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On la dit froide, sophistiquée, mais Catherine Deneuve n'est rien de tout cela. C'est tout simplement une grande actrice. Aujourd'hui, elle est doublement à l'affiche aux Etats-Unis, d'une part dans "Place Vendôme" de Nicole Garcia, et d'autre part dans "Dancer in the dark" (Palme d'Or à Cannes), du réalisateur danois Lars Von Trier, aux côtés de la chanteuse-actrice Björk.

Avez-vous réellement envoyé une lettre au réalisateur Lars von Trier pour lui demander un rôle dans "Dancer in the dark" ?
Non, pas du tout. Je ne sais d'ailleurs pas d'où est née cette fausse rumeur. Je lui ai effectivement écrit après avoir vu "Breaking the Waves", lui exprimant mon admiration et l'émotion que le film m'avait procurée. Il m'a gentiment répondu en m'évoquant ce projet de film musical dont je ne savais absolument rien et m'a proposé plus tard le rôle de Kathy.

36 ans après "Les parapluies de Cherbourg", vous chantez à nouveau à l'écran. Qu'avez-vous ressenti ?
C'était merveilleux et tout aussi original qu'à l'époque du film de Jacques Demy, bien que le sujet et le style étaient cette fois très différents. La présence de Björk a certainement influencé ma décision de participer à cette aventure. A la première lecture du scénario, j'ai immédiatement su que Lars Von Trier avait écrit le personnage en pensant à elle. A l'origine, elle n'était censée que composer la musique mais je ne pouvais à aucun moment imaginer une autre comédienne dans la peau de Selma.

Vous avez un rôle très protecteur dans le film par rapport au personnage interprété par Björk, l'étiez-vous en dehors du plateau ?
Non, pas autant car Björk est quelqu'un de très responsable, qui n'a besoin de personne et qui est de surcroît très timide. Je me contentais juste de l'épauler de temps en temps puisque après tout, c'était son vrai premier grand film. Nous avons appris à nous connaître au cours des répétitions pour les numéros de danse. Je pense que cette relation hors écran a dû jouer en faveur du film.

Comment vous êtes-vous préparée au rôle, qui est loin d'être glamour ?
Me montrer à la caméra sans maquillage ne me posait aucun problème. J'ai fait entièrement confiance au directeur de la photographie, même si je savais qu'il n'y avait aucune lumière artificielle. C'était un tournage différent dans tous les sens du terme mais l'expérience était trop unique pour ne pas la tenter. Avec le recul aujourd'hui, c'était très agréable de ne pas passer par la séance de poudrage journalière. Tout était léger, les costumes, les caméras, le maquillage !

Avez-vous apprécié cette nouvelle manière de filmer en numérique ?
Oui, énormément. Cette caméra donne une aisance et des possibilités illimitées. Mais cela ne veut pas dire qu'elle peut faire des miracles entre toutes les mains. Lars von Trier est un maître en la matière car il possède la vision requise. Je ne pense pas renouveler cette expérience avec n'importe quel réalisateur. Il faudra du temps avant que chacun puisse utiliser ce nouveau système d'une manière efficace. Imaginez un peu que toutes les scènes musicales, ainsi que la scène du meurtre, ont été réalisées à l'aide de 100 caméras tournant au même moment. Un véritable casse-tête pour le monteur !

Lors de sa projection à Cannes, les critiques ont été aussi bien dithyrambiques qu'assassines. Pourquoi, selon vous, "Dancer in the dark" suscite-t-il de telles vives réactions ?
Ce film touche les esprits et engendre des sentiments d'amour et de haine mais au final, je crois que l'amour est bien plus fort que le reste. Lars von Trier est un metteur en scène très subversif. Ses fans lui vouent une admiration sans bornes tandis que ses réfractaires le trouvent irritant et agaçant. De plus, le public a réagi violemment sur le sujet de fond du film, qui tourne autour de la rédemption et du sacrifice. Sans oublier la peine de mort, qui soulève pas mal de controverses aux Etats-Unis. J'ai d'ailleurs trouvé étrange que ce dernier point ne soit pas plus évoqué au cours de mes entretiens avec des journalistes américains. Les Etats-Unis sont tout de même un des derniers pays démocrates à appliquer encore la peine de mort. Je pense enfin que certains spectateurs éprouvent des difficultés à visionner des films en traitement vidéo, technique propre à Lars Von Trier. Mais il y a bien longtemps que j'ai cessé de me poser ce genre de questions, à savoir, si le public aime ou n'aime pas. J'essaie de faire ce qu'il me plaît et je ne peux en aucun cas changer mes choix ou orienter ma carrière en fonction du public.

Aimez-vous casser votre image de star en tournant avec des réalisateurs originaux comme Jean-Pierre Mocky ou Léos Carax ?
Non, ce n'est pas mon intention, même si on essaie toujours de me classer irrémédiablement dans la catégorie femme bourgeoise, froide, sophistiquée et impénétrable. Cela fait bien longtemps que les cartes sont brouillées. Après "Les parapluies de Cherbourg", j'ai enchaîné sur "Répulsion" de Roman Polanski, ce qui était très osé à l'époque. J'aurais pu facilement me cantonner aux rôles d'héroïnes romantiques qui m'ont été proposés par dizaines. J'ai préféré prendre une autre direction.

En avez-vous parfois ressenti des regrets ?
Ah non, jamais. J'ai la chance d'avoir fait ce que je désirais. J'ai toujours été responsable de mes choix et décisions - ce qui est à la fois très paradoxal car le métier de comédien, au fond, ne se réalise que dans le désir des autres. Peu importe votre sensibilité, votre talent ou intelligence, si un réalisateur n'a pas envie de travailler avec vous, vous n'existerez pas.

Avez-vous le sentiment d'avoir évolué au même rythme que le cinéma ?
Je n'en ai aucune idée, seul le futur le dira. On ne peut pas vraiment analyser ce genre de choses sur le moment présent. Lorsque j'ai tourné "Belle de jour" ou "Les parapluies de Cherbourg", on n'a pas crié au chef-d'œuvre. Cela a pris du temps pour que ces films soient un succès et fassent partie du patrimoine cinématographique français. On ne peut jamais prédire l'avenir d'un film. Ce qui m'importe avant tout, c'est d'être en harmonie avec mon âge mental, physique, et je ne ferais aucun effort démesuré pour courir après la gloire. J'aime alterner un film d'auteur avec une comédie, en passant par un film d'époque. C'est l'essence même du métier d'acteur.

Vous tournez d'ailleurs en ce moment une version américaine de "D'Artagnan"...
Oui, cela m'amusait de jouer la reine de France dans une production américaine. J'adore les films de cape et d'épée. C'est ce que j'appelle nos "westerns européens" ! Certes, le scénario américain est très stéréotypé mais les acteurs sont formidables et je n'ai aucune responsabilité sur le projet.

En se penchant sur votre longue filmographie, y a-t-il un film que vous prenez plus de plaisir à revoir ?
Je ne revois généralement pas mes films. J'ai regardé seulement pour la deuxième fois "Belle de jour" à l'occasion de sa ressortie aux Etats-Unis l'an dernier. J'ai été agréablement surprise par l'humour qui s'en dégage, élément qui m'avait échappé à l'époque. Il faut préciser que le tournage avait été très éprouvant.

Vous êtes au générique de plus de 91 films, pensez-vous être une acharnée du travail ?
Non, pas vraiment. J'ai débuté ma carrière il y a plus de quarante ans. Faites le calcul, ce n'est pas si intense que cela paraît. De plus, il y a beaucoup de films dans lesquels je n'étais pas la vedette.


Par : K. Weinberger
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