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Ses interviews / Presse 2000-09 / Le Monde 2004 |
Repères
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L'actrice, adepte des rôles
puzzles, joue à la fois dans le nouveau film d'André Téchiné,
"Les temps qui changent", et dans celui d'Arnaud Desplechin,
"Rois et reine". Allons-y. Le plus récent s'appelle "Les temps qui changent". Il est signé André Téchiné. L'histoire d'un homme (Gérard Depardieu) qui s'entête à reconquérir celle qui fut son premier amour pour finir sa vie avec elle. Séparé d'elle, il se berce de sa voix : elle anime une émission radiophonique. Je comprends qu'en entendant la voix de quelqu'un qu'on aime, on puisse avoir l'impression de l'avoir à ses côtés. La voix a une grande puissance d'évocation, dit-elle. La sienne, particulièrement.
Débit rapide. Truffaut disait que c'était l'apanage des
gens ayant été élevés dans des familles nombreuses.
Une façon de s'imposer. Deneuve parle plutôt de son goût
pour "le rythme insensé des comédies de Hawks, l'élocution
de Katharine Hepburn ou de Judy Holliday". Dans les comédies
musicales de Jacques Demy, elle était doublée pour les scènes
chantées. Mais le premier à lui avoir demandé de
changer de voix fut André Téchiné. Dans "Ma
saison préférée", le cinéaste voulait
qu'elle ait un timbre plus grave "car le personnage est à
un âge où la voix change avant le physique, où se
perçoit un début de cassure, un ton moins tonique". C'est notre agent commun, Gérard Lebovici, qui
nous a présentés. André était encore plus
timide qu'aujourd'hui. Progressivement, est née entre nous une
amitié, comme si nous étions frère et sur.
Nous nous voyons en dehors des tournages, nous allons au cinéma
ensemble. Il m'a sans doute aidée à savoir où je
voulais aller, à prendre la direction qui me convenait, à
trouver ma vérité dans la confiance. Quand je tourne avec
lui, c'est dans une certaine exaltation. On dîne ensemble pour peaufiner
la scène du lendemain, on parle, on se rend compte qu'on n'a pas
travaillé la scène, mais qu'en bavardant de choses et d'autres,
indirectement, on a répondu à nos interrogations. André a trouvé les mots qu'il fallait.
Je n'aime pas la nudité. Ni pour moi, ni comme spectatrice. J'ai
beaucoup de mal avec ça. Je ne vois plus les acteurs, mais un homme
et une femme, et ça me perturbe par rapport aux personnages. Ou
alors il faut que ce soit très érotique, comme dans certains
films de Bergman. Ce n'est pas la première fois que je devais
jouer une femme mûre. Pour "Le dernier métro",
François Truffaut avait voulu me voir en femme aux prises avec
des responsabilités. C'est à partir de là que les
choses ont changé. Moi, j'étais toujours la même,
mais on me percevait autrement. On m'a proposé beaucoup de rôles
de ce genre, des femmes affairées, parfois dures, qui travaillaient
comme des hommes. Finalement, les acteurs, ce n'est que ça ! Pas
ce qu'ils sont, mais comment ils sont perçus par les cinéastes,
les scénaristes. Comment on les imagine ! Le grand danger, sur
une carrière, c'est d'être dans un système répétitif,
prisonnière d'une image dans laquelle, plus ou moins consciemment,
les journalistes vous enferment aussi. André m'a demandé si j'étais d'accord.
Il voulait faire des essais avec elle. Je n'avais pas à donner
mon accord. Je savais que Chiara en avait envie. Elle fait ce qu'elle
veut. Autant que ce soit avec un cinéaste dont je sais qu'il ne
peut pas maltraiter les gens. Il fait partie des metteurs en scène
qui viennent murmurer à l'oreille des acteurs, qui ignorent la
brutalité et la maladresse. Ah ! J'avoue que cela m'avait posé un petit
problème ! Quand André m'a proposé ce rôle,
j'ai été un peu saisie ! J'ai des amies homosexuelles, mais
je me sentais démunie. J'avais peur de ne pas connaître le
sujet. Et puis je me suis rendu compte que ce personnage n'était
pas une lesbienne qui avait des aventures, qu'il n'y avait pas d'attitude
particulière à adopter, que c'était une femme amoureuse,
point ! Quand j'ai présenté le film en Amérique,
beaucoup de journalistes m'ont dit : "Vous ne vous rendez pas compte
de la chance que vous avez en Europe !" Des actrices m'ont expliqué
qu'à ce niveau de notoriété il était impensable
d'endosser un rôle pareil, que c'était trop risqué
pour leur carrière. Là-bas, plus on a de succès,
plus on devient une vedette, moins on a de liberté. On est prisonnier
de son créneau, du mythe qu'on représente pour le public.
Enfin, c'était il y a quinze ans ! J'ai toujours eu besoin de sentir que je changeais,
que je bougeais, comme l'eau vive. J'aime l'insécurité.
J'ai fait des erreurs, mais je me suis toujours laissée guider
par mon désir. Très jeune, j'ai toujours fait ce que j'ai
voulu. J'ai eu la chance de travailler très vite avec de vrais
cinéastes, qui m'ont ouvert les portes en grand. La subversion
n'a jamais été un problème pour moi. Ce doit être dans ma nature. Je suis une actrice assez en retrait. Adepte des rôles puzzles,
des tiroirs à double fond ? Etait-ce osé d'incarner une alcoolique
dans Place Vendôme, de Nicole Garcia ? Quand j'ai rencontré Arnaud, c'était
pour lui dire que j'aimais énormément son cinéma,
mais que là, dans ce film, je n'avais rien à faire. Et,
en un quart d'heure, je l'ai trouvé tellement charmant, désarmant,
que je lui ai dit : "Oui, je vais le faire !" Je ne le regrette
pas. |
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