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Catherine Deneuve l'anarchiste

Les nymphettes et les femmes fatales, les amantes romantiques et les aventurières, elle a tout joué. Toujours avec le même naturel, le même talent, la même classe. Enfant de la balle, Catherine Deneuve était à peine adolescente quand elle a débuté devant les caméras. Une centaine de films plus tard, dont bon nombre de chefs-d'œuvres signés Demy, Buñuel, Truffaut, Ferreri ou Aldrich, elle est partout saluée comme une des plus grandes stars du monde. Suprême consécration, elle présidera, du 30 août au 9 septembre, le jury de la 63ème Mostra de Venise. Pourtant, cette actrice pas comme les autres continue de faire passer la vraie vie avant le cinéma. Loin de l'image lisse et convenue qu'on a trop souvent d'elle, la rebelle au corps de rêve ouvre son cœur à Paris Match. " Je fais ce que je fais, dit-elle, parce que je crois que j'ai raison de le faire ".

Un trench en soie beige ceinturé, bijoutée, maquillée, elle cherche fébrilement dans son sac ses cigarettes et ce briquet qu'elle ne trouve jamais. "Ne regardez pas mes mains, elles sont dans un état épouvantable: j'ai fait du jardinage tout le week-end ! Je suis restée deux heures sans boire et sans fumer. Avec tous ces photographes autour, je n'osais pas sortir les mains de mes poches. On n'a pas idée de prévoir une soirée un dimanche !".

Ce qui frappe chez Catherine, c'est d'abord son regard. Un regard qui ne juge pas, un regard qui vous dit : "On y va !" Et puis ses mains. Pas des mains de star manucurées, non, des mains d'enfant, petites et impatientes, toujours en mouvement, des mains griffées par les ronces et le temps, avec des bleus, des mains qui fouillent la terre, qui vivent... Toute l'histoire de sa vie est inscrite sur ses mains.

Faire un portrait de Catherine Deneuve, c'est comme essayer de retenir une poignée d'eau, la lumière ou le vent. Elle ne laisse voir d'elle que ce qu'elle veut. Et pourtant... On dit toujours qu'elle ne révèle jamais rien de personnel, mais ses engagements contre la peine de mort, les mines anti-personnel, pour sauver des prisonniers politiques qui croupissent dans les prisons parlent à sa place. "J'ai toujours accepté de m'engager pour des causes, jamais pour des personnalités politiques. Les hommes politiques ne m'impressionnent pas. De toute façon, ils n'écoutent jamais les questions qu'on leur pose, ils n'écoutent que leurs réponses !". "Qui j'admire ? Des êtres hors du commun, qui font des choses. Nelson Mandela, Peter Benenson, le fondateur d'Amnesty International". Tout ce qui se passe dans le monde l'intéresse. Cuba, Israël, le Moyen-Orient... "Je me suis toujours sentie très concernée par la vie des autres, je ne vis pas, comme on le croit, dans ma tour d'ivoire". Elle refuse les règles de la société et ne concède à personne le droit de la juger. "Je fais ce que je fais parce que je crois que j'ai raison de le faire. Il y a bien longtemps que je ne lis plus ce qu'on écrit sur moi. J'accepte d'être critiquée et jugée dans mon travail, pas dans ma vie".

C'est une anarchiste. Tout ce qui risquerait de la figer lui fait peur, elle n'a accepté qu'une médaille dont elle est très fière : l'ordre du Mérite agricole. "Pas pour moi, mais pour les fleurs de mon jardin !". Si elle n'était pas comédienne, elle serait horticultrice. Elle parle aux arbres et connaît en latin le nom de chaque fleur. Aux actrices un peu agacées qui s'étonnent toujours de sa longévite, il n'y a qu'une réponse : elle ose ! Si elle a survécu à toutes les modes ce n'est pas un hasard. Intelligente, intuitive, imprévisible par crainte de l'enfermement, elle a passé sa vie à se remettre en question. "J'ai besoin de surprendre et d'être surprise, sinon je m'ennuie". Toujours à l'écoute de nouveaux talents, il lui arrive de refuser des premiers rôles " trop évidents ". Elle n'a jamais eu peur de prendre des risques, ou, si elle a peur, elle ne le dit pas. Vous ne l'entendrez jamais parler de ce qu'elle fait et encore moins d'elle-même. "Je passe tellement de temps, dans mon métier, à me raconter qu'il arrive un moment où je n'ai même plus envie d'entendre le son de ma voix ! ".

Catherine n'aime que la liberté et la vérité. On peut tout lui dire, mais pas n'importe quand et pas n'importe comment. Gourmande, elle sait que la vie est trop courte et trop froide pour y renoncer et la savoure avec volupté. Ce qui la fait avancer ? Le désir et la curiosité. Si tout est trop installé, elle fuit. Elle aime rire, danser, faire la fête, les gaufres à la chantilly et la glace au nougat. Plus déjantée qu'on ne le croit, elle est à des millions d'années-lumière de l'image amidonnée qu'on a d'elle. Quand on l'appelle "la grande dame du cinéma français", elle frémit : "J'ai l'impression de passer de l'autre côté de la barrière et qu'on va m'embaumer. Ce côté pompeux, figé, c'est tellement loin de moi ! J'ai passé ma vie à expliquer que je ne suis pas celle que l'on croit... ça ne sert à rien !". Elle a l'air très raisonnable comme ça mais elle ne l'est pas. Plus une "femme amoureuse" qu'une "femme de tête", comme elle se décrit elle-même, elle a toujours fait passer ses amours et sa vie - qu'elle protège jalousement- avant ses intérêts. "Si je suis sage en paroles, je ne le suis pas toujours dans les actes. En amour, rien ne me paraît impossible".

Catherine, qui dépense sans compter, qui se fout du lendemain. Catherine, toujours en mouvement, est une rêveuse qui court après le temps : NewYork, LosAngeles, Moscou, Bali, Shanghai... Sa vie est un long voyage. Sans fard, ruisselante sous l'orage à Times Square, au milieu de la foule à la recherche d'un taxi, et cette vieille Américaine toute retournée qui se précipite sur elle : "Vous êtes Catherine Deneuve, n'est-ce pas ? Vous savez que vous êtes une légende !". Est-ce qu'elle le sait ? Croulant sous la chaleur et les tapis au grand bazar d'Istanbul, en buvant un thé à la menthe seule, la nuit, place Djenaa el-Fna à Marrakech, au milieu des vendeurs de quatre vents et des charmeurs de serpents. Aux puces de Broadway, essayant de vieux manteaux de fourrure devant le regard médusé des passants...A Paris, elle bourre ses journées de rendez-vous dans l'espoir d'avoir une demi-journée où elle pourrait enfin faire ce qu'elle veut...et elle n'y arrive jamais. C'est dans sa magnifique demeure de l'Eure aux volets gris-bleu, où les bouleaux argent qui longent la rivière plient doucement dans le vent, qu'elle vient se ressourcer. Elle passe le plus clair de ses journées dans sa serre à faire des plantations, à mettre en terre des petits bâtonnets dans des pots avec des noms bizarres et à tailler ses rosiers. Puis, dans le grand salon en boiseries baigné d'une lumière dorée, persiennes baissées, dans ce salon où tout n'est que beauté, au milieu de bouquets de roses anciennes, elle se repose et se met à rêver. Elle vit la nuit, elle a besoin de longues plages de silence, mais même dans les grands espaces elle peut suffoquer.

Catherine, aujourd'hui plus légère, plus gaie aussi qu'elle ne l'a jamais été, comme si elle vivait sa vie à l'envers. Par orgueil sans doute, elle n'a jamais caché son âge. "C'est la peur du flagrant délit, comme elle me l'a dit un jour, qui me fait dire la vérité ! Je suis consciente d'avoir déjà vécu la plus grande partie de ma vie. Finalement, c'est beaucoup plus facile de vieillir dans la vie qu'au cinéma. Hier, je me disais que si je m'arrêtais de tourner j'arrêterais de respirer. Aujourd'hui, je me dis que si un film m'échappe c'est qu'il n'était pas pour moi ! J'ai l'impression de vivre une adolescence tardive, je me sens plus libre, plus audacieuse qu'à 20 ans". Elle a appris à s'abandonner. "J'ai enfin compris qu'on ne pouvait pas tout contrôler. Quand j'étais jeune, une fois le tournage terminé, je n'avais envie que d'une chose : être chez moi avec mes enfants. Maintenant, je suis partante pour toutes les aventures". A-t-elle des certitudes ? " Oui, je suis sûre d'aimer et d'être aimée, c'est déjà pas mal !". [Elle sourit]. Catherine si fragile parfois, qui a encore plus peur d'être devinée que regardée.


Par : Dany Jucaud
Photos : Ruven Afanador


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