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"Je ne suis pas une jolie madame"

Elle fait l'événement sur Arte avec "Princesse Marie".
Aujourd'hui elle prête ses traits à Marie Bonaparte. Demain, elle publiera des carnets de tournage sous le titre d' "A l'ombre de moi-même" (éditions Stock)… Catherine Deneuve ne cesse d'inspirer, de fasciner. Sans doute parce que derrière l'icône, on devine la battante. Mais aussi l'amoureuse, la jouisseuse. Rencontre avec une femme qui sait regarder sa vérité en face.

Ce jour-là, au bar de l'hôtel Lutetia où elle nous avait donné rendez-vous, on n'en menait pas large. Puis elle est arrivée. Sans chichis. Poignée de main franche. Terrienne. Directe. Elle parle vite. Fume vite. Des blondes. Longues et fines. Elle rit. Souvent. Rien de glacé ni de figé. Avec elle, tout serait plutôt affaire de gourmandise...

Vous incarnez Marie Bonaparte, arrière-petite-nièce de Napoléon, disciple et amie de Freud qui deviendra à son tour une psychanalyste de renom. Une battante. On parle même de femme phallique...
Oui, elle était entière, brusque, très virile. Je connaissais son histoire pour avoir lu la biographie écrite par Célia Bertin (éd. Perrin). Et j'avais très envie d'incarner un tel personnage. Obstiné. Déterminé.

Un peu comme vous ! Sa liberté de penser est une forme de féminisme avant la lettre. Avez-vous été vous-même une militante ?
Dans les années soixante-dix, j'ai pris une position, comme d'autres femmes. J'étais sur la liste des "salopes" qui ont signé le manifeste en faveur de l'avortement. J'étais jeune à l'époque et se faire traiter de salope, c'était quelque chose d'assez violent !

Décider d'avoir vos enfants - Christian et Chiara - hors mariage était également un choix très courageux...
Orgueilleux surtout ! Disons que les conventions m'importent peu. Je considère le mariage comme un événement romantique et n'aurais pas aimé avoir le doute d'une " réparation ". C'est pourquoi je suis toujours étonnée quand on me qualifie de grande bourgeoise. Comme bourgeoise, on fait mieux ! C'est vrai que physiquement je donne une apparence assez "jolie madame", mais ce n'est qu'une apparence. Je ne le suis pas du tout !

A vingt ans, quelle amoureuse étiez-vous ?
J'avais déjà mon fils (Christian Vadim est né quand elle avait dix-neuf ans, ndlr). J'étais quelqu'un de grave. Mais aussi de passionné. Vouloir mourir d'amour ne m'a jamais paru une chose excessive ou insensée. La passion, le désir, le chagrin amoureux sont des émotions qui ne me sont pas étrangères.

Quelle amoureuse êtes-vous aujourd'hui ? L'expérience vous a-t-elle ôté toute illusion ?
On ne peut pas rester la même, mais je n'ai pas l'impression d'avoir perdu des illusions. Non, non. J'ai une vie sentimentale très remplie. Des histoires très fortes. Je suis simplement une amoureuse. C'est ça ma nature. Je ne suis pas vraiment une femme de tête. Plutôt d'émotion. L'amour est la grande histoire de la vie des femmes en général et de la mienne en particulier.

La trahison amoureuse est-elle la blessure ultime ?
Ça dépend de ce qu'on entend par trahison. Je pense qu'un homme peut tromper une femme sans la trahir. Ça dépend aussi des âges de la vie. Avec le temps, on peut être plus indulgent. Comprendre, pardonner... Parce que oublier, ça, jamais. Mais pardonner, oui.

On imagine qu'aucun homme n'a jamais osé trahir une femme comme vous...
Je dois dire que j'ai eu beaucoup de chance, mais parce que je pense avoir su choisir mes amitiés.En amour, c'est différent. Il s'agit de tromperie. Ça peut sans doute aller jusqu'à la trahison, mais j'ai été épargnée de ça, je crois.

Etes-vous une séductrice ?
J'espère !

Vous pourriez vous sacrifier par amour ?
La notion de sacrifice m'est étrangère. Je ne crois pas être un monstre d'égoïsme, mais le sacrifice, en général, a toujours un prix. Et moi, je trouve que les actes doivent être consentis, volontaires et libres de toute arrière-pensée.

Aujourd'hui, le sexe est omniprésent : pub, cinéma, littérature... Quand la critique d'art Catherine Millet ou l'actrice Macha Méril racontent leurs expériences sexuelles dans des autobiographies, ça vous choque ?
Ça me gêne quand quelqu'un de connu entre dans le détail de sa vie amoureuse et cite des noms !

Macha Méril dit entre autres avoir découvert le vrai plaisir après cinquante ans...
Tant mieux ! Le découvrir à cinquante ans, c'est peut-être mieux que rien. Mais enfin, c'est un peu dommage ! Dans ce domaine, je préfère la démarche de Catherine Millet ou de la cinéaste Catherine Breillat, parce qu'il y a derrière une vraie réflexion sur la sexualité. Je trouve cela plus audacieux.

Vous aussi avez eu une démarche assez gonflée : tourner "Belle de jour" après "Les parapluies de Cherbourg". A l'époque, il fallait de l'audace !
C'est un rôle plus osé qu'un autre, mais enfin, c'est très différent. Ça fait partie du métier d'acteur. Il est vrai que je n'ai pas envie d'aller là où on pense que je devrais aller. Je ne cherche pas systématiquement à prendre des chemins de traverse, mais disons que j'ai toujours suivi la route qui m'intéressait. Qui n'était pas toujours la plus évidente.

C'est l'éducation que vous avez reçue de vos parents qui vous a donné ce goût de la liberté ?
Je pense, oui. On avait le droit d'exister. J'ai eu une éducation religieuse - hélas - qui m'a donné trop souvent envie de dire : il ne faut pas, il ne faudrait pas, il ne faudra plus... Mais pas au point d'être soumise à un ordre ou à une société. Etre soumis à quelqu'un, pourquoi pas ? C'est un choix personnel. Mais à une pression sociale, je ne supporte pas.

C'est aussi de l'enfance que vous vient cette gourmandise de vie ?
Je crois. Je suis, c'est vrai, dans le désir, l'excès, la curiosité. Je sais que le temps est compté. Et je le sais depuis longtemps. Je crois que ça vient de là.

Cet appétit, vous avez su l'insuffler à vos enfants ?
Je ne sais pas. Ma fille, Chiara, et mon fils, Christian, sont beaucoup plus réfléchis que moi parfois. Peut-être plus raisonnables. Je pense que quand on a des parents excessifs, on est attiré par son contraire.

Avez-vous été une mère possessive ?
Pas trop, même si je suis très proche d'eux. J'aimais bien au contraire qu'ils aient une vie privée, qu'ils soient partis parce qu'ils étaient amoureux... Je n'ai jamais pensé avoir des enfants pour les garder près de moi.

Pas le genre à glisser un œil dans leur cahier intime ?
Quelle horreur ! Jamais ! Je n'ai jamais fouillé dans les affaires de mes enfants. J'ai beaucoup de respect pour leur vie personnelle et je n'ai jamais forcé le secret de leur chambre ni de leur intimité.

Vous êtes heureuse d'être grand-mère ?
Ça, c'est un vrai cadeau ! On n'a pas le devoir de les élever. On s'inquiète peut-être, mais autrement... C'est un vrai bonheur.

Pour en revenir aux hommes, vous avez dit que ceux de votre vie avaient tous du charme, de l'intelligence, de l'humour, de la fantaisie...
J'avais dû citer l'intelligence en premier !

Avez-vous déjà été la proie de séducteurs ?
C'est difficile à dire parce que j'ai surtout vécu des histoires ou des liaisons plus que des aventures. Sans être mariée, je suis tout de suite et très très jeune rentrée dans une vie de couple. Et puis les gens qui jouent avec les sentiments des autres, je trouve ça sinistre. Moi j'aime assez les hommes immatures. Pas totalement adultes. Graves, mais pas forcément sérieux tout le temps. Qui ont gardé une forme de fantaisie, une espèce de grâce par rapport aux gens, à la vie... Des hommes qui n'ont pas oublié qu'ils sont encore enfants.

La beauté vous a-t-elle rendue cruelle ?
Ah non, ça, je ne crois pas ! Mais j'ai sûrement dû être cruelle autrement, car quand on est entier
et qu'on décide que ça ne va plus, on est forcément brutal.

Françoise Sagan disait qu'à quarante ans on cherche à paraître et qu'après on s'en fout. Vous êtes d'accord ?
C'est vrai que c'est une chose qui vient compenser le fait de vieillir. Je ne pense pas qu'on s'en fiche complètement, mais après quarante ans, si on est un peu raisonnable et qu'on a la chance de vieillir à peu près bien, on est beaucoup plus libéré des apparences. On a une autre projection de sa vie personnelle et amoureuse. On est plus libre. C'est différent.

Vieillir est plus "emmerdant" pour une actrice, dites-vous...
Oui. Ce n'est pas incompatible avec le fait d'être désirée par des réalisateurs, mais il y a quand même un moment où ça bascule de l'autre côté. Parce qu'à la différence du théâtre, le cinéma est un métier très visuel où il n'y a pas de distance. C'est beaucoup plus cruel. Là encore, il s'agit de trouver l'équilibre, l'harmonie entre son âge personnel et celui du rôle.

La sagesse va-t-elle de pair avec les années ?
Pas du tout ! D'ailleurs ma mère me dit encore aujourd'hui : "Mais ma petite fille, tu n'es pas raisonnable !" Et elle a sans doute raison !

Quelle déraisonnable êtes-vous ?
Impétueuse. Je sors beaucoup, je me couche trop tard... Je n'ai pas de limites. Je suis sage en paroles, mais dans les actes, je suis plutôt excessive et suractive.

Quelle est la plus grande erreur qui ait été écrite ou dite sur vous ?
Les erreurs, ce serait plutôt sur cette apparence que je peux avoir de froideur ou de sécheresse. Maintenant, je m'en fiche un peu, mais avant, ça me blessait beaucoup. Comme j'étais réservée et jolie en plus, on avait tendance à dire : "Mais pour qui elle se prend ?" Eh bien, je me prends pour moi. Pas plus. Mais pas moins non plus.


Par : Jeanne Bordes
Photos : L. Schmid


Film associé : Princesse Marie

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