Ses interviews / Presse 2000-09 / Imprévu 2001
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Divine Deneuve

Catherine Deneuve est la star par excellence. Le monde entier connaît son visage, ses films, son élégance légendaire ; pour les Francais, c'est une institution. Paradoxalement, elle se dévoile peu et cache sa très grande humanité sous des masques. Quarante ans de cinéma plus tard, c'est toujours un mystère...

Le rendez-vous est fixé sur ses terres, à 11 h 30 au bar du Lutétia. Chignon blond, petites lunettes à peine teintées, décontractée dans un pull fauve Yves Saint Laurent ; sa voix rapide au style inimitable vient sublimer un air de jazz. Le temps retient son souffle, c'est la magie Deneuve...

La rentrée va être marquée par le très attendu "Huit femmes" de François Ozon, qui sort le 6 février. Des rumeurs folles circulent déjà sur le film...
Oui, certainement, car le film est joué par huit actrices célèbres, toutes générations confondues, ce qui ne manque pas de susciter une forte curiosité. Cependant, même si le film doit bien évidemment rester attendu, il ne faut pas que la rumeur devienne plus importante, ce qui est le cas, puisqu'il n'a pas encore été projeté. Je trouve que ce n'est pas une bonne politique, car les bruits de coulisses peuvent porter atteinte à la qualité du film.

Nous ne vous avions pas vue dans un rôle de premier plan depuis "Place Vendôme" (de Nicole Garcia), enfin un rôle taillé sur mesure ?
C'est vrai, dans ce film, j'ai la charge de toute la famille, car ma mère, jouée par Danielle Darrieux, est plutôt évaporée. Dans ce huis-clos, un membre de la famille va être assassiné. Cloîtrées dans leur maison, les femmes vont se suspecter les unes les autres, ayant toutes une raison d'avoir commis ce meurtre. Ce qui augmente I'intensité de I'intrigue policière, ce sont les liens familiaux qui unissent ces femmes. Leurs rapports restent, en revanche, assez drôles bien que cruels et débridés. Ce drame familial va leur donner I'occasion de dévoiler des secrets enfouis, de régler leurs comptes. Avec ma sœur, par exemple, interprétée par Isabelle Huppert, le dialogue est d'une violence inouïe.

"Huit femmes", c'est un film noir à la Hitchcock ?
C'est plutôt un huis-clos à la Ozon, joué par huit femmes. François ne I'a pas tourné d'une façon classique. Si on peut raconter un peu I'atmosphère du film, ce qui n'est pas forcément facile, car au cinéma cela passe avant tout par les images, contrairement aux livres que I'on peut plus justement détailler, je dirais que I'histoire de ce drame, librement adaptée de la pièce de Robert Thomas, se déroule dans les années 50. Ozon a gardé I'esprit de ces années, avec une lumière et une photo particulières, ce qui fait penser aux films en technicolor de cette époque. Son style est un peu décalé, mais on retrouve bien I'ambiance des fifties.

Huit actrices de grande renommée sur un plateau, un paradis ou un enfer ?
Ca va peut-être vous paraître surprenant, mais sur le plateau, I'ambiance était très agréable. Comme nous tournions dans un seul décor, nous avions pris nos habitudes. Dans la cuisine, on se réunissait pour discuter, fumer des cigarettes et boire des cafés, comme dans une vraie maison. Cette famille de cinéma était devenue la mienne... J'ai retrouvé Danielle Darrieux, qui incarnait déjà ma mère dans "Les demoiselles de Rochefort", de Demy et "Le lieu du crime", de Téchiné. J'ai eu aussi beaucoup de plaisir à tourner avec Fanny Ardant, qui joue ma belle-sœur, beaucoup ri avec Emmanuelle Béart, ma femme de chambre, et les petites Virginie Ledoyen et Ludivine Sagnier, mes filles dans le film.

Le cinéma des années 80 était assez misogyne. Les années 2000 laissent place aux films réalisés par des femmes...
Des femmes comme Marion Vernoux, Nicole Garcia, Tonie Marshall se sont emparées de la caméra, ce qui est bien. II y a de plus en plus de femmes à la mise en scène qui savent attirer le public dans les salles. Malgré tout, comme en politique, la parité attendue n'est pas totale, puisqu'il est toujours difficile pour une femme de monter un projet ambitieux. II faut qu'elle soit "bankable". Tonie Marshall a fait plusieurs films à petits budgets avant d'obtenir le succès avec "Vénus Beauté", ce qui lui a permis enfin d'obtenir un joker financier pour ses autres films. Le cinéma d'aujourd'hui, comme I'écriture des scénarios, a évolué ; il suit le cours de la vie, l'évolution des femmes et leur prise de pouvoir... On trouve des auteurs comme Nicole Garcia ou Laurence Ferreira Barbosa qui écrivent de très beaux rôles de femmes. Mais films réalisés par des femmes ou pas, ce qui est réconfortant, avant tout, ces dernières années pour la profession, ce sont ces films français qui sont reconnus également à I'étranger.

Sur votre site "cdeneuve.com", vous avez réagi à la catastrophe américaine en écrivant une carte postale qui renvoyait I'internaute a un article qui vous a touchée. Comment avez-vous ressenti ce drame ?
Je devais partir au Canada rejoindre l'équipe de tournage de "Au plus près du paradis" au moment du drame. Ma fille qui se trouvait à Toronto n'arrivait pas à revenir. Je ne me sentais pas très bien, le fait d'être éloignée de ma famille à un moment aussi essentiel a été une épreuve. Je suis partie toute seule là-bas, le jour où l'on a réouvert les aéroports, le 15 septembre. II est difficile de continuer un film à ce moment-là. Vous pensez que ce malheur s'abat sur la vie comme une grande chape, et il faut alors retrouver I'envie, essayer de se concentrer à nouveau. Mais on ne peut pas tout immobiliser non plus. Beaucoup de choses sont engagées, c'est une entreprise importante un film, beaucoup de gens, beaucoup de temps, d'énergie. Par exemple, il a fallu refaire à I'identique I'Empire State Building dans les studios canadiens, car nous n'avions pas I'autorisation de tourner cette scène a New York. L'ensemble du tournage, à cause des événements, a dû être délocalisé a Montréal. Seuls quelques plans avec William Hurt ont pu être pris à Manhattan. Alors, cette carte postale sur mon site, c'est une façon de partager avec les autres un article sur l'Afghanistan qui m'a beaucoup touchée, beaucoup frappée.

II y a quelques années, vous aviez prôné I'appel à la désobéissance civique contre la loi Debré, qui concernait la réglementation de I'entrée et du séjour des étrangers. Aujourd'hui, avez-vous toujours des combats ?
Ce ne sont pas des combats. J'ai effectivement soutenu cette cause qui défendait, entre autres, les sans papiers. J'ai pris une position, comme autrefois pour I'avortement. Ce qui me tient à cœur aujourd'hui, et depuis toujours, c'est ma révolte contre Ia peine de mort, la torture... Je suis allée à I'Ambassade américaine à Paris, remettre 500 000 signatures de Français révoltés, comme moi, par cette barbarie. Je ne suis pas certaine que cette pétition soit d'une très grande utilité, mais il était important de le faire... Les Américains n'aiment pas que nous nous mêlions de leurs affaires internes, quoique actuellement, au regard des événements, ils ont peut-être changé d'avis.

Vous adorez vos deux petits-enfants. Quelle grand-mère êtes-vous ?
J'adore les bébés. L'avantage d'être grand-mère, c'est que l'on n'a pas besoin de les éduquer. Ce sont surtout les bons moments que nous partageons, j'aime leur présence. J'ai envie de leur apporter de I'insouciance, de la gaieté. Ils ont la grâce, cette légèreté que les adultes n'ont plus. Si je peux leur transmettre quelque chose, c'est principalement une curiosité pour les choses de la vie. Petite, j'ai eu la chance de passer des vacances à la campagne. J'aimerais qu'ils découvrent à leur tour le goût pour la nature..

Justement, vous deviez lancer un magazine, Art de vivre, qui n'a pas encore vu le jour.
Malheureusement, on va dire que les événements ont mis un grand coup d'arrêt au projet. La sortie du magazine est remise à plus tard.

Vous seriez partie prenante dans votre magazine : rédactrice en chef, pourquoi pas ?
J'aimerais beaucoup ça. Beaucoup de gens ne m'imaginent pas les mains dans la terre, et pourtant je m'occupe beaucoup de la maison, et du jardin surtout, que je cultive vraiment. J'avais I'envie d'apporter mon expérience en botanique, car je connais bien les plantes, les fleurs, les semis, les périodes de plantation, de floraison... C'était I'envie d'apporter des choses personnelles, il y a toujours de la modestie et de la présomption à vouloir faire un journal dans un domaine comme celui-là. II y a un risque, car les femmes ne sont pas fidèles, elles peuvent acheter et ne plus racheter après. Mais, c'était I'envie d'amener les gens à quelque chose de concret, avec une possibilité d'accomplir une partie, quand même, du rêve que l'on propose...

Quel livre ou quel film vous ont touchée dernièrement ?
En dehors des tournages, je suis très en prise avec la réalité... Je lis un quotidien par jour, des magazines sur la déco, les jardins. Je vais de préférence au cinéma dans les salles, car j'aime sentir I'émotion presque palpable des gens. Le dernier qui m'a beaucoup touchée, c'est "Betty Fisher", de Claude Miller. Je I'ai trouvé très dérangeant, très original. II décrit les rapports de filiation entre mère, enfants et petits-enfants. II y a quelque temps, j'ai également été très touchée par Yi Yi, un film taiwanais de Edward Yang. Mais le temps m'a manqué ces derniers mois, car j'étais en tournage pour le film de Tonie Marshall.

Vous prêtez votre image à une célèbre marque française de cosmétiques. Certains pensent que cela correspond totalement à Catherine Deneuve, d'autres disent : "elle se fourvoie, elle doit avoir besoin d'argent"...
Je n'ai jamais besoin d'argent... mais en même temps, j'ai toujours besoin d'argent. J'ai été une des premières Françaises à faire de la pub aux USA. Dans les années 80, Richard Avedon m'a beaucoup aidée à regarder la réclame sous un jour nouveau. II m'a dit : "Quand c'est très bien fait, c'est une carte de visite formidable... On vous voit partout".

Les Américains sont-ils plus modernes que nous sur ces questions d'image ?
Peut-être, mais regardez en France, beaucoup de personnalités font de la publicité, aujourd'hui. En tout cas, on m'en a souvent proposé. Mais je choisis plutôt des produits qui me plaisent. Comme au cinéma, la publicité doit faire rêver pour que les gens puissent s'identifier, il faut que la personnalité soit en adéquation avec le produit.

Ca rapporte aussi beaucoup, et en peu de temps...
Je ne vais pas dire le contraire. Je ne vois pas pourquoi je m'en serais privée, dans la mesure ou cela me procure une plus grande indépendance financière. Ainsi, je peux refuser des propositions de cinéma qui me plaisent moins.

Vous allez, pour la première fois, faire de la télévision ?
C'est un passage incontournable quand le cinéma ne se fait pas sans I'appui des chaînes de télé. Il est très possible que j'incarne le personnage fascinant de Marie Bonaparte pour la télévision. Le projet est à I'écriture. Ce qui justifie le format télévision, c'est que le film pourrait être diffusé en deux parties. Je trouve que deux heures au cinéma, c'est déjà beaucoup. Beaucoup de gens m'ont dit n'avoir vu mes films qu'à la télévision, alors pourquoi ne pas tenter I'aventure ?

La real TV, ça vous choque ?
Je ne fais pas partie des fans de "Loft Story". En même temps, cette télé a une certaine force. Ce n'est pas vraiment de la brutalité, c'est de I'intimité crue en direct. Tout voir, tout entendre, la banalité de la vie telle qu'on la connaît, ce n'est pas ce que j'ai envie de voir à la télé forcément.

Il paraît que vous avez du mal à émerger le matin, car la nuit vous êtes scotchée sur le câble...
(Rires) Ça devrait être interdit de retransmettre de bons vieux films si tard, parfois j'y suis encore à trois heures du matin ! J'aime aussi les émissions Thema sur Arte, comme celles sur le commandant Massoud, ou "Envoyé Spécial", et les documentaires du bout du monde. La nuit, j'ai du mal à couper la télévision.

Ces derniers temps, on vous a vue dans "Le petit Poucet" et dans "D'Artagnan", mais plutôt comme une "guest star". N'avez-vous pas eu de propositions qui vous inspirent vraiment ?
Si, mais ça ne s'est pas fait et je n'aime pas parler des films que je n'ai pas faits. L'année dernière, Peter Hyams m'a proposé "D'Artagnan", ça m'amusait de jouer la Reine de France dans un film de cape et d'épée. Dans "Le Petit Poucet", je jouais aussi une reine et j'aime beaucoup le clin d'œil d'Olivier Dahan à "Peau d'âne".

De très jolis rôles certes, mais trop courts pour ceux qui suivent avec passion tous vos films...
Il y a eu aussi le film de Régis Wargnier dans "Est-Ouest", un rôle marquant. Ce n'est pas une question de longueur, c'est de se demander, si ce personnage n'était pas dans le film, est-ce que I'histoire en serait modifiée ?

Vous avez éte nommée ambassadrice pour la préservation du patrimoine cinématographique. Vous pouvez nous en parler ?
J'ai été contente de pouvoir aider la cinémathèque de Bruxelles à obtenir des financements par le ministère de la Culture. Jusque-là, elle ne vivait que par les bénéfices du loto du pays. Mon rôle d'ambassadrice sera d'intervenir sur des choses ponctuelles, en France et à I'étranger.

Quels sont aujourd'hui les grands bonheurs dans votre vie ?
Ce n'est pas forcément le grand bonheur, les films ; c'est beaucoup d'angoisse. Une fois qu'ils sortent sur les écrans, on ne peut plus rien. Parfois, je suis plutôt déprimée. Les acteurs ne sont pas les auteurs, il faut accepter I'idée d'avoir une grande responsabilité et en même temps de n'avoir aucun pouvoir.

Parlez-moi de vos petits bonheurs...
Plein de choses, de petites choses, de petits signes, tous les jours. Le bonheur est très éphémère…

On sent chez vous une mélancolie, vous avez des regrets ?
Il n'y aurait pas de bonheur, s'il n'y avait pas de regrets. Si c'était à refaire, je referais sans doute le même parcours. Bien sûr, j'ai des regrets. Comment ne pas en avoir ? Mais la vie, c'est aussi ça.

L'amour, vous y croyez encore ?
C'est un peu mon fonctionnement, je ne pourrais pas vivre sans. Evidemment, j'y crois toujours. Ma vie personnelle est plus importante que le cinéma.

Dans quelques jours, une nouvelle année s'annonce. Que pouvez-vous souhaiter aux Français ?
C'est difficile comme question. Je trouve que mieux on se connaît, mieux on s'accepte, mieux on accepte les autres. Je leur souhaiterais de s'ouvrir aux autres.

Vous prônez la tolérance avant tout ?
Oui, mais pour comprendre I'autre, il faut aussi passer par la connaissance de soi, c'est douloureux parfois.


Par : Lisa Bartolucci
Photos : Eric Robert


Films associés : Huit femmes, Le petit Poucet, D'Artagnan, Au plus près du paradis



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