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Réveillon
intime avec Catherine Deneuve |
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Entre Noël - passé
en famille et le Nouvel An, Catherine Deneuve a reçu OH LA! dans
son appartement parisien. Un cadre de vie dont l'harmonie décorative
se nourrit de la variété culturelle. Au terme de cette année
riche en rôles et forte en engagements pour de nobles causes, elle
a tenu à livrer un message d'équilibre basé sur l'idée
de l'Autre, du respect, de la compréhension et de l'acceptation.
En substance, malgré les difficultés de la vie, il faut
tenter de conserver une ouverture d'esprit. Elle qui se dit née
avec une forte énergie vitale, même si elle avoue parfois
la gaspiller, demeure attirée par la diversité. Le baroque
de Saint Laurent, bien sûr, les cuisines française et thaïlandaise,
le shiatsu, mais aussi "l'opulence de certaines choses". Dans
son univers, encore plus en cette période festive, enfants et petits-enfants
tiennent une place de choix. Pour la gaieté qu'ils apportent et
les réminiscences qu'ils font surgir de sa propre enfance. A sa
façon, André Téchiné l'avait déjà
écrit : Catherine Deneuve a préservé intacte une
forme d'innocence. Celle qui lui permet d'être star et humaine.
Comment définiriez-vous
la décoration de votre appartement parisien ?
C'est très éclectique chez moi. C'est un peu... beaucoup
de choses mélangées, "30", japonaises... J'aime
ces différences et je ne recherche pas un équilibre au sens
pur et dur. Disons d'un style. Ce sont plutôt des coups de cur,
ramenés de voyages, achetés au gré de la vie... Je
choisis toujours. Pareil pour les objets, que j'aime. C'est vrai, je le
reconnais, c'est parfois un peu... encombré. C'est, non pas décoré,
mais habité par moi.
La décoration a toujours
été l'un de vos centres d'intérêt ?
Toujours. Très jeune. Ce qui est assez curieux, c'est que j'ai
toujours aimé les mêmes choses. Enfin... Je suis toujours
allée dans la même direction. Par exemple, chez moi il y
a une armoise chinoise qui vient de chez un grand antiquaire. Une très
belle armoire, XVIIe siècle. Lorsque je l'ai achetée, c'était
une folie pour moi. Je devais avoir 21 ans. Et c'était en plus
un meuble qui "n'allait pas" ; j'habitais alors un appartement
moderne. Mais ce fut un coup de foudre. Elle m'a toujours suivie... Oui,
dès mes 17-18 ans, la décoration a été importante.
Je me souviens, dès que j'ai eu mon premier appartement, je suis
allée acheter des fleurs - non pas à Rungis, puisqu'à
ce moment-là il y avait encore les halles à Paris - à
Baltard. Mais la décoration, pour moi, n'est pas tellement un art
de vivre... Je la qualifierais plutôt de façon de vivre.
Une façon ?
Comme j'ai toujours eu des enfants, il y a toujours eu du désordre.
En cela, c'est aussi une façon de vivre plus qu'un art de vivre.
N'aimez-vous pas une tendance
plus particulièrement ?
Mon cadre de vie est plutôt "japonisant". On pourrait
imaginer des bouquets très "ikebana". Mais pas du tout.
Je fais d'énormes bouquets dans des vases marocains... Je n'ai
aucune prétention. Je le fais vraiment pour moi et mes amis. Mais
avant tout pour moi, égoïstement je dois dire. Oui.
Jusqu'où va cet art,
cette façon de vivre ?
Il englobe beaucoup de choses. Pour la cuisine, j'aime les cuisines française,
italienne, asiatique... Je suis très attirée par de nombreux
domaines. Le shiatsu m'intéresse, par exemple. Depuis longtemps.
Il touche au corps, en profondeur, et pas seulement à la surface.
Ça m'intéresse, et surtout ça me plaît. J'en
ressens un résultat profond, assez durable. Il faut être
très disponible pour cela. Je le suis. Certains ne supportent pas
d'être touchés, ainsi approchés physiquement. Moi,
ça ne me pose aucun problème. Mais ce qui est étrange,
c'est que les personnes attirées par les "choses asiatiques"
ont en général le goût du pur, du dépouillé.
Or moi, j'aime le baroque de Saint Laurent, j'aime le shiatsu, j'aime
l'opulence - quand même - de certaines choses, j'aime la cuisine
française... Pour moi, tout cela est lié, éclectique.
C'est aussi une façon
de vous ressourcer ?
Oh, je n'aime pas ce mot... Non, c'est comme une respiration, un souffle,
un accompagnement.
Puisque nous parlons en quelque
sorte d'énergie, comment expliquez-vous celle qui vous anime ?
Mon maître shiatsu m'a expliqué que j'avais la chance d'avoir
une nature énergique. J'ai beaucoup d'énergie vitale, je
le sens bien. C'est aussi la "chance des gènes". Mais
il m'arrive, malheureusement, de la gaspiller.
André Téchiné
a parlé de vous, de votre force, en termes d'innocence...
Je l'espère. La difficulté pour un acteur est de garder
une certaine "fraîcheur". On ne l'a pas toujours. C'est
vrai que je suis consciente de ça, que j'essaîe de garder
une certaine intensité d'énergie pour les tournages. Pour
donner de l'innocence à des scènes, à des personnages.
Mais il faut accepter de laisser tomber beaucoup de choses, évidemment.
On apprend avec le temps : laisser les choses se dépouiller plutôt
que d'accumuler. Dans la vie, ce n'est pas une chose que je sais très
bien faire, me dépouiller, mais dans le travail, j'en suis consciente
et je cherche cela.
Les animaux font-ils partie
de l'art de vivre ?
Non, les chats et les chiens font partie de ma vie. Quand mes enfants
étaient jeunes, nous avions même un lapin, un hamster, un
écureuil de Corée... Enfin, pas tous en même temps
! Mais toujours les animaux étaient présents. Peut-être
parce que moi-même, j'en avais eu. Surtout des chats. Cela fait
partie des traditions... Pas des traditions, mais des souvenirs d'enfance.
C'est une prolongation de la vie à la maison, de la vie intime.
Comment allez-vous passer les
fêtes de fin d'année ?
Je vais passer ces fêtes comme beaucoup, en famille, chez moi à
la campagne. Avec mes enfants, et mes petits-enfants. J'apprécie
plus Noël que le Jour de l'An. Parce que le Jour de l'An, c'est un
peu... une obligation. Il y a un côté "II faut faire
la fête", "Il faut célébrer"... Passer
le Nouvel An, franchement, n'est pas très significatif. Sauf, peut-être,
quand on change de siècle. Je ne sais même pas ce que je
ferai le 31. Je pense que je serai avec des amis.
Noël est un moment gai
pour vous ?
Le début décembre, pour des raisons très personnelles,
est un peu plus difficile. Parce que c'est associé à des
événements plus douloureux. Mais comme mon petit-fils est
né à la fin de l'année... Il y a des gens que Noël
rend mélancoliques. Je le comprends très bien. Mais moi,
à Noël, je suis tellement affairée avec le déjeuner,
le dîner... En général, nous sommes très nombreux
dans ma famille. Cela me convient. Et puis j'adore voir les enfants qu'on
lève la nuit. Nous les réveillons à minuit pour leur
donner leurs cadeaux... C'est quelque chose que j'ai connu, que j'ai continué,
et que je continue encore. Avec les enfants plus petits, et ceux de mes
nièces, c'est évidemment plus gai. Mais c'est aussi une
façon de passer le cap, d'être occupée chez soi. Cela
permet d'être sur un pont. Pour les gens seuls, ou moins entourés,
je comprends que ce soit assez dur, mélancolique. Parce que ça
nous ramène à notre solitude - que nous devrions tous accepter.
Mais enfin... C'est plus facile de l'accepter quand on est entouré.
Cette année, encore,
vous avez été une femme engagée, ambassadrice. Pour
l'association Children of Africa, contre la peine de mort aux Etats-Unis...
Ce n'est pas la première fois. J'avais déjà fait
un commentaire pour un film d'Amnesty il y a dix ans. J'ai signé
des pétitions - hélas, sans succès - contre cette
peine aux Etats-Unis. Tout en sachant que c'est aussi symbolique ; on
ne va pas changer les choses comme cela. Mais les luttes contre la peine
de mort, la torture et pour les droits des enfants sont importantes pour
moi. Même si ce n'est pas mon "activité". Mais
quand on s'est engagé, que l'on s'aperçoit dix, quinze ans
après, que la torture, la peine de mort existent toujours, on prend
ces causes plus à cur. On comprend que c'est difficile, laborieux,
et que des gens leur ont dédié leur vie entière.
Sans résultat. Ou à petits pas. Il faut être courageux
et modeste dans ces aventures-là.
Quel message, ou quels vux,
aimeriez-vous transmettre à nos lecteurs ?
Mon message est de dire et de souhaiter à tous de vivre. De s'ouvrir
et de vivre. De s'ouvrir aux autres. La période actuelle n'est
pas un très bon moment, nous vivons dans de grandes villes, où
l'impatience et la nervosité sont présentes... La vie est
difficile. Alors il faut demeurer réceptif, apprendre aux enfants
à vivre ensemble, en société. Je ne parle pas de
règles au sens formel, de politesse, de bienséance... Je
pense plus à l'idée de l'Autre, du respect, de la compréhension
et de l'acceptation.
C'est un message d'équilibre
?
Oui, mon message n'est pas de désespoir, ni d'espoir béat.
Je pense qu'il ne peut y avoir que des moments de bonheur. Bonheur est
un mot que je trouve un peu effrayant. Mais de là à vivre
caché pour être heureux... Où est la vie, comme ça,
enfermé dans son bonheur à deux ? Non, ce n'est pas l'idée
que je me fais de la vie.
Le menu thaï proposé par Catherine Deneuve
Avouant adorer le curry rouge de
poulet et le riz au lait de coco avec des mangues fraîches - "Un
de mes desserts préférés" -, Catherine Deneuve
nous livre son menu. Pour un réveillon intime, une petite table
pour quatre : "Cailles rôties aux épices, émincé
de choux compotes / Salade mesclun au tourteau frais / Crevettes sautées
au basilic / Brochettes de poulet et crevettes, sauce satay / Rougets
entiers grillés, sauce au gingembre / Curry d'agneau Massamam /
Mangue thaï, sticky rice au lait de coco / Riz sauté nature".
Elle nous explique sa préférence pour
la cuisine thaïlandaise.
Je sais que c'est très "tendance"
- comme l'on dit aujourd'hui -, mais j'ai toujours aimé la cuisine
asiatique. Parce qu'elle est très parfumée, très
légère. Ici, c'est un restaurant vraiment exceptionnel.
Je connaissais la cuisinière, Thiou, quand elle était aux
Bains ; un de mes amis tenait le restaurant. J'allais très souvent
chez eux, "là-haut". [En riant] Pas pour aller en boîte,
mais pour dîner. J'ai donc fait un choix avec Thiou. Nous avons
discuté et décidé des plats.

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Réveillon intime avec Catherine
Deneuve

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Par : Thierry Mattei
Photos :
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Film associé
: Aucun




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