tête-à-tête que dans la disponibilité de Deneuve, qui accorde rarement des entretiens quand elle tourne. L'envie de parler d'un art, le cinéma, dont elle ne cesse de se nourrir, aura vaincu ses réticences.

Pourquoi êtes-vous si rare quand sort un film dans lequel vous avez joué ?
D'abord, la seule chose qui m'intéresse quand on parle de moi, c'est de savoir si cela va aider le film à rencontrer le public. Ensuite, il n'y a pas de cause à effet systématique entre l'impact médiatique et le succès en salles. De temps en temps, comme cette fois, on parle de cinéma, mais, généralement, l'interview est formatée. On s'en rend compte pendant les festivals, et surtout à Cannes, phagocyté par les télés. L'essentiel est de figurer au JT, et tant pis pour la magie. Les médias ne se mouillent plus. La grande perversion, c'est de dire que le public commande. Mais le public, justement, est comme un adolescent influençable qu'on peut amener à découvrir des choses.

Comment choisissez-vous les films que vous allez voir en salles ?
Franchement, je vois ceux de tout le monde. Le problème, c'est le temps. Il me reste la télé pour rattraper ce que je rate au cinéma : depuis l'arrivée du câble, je dors beaucoup moins ! Même quand je tourne, si je rentre tard et que je tombe sur un film que j'aime, j'ai du mal à m'arracher de l'écran. C'est un vice.

Quel regard portez-vous sur Catherine Deneuve quand vous la voyez dans un film ?
Cela dépend. J'ai souvent un œil critique, ce qui ne veut pas dire grand-chose parce qu'il y a toujours quelque chose qui ne va pas quand il s'agit de soi. L'autre jour, je suis tombée sur "Indochine" [de Régis Wargnier] que je n'avais pas revu depuis très longtemps. Je suis restée. C'est rare.

Parce que cela vous gêne ?
Non. Mais je n'ai pas envie de les regarder du début à la fin. Cinq minutes, en passant, et cela suffit. En revanche, j'ai les films chez moi en cassette ou en DVD. Je possède également tous les scénarios sur lesquels j'ai travaillé. Je ne sais pas trop pourquoi, d'ailleurs.

Dans "Au plus près du paradis", votre personnage ne cesse de revoir "Elle et lui". Y a-t-il un film qui vous ait également fait chavirer ?
"La fièvre dans le sang", d'Elia Kazan. Pour la violence des émotions, la folie du sentiment amoureux… L'idée qu'on peut devenir fou dans une société contemporaine à cause d'un chagrin d'amour. J'adore aussi "La nuit du chasseur", de Charles Laughton, et "La splendeur des Amberson", d'Orson Welles. Je précise qu' "Elle et lui" n'est pas tant un prétexte de cinéphile qu'une déflagration amoureuse pour mon personnage. C'est comme un parfum, une obsession...

En février 2003, on vous verra à la télévision dans "Les Liaisons dangereuses", de Josée Dayan, où vous jouez Mme de Merteuil. C'est une première !
Je n'étais pas contre la télé, mais il fallait que le sujet s'y prête par sa durée ; trop courte ou trop longue pour le cinéma. Josée Dayan m'a parlé de ce projet avec Eric-Emmanuel Schmitt, qui adapterait le roman de Laclos dans les années 1960-1965? Comme le film de Roger Vadim, sauf qu'ici il est en couleurs, dure quatre heures et sera diffusé en trois parties.

Vous est-il arrivé d'exprimer à un réalisateur votre désir de travailler avec lui ?
Une fois. Après "Breaking the waves", j'ai écrit à Lars von Trier. C'est la première fois que je faisais ça. J'avais entendu parler de son projet de tourner un film sur vingt ans avec des acteurs différents au fil du temps. Je lui ai fait savoir que ça m'intéressait, mais il était déjà passé à autre chose : une comédie musicale, "Dancer in the dark", dans laquelle j'ai fini par jouer. Ensuite, ma démarche d'aller vers lui a pris une ampleur totalement disproportionnée par rapport à la réalité. Car Lars est assez manipulateur dans ce domaine : ça lui permettait de dire deux ou trois trucs amusants aux journalistes sans avoir besoin de parler de son film.

Ce film, "Dancer in the dark", a été tourné avec une caméra DV. Qu'en pensez-vous ?
C'est une manière très différente de travailler. Sur "Dancer in the dark", on répétait très peu, parfois pas du tout. Lars, qui sait remarquablement utiliser cet outil, improvisait sans cesse. Il faut que le film s'y prête, car le danger, ce sont les mouvements: comme la caméra est très maniable, on se retrouve souvent face à une image qui bouge tout le temps. L'avantage de la vidéo, c'est qu'elle donne naissance à plein de vocations. Mais, si beaucoup de gens ont envie de faire du cinéma, tout le monde n'en est pas capable.

Revoyez-vous des réalisateurs qui vous ont révélée aux cinéphiles, comme Roman Polanski ?
On se rencontre de temps en temps. Quand j'ai connu Roman, personne n'avait vu ses films. Tandis que je tournais à Cherbourg " Les parapluies... ", lui réalisait de nuit le générique d'un film français dans lequel il avait signé un sketch ["Les plus belles escroqueries du monde", 1964]. Lorsque je vais rentrer, je vais l'appeler pour lui dire tout le bien que je pense du "Pianiste", qui est absolument magnifique.

La première fois que vous avez tourné avec de Oliveira pour "Le couvent", vous avez dit à son propos : "Il y a des cinéastes qu'on ne peut pas rater". Y en a-t-il d'autres ?
Oh oui ! Mais ce n'est pas moi qui décide. Il y avait Hitchcock, que j'avais rencontré grâce à François Truffaut, à Paris. On a déjeuné ensemble, il m'a parlé d'un projet de film d'espionnage. Le scénario n'était pas développé, et il est mort avant d'avoir pu le faire. C'est dommage. Il paraît qu'il était très dur avec ses actrices, mais ça m'aurait plu d'entrer dans son univers. J'aurais aussi voulu travailler avec Claude Sautet. Cela ne s'est pas fait pour des raisons indépendantes de ma volonté : un stupide problème entre agents. Après, il a rencontré Romy Schneider et continué de travailler avec elle. Je savais qu'il n'y avait aucune raison pour qu'on se retrouve un jour. Quand on refuse un rôle à un metteur en scène, même si la raison est légitime, il lui reste toujours une petite blessure difficile à effacer.


Par : Christophe Carrière


Films associés : Au plus près du paradis, Dancer in the dark, Indochine, Les liaisons dangereuses, Un film parlant



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