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Il y a dix ans, avec Clint Eastwood, elle donnait la Palme
d'Or à Quentin Tarantino. Cette année, il préside
le jury de Cannes. L'occasion pour elle de nous confier le carnet inédit
qu'elle a tenu pendant le festival 1994. Et de revenir sur certains souvenirs
abordés dans "A l'ombre de moi-même", le livre
intime qu'elle vient de publier chez Stock.
Cannes 1994, le jury dont vous
étiez la vice-présidente donnait la Palme d'or à
"Pulp Fiction"...
Oui, et ça a été un véritable tollé
dans la salle ! Des cris, des hurlements... Un mini-scandale. On attribuait
la Palme d'or à ce film très violent, mais, en même
temps, un film d'auteur. Je n'aime pas la violence au cinéma, en
général, mais dans les films de Tarantino, c'est une violence
qui dénonce justement une certaine violence. Dix ans après,
on parle de "Pulp Fiction" comme d'un chef-d'uvre...
Ce sont souvent les films français
qui sont maltraités à Cannes.
Oui, c'est un festival très "américain" et les
films français y sont traités avec plus de dureté
que les films étrangers.
Des souvenirs douloureux ?...
Ah oui ! Avec André Téchiné ["Le lieu du crime",
"Ma saison préférée", "Les voleurs"].
Après, ces films ont décollé, mais ce sont des épreuves.
Dans "A l'ombre de moi-même",
vous évoquez de façon émouvante votre premier Festival
avec "Les parapluies de Cherbourg". Vous aviez 20 ans.
J'ai été un peu "amputée" du plaisir parce
que le film magnifique de Truffaut "La peau douce" [avec Françoise
Dorléac] était aussi en compétition et qu'il n'a
pas été apprécié. C'est un très grand
film pourtant. Ce n'est pas qu'il n'a pas plu, c'était pire...
c'était comme une histoire de famille et ça a un peu gâché
le bonheur que j'avais avec "Les parapluies... ".
Cannes, ça vous a fait
rêver ?...
Le cinéma me fait rêver mais aller à Cannes, non,
ça ne me fait pas rêver ! Le cinéma, c'est une chose
avec quoi je vis, mais les festivals, les récompenses, les honneurs,
franchement, ce n'est pas du tout mon truc ! Déjà, quand
j'étais enfant, le cinéma n'était pas un mythe. J'y
suis allée très jeune parce que mes parents étaient
eux-mêmes acteurs, mais je ne mythifiais pas les acteurs. Une des
raisons de ma participation à ce jury, c'est que je tenais beaucoup
à rencontrer Clint Eastwood qui cherchait une actrice pour "Sur
la route de Madison". Il n'avait pas encore fait son choix. J'aurais
bien aimé faire ce film et j'ai pensé pouvoir en parler
avec lui.
Dans vos carnets, vous montrez
un côté "petit soldat" toujours sur la brèche.
Vous notez que la paie des figurants vietnamiens est détournée...
Vous réconfortez Wargnier ou Lars von Trier quand Bjôrk fait
un caprice...
C'est mon côté Balance ! J'essaie, quand j'en ai le pouvoir,
de remettre un peu de justice, enfin, d'égalité ! Je ne
reste pas dans ma loge, fermée, tendue, etc. Je suis curieuse,
donc je veux essayer de comprendre. Je suis assez pessimiste, et je lutte
contre. S'il ne tenait qu'à moi, je coulerais au fond. Peut-être
que devoir protéger quelqu'un m'enlève ma propre angoisse
! Quand des événements se produisent sur un tournage, c'est
une sorte de déflagration. Mais, même si je suis restée
timide, il y a des moments où je suis assez "rentre dedans"
!
Vous écrivez ces carnets
de tournage parce que vous êtes à l'étranger, à
cause d'un manque affectif, d'une tristesse. Ça commence en 1968
sur "Folies d'avril", votre premier film américain.
C'était une période de ma vie très difficile, où
j'essayais de surnager sur le plan affectif. Je n'ai pas vraiment sombré,
mais c'était après Mai 68 et j'avais déjà
été très secouée. J'étais une jeune
femme seule avec un petit garçon très jeune, que j'adorais,
j'avais perdu ma sur un an avant. Mon agent m'avait prévenue
qu'on ne savait pas ce qui allait se passer en France. J'avais 24 ans...
Quand vous revenez à
Paris, "dîner émouvant", notez-vous, pour fêter
vos 25 ans, "l'âge de Françoise, ma petite sur
adorée". Et dans "Indochine", vingt-trois ans plus
tard, vous êtes devant un cercueil...
Ce n'était pas un cercueil. C'était pire que ça :
c'était un cercueil plombé...
...Vous écrivez : "J'ai
craqué, j'ai du mal à être émue pour le gros
plan..."
Oui, je me suis effondrée. C'était l'anniversaire de la
mort de Françoise et surtout c'était la deuxième
fois que je me trouvais devant un cercueil plombé. Ma sur
était morte dans un accident très violent... En vérité,
quand on a tourné cette scène, je ne m'attendais pas à
ça... et je me suis retrouvée devant une émotion
que j'ai été incapable de gérer. Ce n'était
pas une froideur, mais une espèce de sidération, une impossibilité...
Je me sentais étouffer. Cela m'a tellement gênée de
me retrouver dans une situation trop personnelle. Je ne voulais pas me
laisser envahir par ça parce que ça me dégoûte...
Quand je suis arrivée sur le plateau, j'ai eu un vrai choc. Je
ne veux pas que les douleurs personnelles viennent s'imprimer à
l'écran. On se sert toujours de ce qu'on a vécu inconsciemment
mais je ne veux pas voir de transcription directe d'une chose personnelle
à une chose professionnelle. Pour moi, un acteur doit pouvoir reconstruire
et inventer, ne pas se laisser submerger par l'émotion. Par moments,
la froideur, c'est une façon de se ressaisir pour ne pas laisser
les événements prendre le dessus. C'est psychologiquement
très dangereux pour un acteur : ensuite il peut le réutiliser.
Il faut pouvoir se mettre dans la situation sans passer par cette case
départ de la chose vécue... De toute façon, par rapport
à cette scène, on ne peut pas pleurer devant le cercueil
d'un homme qu'on a aimé, on est au-delà des larmes.
Vous dites que votre sur
vous a manqué, en tant que sur mais aussi en tant qu'actrice,
et vous avez retrouvé cette complicité avec votre fille,
Chiara. Vous n'avez pas d'amie actrice ?...
Je n'ai pas d'amie actrice parce que nous sommes tous des mercenaires,
en partance. Les acteurs ne sont pas disponibles. Je suis amie avec certains
d'entre eux mais je ne les fréquente pas vraiment, ce n'est pas
possible. J'ai retrouvé avec ma fille, qui est très cinéphile,
une intimité, une possibilité de parler du cinéma
identique à celle que j'ai connue avec ma sur. J'adore Fanny
Ardant et quand je la vois, rarement, je partage avec elle des émotions
de façon tacite, sans avoir besoin de parler. Avec mon fils, Christian,
c'est différent, il adore le théâtre et puis c'est
un homme ! J'ai des rapports différents avec Daniel Auteuil depuis
que j'ai joué le rôle de sa sur [dans "Ma saison
préférée"]. Le fait qu'il ait été
mon frère a créé entre nous un lien, il n'y avait
pas de possibilité de dérapage vers autre chose. On a gardé
une relation assez fraternelle.
A propos de ces carnets, vous
vous débarrassez de la nostalgie... Au fond, on a l'impression
que vous nous rendez mélancoliques à votre place !
Non, pourquoi ? C'est mélancolique aussi pour moi ! Il a bien fallu
que je débroussaille, mais je n'ai pas réécrit du
tout, c'est pour cela que c'est parfois un peu abrupt, déconcertant
et frustrant... parce qu'on n'y retrouve pas certains metteurs en scène
et que je n'y raconte pas des passages de ma vie privée. Moi, je
fais pire que ça : je parle de ma vie intime. On est au cur
de moi-même, au cur de mon cinéma à moi. Simplement,
je donne à partager la chose la plus personnelle que je puisse
partager avec des gens que je ne connais pas. Je ne pourrai jamais publier
mes Mémoires parce que je n'arriverai jamais à transposer.
Je ne suis pas un écrivain, ce sera toujours trop personnel.
"La force du mot écrit
est terrible..." dites-vous. Ce "poids" des mots, il vient
de votre enfance ?
Oui. Avec mon père, c'était un mot et pas un autre. Et je
suis d'accord. Il faut faire attention aux mots employés. J'ai
parlé assez sévèrement de certaines personnes dans
mes Carnets, mais c'étaient des confidences que je me destinais.
Cela n'empêche pas que j'ai de l'admiration pour Buñuel ou
pour Björk, pour ce qu'ils sont et font, mais quand on travaille
avec eux, on en bave ! Le cinéma, c'est une souffrance. Je souffre
quand je tourne ! Parce que je suis exigeante...
Vous n'avez jamais eu envie
de passer de l'autre côté de la caméra ?
Je m'intéresse à tout sur un plateau, mais je ne serais
pas capable de diriger ! On construit un tableau : le metteur en scène
peint et moi je fais en sorte que tous les accessoires soient bien disposés.
Mais ce n'est pas moi qui peins, c'est lui. Le metteur en scène
est toujours appelé à faire des choix et à décider.
Ce que j'aime, c'est pouvoir aider à la décision, mais je
ne supporterais pas de devoir choisir. C'est un poids incroyable. Il y
a des gens qui sont très possessifs et pour lesquels décider,
c'est jouissif. Pour moi, ce serait un déchirement !... Non, je
suis une interprète ! Je suis le violon mais pas la violoniste...
Je devrais dire la contrebasse, d'ailleurs, parce que je la préfère
!... Un jour, on m'a demandé pourquoi j'aimais cet instrument et
j'ai répondu : "Parce qu'on est entre les jambes de quelqu'un".
J'ai joué le rôle d'une contrebassiste dans un film de Lelouch
et ça avait été une sensation incroyable. Tenir une
contrebasse entre ses jambes, c'est vraiment physique, on l'entoure, on
la prend à bras-le-corps...
A propos de "Princesse
Marie", vous parliez de la virilité du personnage...
...Là, c'est mon côté féminin ! Etre prise
à bras-le-corps...
Et votre côté viril c'est d'assumer un
certain nombre de choses ?
C'est ce que Gérard Depardieu disait quand il notait que "j'étais
l'homme qu'il aurait voulu être". Il parlait de ma virilité.
Lui est un homme très viril mais c'est un acteur très féminin.
Vous seriez une actrice...
... virile ! Féminine, mais assez virile.
Quand vous partez aux Etats-Unis,
en 1968, vous dites que ça vous gêne d'y être attendue
comme une beauté...
C'est l'impression d'être dans une situation d'usurpation... J'étais
dans un état psychique tellement fragile, on me demandait d'être
une très jolie femme dans l'histoire, et, à ce moment de
ma vie, où j'étais en difficulté, ce n'est pas ça
qu'il m'aurait fallu !
Et aujourd'hui, comment voyez-vous
cette beauté ?
[Elle rit]. Je n'ai plus l'âge que j'avais... et puis la beauté
à 60 ans, c'est différent. Heureusement, la vie n'est pas
trop injuste et il y a plein de choses qui vous aident à supporter...
Je suis plus solide sur mes bases que je ne l'étais à l'époque.
Franchement, je ne me suis jamais trouvée "belle femme",
je me suis trouvée jolie, par moments, mais je suis très
critique et je ne me dis jamais "Ah, ce que je suis belle !"...
Je me dis plutôt que je suis en forme !
... Et les metteurs en scène
?
Mais les metteurs en scène n'aiment pas les actrices pour leur
beauté ! Heureusement ! Ils aiment les acteurs et les actrices
pour leur talent, ce qu'ils dégagent et pas forcément pour
ce qu'ils sont. On peut être quelqu'un de très méchant,
j'imagine, et être très émouvant ; on peut être
bête et être un très bon acteur, être mesquin
et très bien jouer... Il est vrai que, quand on a 25 ans et que
sans arrêt on met en avant votre beauté, votre physique,
c'est très lourd à supporter...
C'est pour cela que, sitôt
rentrée à Paris, vous allez voir Jane Fonda qui vient d'avoir
une fille de Vadim. "Même clinique, même chambre, même
accouchement, même bébé, même père..."
écrivez-vous.
Oui, c'était quelque chose de la vie, au sens le plus primitif,
ça me ramenait à ce qui m'intéressait vraiment, même
si c'était difficile et douloureux. C'était très
important.
Ce que vous notez à propos
de votre fils, Christian [Vadim], qui a alors 5 ans, est très juste.
On a l'impression que vous avez été mère toute votre
vie...
J'ai voulu être mère très jeune. J'ai voulu être
mère avant même d'être mère ! Reconstruire une
famille à travers la maternité. Je suis d'une famille nombreuse
et j ai eu envie, très jeune, de reproduire ce schéma: un
enfant d'un homme qu'on aime. J'en avais besoin pour m'équilibrer,
me rassurer, me réconforter...
En même temps, vous écrivez
que vous avez besoin d'incertitude...
C'est vrai ! Parce que si les choses sont trop installées, ça
me fait fuir... Je ne sais pas pourquoi ! J'ai besoin d'un contrat journalier
: c'est comme ça aujourd'hui, ça ne veut pas dire que ce
sera comme ça demain. Ça m'inquiète et en même
temps j'ai besoin de ça. Ne pas faire trop de concessions : j'ai
besoin d'être avec quelqu'un mais que le contrat soit renouvelé
quotidiennement, que rien ne soit définitif... Et si cela ne va
pas qu'on puisse arrêter. J'ai plus de convictions que d'assurance.
Que pense Chiara de ces carnets
?
Elle a été très troublée. Elle n'était
pas née bien sûr quand j'ai commencé. Ça l'a
beaucoup touchée, beaucoup émue. La solitude, ça
l'a frappée. Ma mère aussi. Christian ne les a pas encore
lus. Chiara, la première, m'a dit : "Mais quelle solitude
!..." Ça l'a attristée de voir que cela avait été
si difficile. Elle n'a pas tourné beaucoup à l'étranger.
C'est une chose qui l'angoisse de partir... C'est abandonner sa vie, ses
enfants... Elle m'a questionnée sur la façon dont je m'organisais
: l'école, Christian, elle-même...
Cette solitude vous plaît
en même temps ?
Je suis née dans une famille nombreuse, ce que j'ai toujours aimé,
mais, en même temps, j'en ai souffert aussi parce que pour garder
quelque chose de secret - et j'ai le goût du secret - c'est difficile.
Nous étions quatre filles et quand il y a cette promiscuité
physique dans un appartement, c'est difficile de garder quelque chose
pour soi ! La solitude, oui, c'est un plaisir et une souffrance. [Elle
rit].
Inédit : mon carnet de Cannes
1994. Extraits.
Cannes, dimanche. Première réunion. Grand
bureau un peu triste. Clint Eastwood me donne la parole en premier, je
prends mon courage à deux mains, mais je me sens rougir !
Je préside cette immense table avec Clint, il
faut que je mette des lunettes pour le voir ! Dîner délicieux.
Détour au Majestic pour embrasser Gérard Depardieu et Roman
Polanski, tous en smoking, je me sens un peu mal à l'aise par le
regard des tables et le manque de décontraction que je sens, c'est
normal, mais ça aussi, à éviter, les lieux publics
après projection officielle.
Gérard a minci, il est colossal dans le film
["Une pure formalité", de Giuseppe Tornatore], mais ce
poids énorme est émouvant, la première scène
de sa nudité blanche, sous la douche, est assez choquante, pas
gênante. Gros baigneur aux cheveux tailladés. Ce poids le
sert, on a peur qu'il n'implose, qu'il fasse mal aux autres quand il se
met en colère, qu'il se blesse. C'est assez impressionnant, suicidaire.
Le chargement du "Salaire de la peur" à lui tout seul.
Et puis toujours sa voix, magnifique, musicale.
Lundi. "Rouge" [de Krzysztof Kieslowski],
très beau, grave, un peu lent, Jean-Louis Trintignant magnifique.
Très émouvant.
Dîner au Moulin de Vergé, donné
par Cerruti en l'honneur de Clint. J'ai pu aborder brièvement,
légèrement j'espère, "Sur la route de Madison"
car j'étais à côté de lui, la table suffisamment
grande et le dîner suffisamment long pour avoir des apartés.
Jeanne Moreau belle, intelligente, subtile. Retour trop tard. "Vivre
! " [de Zhang Yimou], magnifique saga. Un vrai souffle.
" Chacun a sa propre raison d'avoir tort. Ainsi
sommes-nous dispensés de juger et, ainsi, plus libres d'aimer ".
Konchalovsky.
Mercredi. Je décide de voir " Grosse fatigue
" à 8h30. Projection joyeuse (les acteurs, une comédie,
Cannes, le festival, tout ce qui faut pour chahuter en toute impunité),
la rumeur est bonne, je suis curieuse. Un très bon début,
Carole Bouquet superbe et drôle.
Déjeuner sur le "Don Juan". Un jury
assez homogène. Pas encore de grand frisson ou même de grande
surprise. Sept prix à donner, pour vingt-trois films, les coupes
seront sévères !
Jeudi. Je rencontre l'équipe des Guignols, avec
laquelle j'ai fait un mini-gag pour " Nulle part ailleurs ".
Hier matin, j'avais reçu des fleurs superbes : "Vous avez
sûrement un four à micro-ondes, on a préféré
les fleurs ". Le matin, 10 heures, petit déjeuner, je trébuche
dans l'entrée, énorme paquet : les Guignols, je devine,
oui, un four à micro-ondes !
Pas encore de coup de foudre, mais une vraie tendresse
pour Nanni Moretti ["Journal intime"]. Plus que quatre films.
Samedi. Je verrai le Tarantino ce soir. " Soleil
trompeur ", de Mikhalkov. Très beau film, très tchékhovien.
Réunion du jury en fin d'après-midi. Nous sommes à
peu près d'accord, sauf pour le Moretti que moi j'adore peut-être
plus que les autres, ainsi que le Mikhalkov. Le Tarantino de ce soir devrait
faire l'unanimité. Une salle acquise d'avance. Des personnages
plus jetés qu'on ne pouvait l'imaginer. Violent, drôle, superbe
mise en scène.
Ce matin, nous allons, avec Isabelle et Jean-Yves,
chez Haagen-Dazs, tant pis. Consommer une Vittel à Port Canto,
tristesse. J'en ai assez ; demain, je vais vérifier que ce n'est
pas ma place, il va falloir choisir, juger. J'avais réussi à
ne pas y penser le temps du Festival. Il faut dormir.
Téchiné, 5e. Et Depardieu,
6e
André Téchiné comme Benoît
Jacquot font partie de ces metteurs en scène qui creusent toujours
plus leur propre sillon. Je vais tourner à Tanger mon cinquième
film avec Téchiné. Je suis très craintive, très
tendue, parce que je le connais bien, je l'aime beaucoup mais en même
temps je me dis : "Est-ce que je vais pouvoir le surprendre ?"
"Est-ce la dernière fois ?" Le titre, "Les temps
qui changent", me plaît. L'idée, c'est que tout change
et rien ne change en réalité. On est toujours la même
personne que celle qu'on était à 20 ans. On reste toujours
au cur de ce que l'on est
C'est un couple - un Marocain, une
Française - dans la deuxième partie de leur vie où
ils se posent la question de rester ensemble ou de se quitter. Arrive
un homme qu'elle a connu trente ans auparavant et dans sa tête,
c'est décidé : il est là pour la reconquérir.
Je joue avec Gérard Depardieu et Gilbert Melki. Cela fait longtemps
que je n'ai pas tourné avec Gérard. Il est terrible dans
la vie mais c'est un partenaire formidable ! Un acteur prodigieux. Il
a cette voix magique, "habitée", pas seulement séduisante
: on sent que c'est un homme de mots. C'est bizarre qu'il soit tellement
dans l'action maintenant !

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