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"Je
suis une femme sentimentale, directe, entière" |
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Actrice de tous les risques, Catherine Deneuve n'avait
pourtant jamais osé la télé. C'est maintenant chose
faite. Elle s'est laissé convaincre par la réalisatrice
Josée Dayan de jouer Madame de Merteuil dans une adaptation contemporaine
des "Liaisons dangereuses", de Choderlos de Laclos, signée
Eric-Emmanuel Schmitt. Même si elle affirme ne pas lui ressembler,
ce rôle de femme manipulatrice est du sur mesure pour celle qui
fit ses premiers pas au cinéma avec Sade. Sur le tournage, dans
une ambiance de travail intense et fascinante, l'actrice en robe noire
des années 60, ses magnifiques cheveux blonds relevés dans
un impeccable chignon, s'est échappée quelques minutes.
Propos recueillis en express à la terrasse d'un bistrot du XVème
arrondissement, entre métro aérien, circulation animée
et foule de badauds en bruit de fond.
Vous aviez donc envie à
votre tour de faire de la télévision ?
Je n'éprouvais ni envie spéciale ni refus catégorique.
J'attendais, avant d'accepter, qu'on me propose quelque chose qui avait
une raison d'être à la télévision plutôt
qu'au cinéma. Dans le cas des "Liaisons dangereuses",
puisqu'il s'agit d'une série en trois épisodes, on a tout
le temps de rentrer, d'approfondir les personnages, ce qu'on ne peut pas
toujours faire au cinéma.
Vous connaissiez Josée
Dayan auparavant ?
J'avais vu ses réalisations. Et puis je l'ai rencontrée
par hasard à New York, où nous avons dîné ensemble
et parlé d'une telle éventualité. Comme je ne m'y
suis pas opposée, elle s'est très vite arrangée pour
concrétiser mon envie, si envie il y avait. Elle a une personnalité
à la fois si forte, directe, et si délicate. Je me suis
dit pourquoi pas ?
Le rôle de Madame de Merteuil
avait aussi de quoi séduire !
C'est un personnage comme il est rare d'en trouver au cinéma, qui
existe davantage au théâtre. Le genre de rôle qu'à
un certain moment dans la carrière d'une actrice, on ne vous propose
pas. C'est un grand personnage, parce que c'est une femme amoureuse. Même
si elle est perverse. Mais on a toutes les excuses lorsqu'on est amoureux.
Il y a de la violence, de la force, de la jalousie dans ce personnage
qui est aussi une femme de goût.
Vous dites que sa grande féminité
vous a séduite. C'est donc un personnage qui vous ressemble ?
Comme on l'a traitée dans le film, pas vraiment. Moi, je suis une
femme sentimentale, directe, entière. Quand je suis amoureuse,
je ne calcule pas, je ne cherche pas le pouvoir.
Vous n'êtes donc pas manipulatrice
?
Peut-être que lorsque je suis amoureuse, mon sentiment l'amène
à l'être. Mais c'est indépendant de moi. C'est inconscient.
Que pensez-vous des tenues que
Jean-Paul Gaultier a créées pour vous ?
Il a relevé le défi des années 60 avec force. Il
a vraiment fait du sur mesure. Mais je l'admirais déjà avant.
J'assistais à tous ses défilés de haute couture et
je portais déjà volontiers ses tenues.
Est-ce à dire qu'il pourrait
désormais vous habiller, puisque Yves Saint Laurent a arrêté
ses créations ?
Là, il s'agit de costumes de film. Que ce soit clair. Je ne passe
pas d'Yves Saint Laurent à Jean-Paul Gaultier. Je continuerai longtemps
à porter du Saint Laurent, car ses créations sont indémodables,
et je porterai aussi des vêtements de Jean-Paul Gaultier, car je
le faisais déjà avant.
Un tournage de télévision,
ça a dû vous changer du cinéma, j'imagine !
C'est un rythme rapide auquel je n'étais pas habituée. D'autant
plus que Josée Dayan fait en trois mois ce qui en prendrait cinq
à un autre metteur en scène. C'est rapide ! Alors forcément,
il y a des choses qui passent à la guillotine. Mais il y a une
telle énergie qui se dégage d'elle. Tout cela ne m'a pas
dérangée.
Vous étiez toujours d'accord
?
Je comprends ses choix. On a beaucoup de goûts en commun. Elle a
le sens de la musique. Et comme téléspectatrice, j'ai toujours
apprécié son travail. J'avais aimé ses scènes
d'amour dans ses précédentes uvres.
Là-dessus, la réalisatrice
est venue nous rejoindre et, sans attendre, a arraché Mademoiselle
Deneuve à mes jusque-là bien anodines questions. Dont acte
tronqué.

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