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Quand Catherine devient Marie |
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Comment avez-vous entendu parler
du projet ? Qu'est-ce qui vous a donné envie d'y participer ?
C'est Louis Gardel qui a initié le projet et j'ai été,
dès le départ, très liée à son développement.
J'ai toujours dit que j'étais intéressée par un projet
qui se prête vraiment à la télévision, et qui
ne pourrait pas se faire au cinéma, en raison de son sujet ou de
sa longueur. Quand Louis Gardel m'a parlé de Marie Bonaparte, il
y a deux ans, j'ai tout de suite eu envie d'y participer.
Connaissiez-vous le personnage
de Marie Bonaparte ? Avez-vous mené un travail de recherche et
de documentation ?
J'ai lu beaucoup de choses sur le personnage, même si au moment
du tournage, il faut arriver à oublier ce qu'on a lu. En même
temps, c'est un personnage tellement concret, tellement ancré à
la fois dans la réflexion et l'action, que je n'ai pas eu trop
de mal à me la représenter.
Qu'est-ce qui vous intéressait
le plus chez ce personnage ?
Ce n'est pas un personnage qui m'attirait a priori, mais je connaissais
son histoire et je trouvais que c'était un sujet vraiment intéressant
pour la télévision : il me semblait que la psychanalyse
était un sujet plus difficilement envisageable pour le cinéma.
En plus, comme il s'agissait de télévision, on pouvait se
permettre d'avoir une durée de trois heures. Ce qui m'intéressait
surtout chez ce personnage, c'est qu'elle savait tout à la fois
tenir son rang d'altesse royale et s'en servir pour obtenir des privilèges,
et qu'en même temps elle revendiquait sa liberté de penser,
sa curiosité sur elle-même. C'est un personnage ambivalent,
complexe, d'une très grande richesse dramatique.
Avez-vous été
décontenancée par la liberté de parole de cette femme
?
Pas du tout. Je savais que c'était une femme au franc-parler incroyable.
Nous avions même imaginé des scènes aux dialogues
plus crûs : elle s'intéressait en effet à l'Afrique
et au drame de l'excision. Je suis très heureuse que le film s'ouvre
sur une scène très crue, très médicale, parce
que c'est à l'origine de toute sa quête et de sa difficulté
à vivre comme une femme "phallique".
Elle fait aussi preuve d'un
certain snobisme quand elle s'oppose au mariage de son fils avec une femme
de condition modeste.
Je ne crois pas que ce soit la raison : elle adore son fils et comprend
qu'il s'apprête à épouser une femme divorcée
et plus âgée que lui... Malgré sa liberté de
penser, elle estime qu'en tant que Bonaparte, il faut tenir son rang.
Et puis, pour une mère, qu'elle soit Bonaparte ou pas, un fils
qui se marie est toujours un déchirement. La belle-fille ne sera
jamais la belle-fille idéale, et il n'y a pas de belle-mère
idéale non plus pour un gendre.
Louis Gardel avait déjà
écrit deux rôles pour vous, pour "Fort Saganne"
et "Indochine".
Oui. J'ai retrouvé le sérieux de Louis Gardel, sa justesse,
son exigence. Il n'hésite pas à tout écrire, quitte
à couper après. Il a mené un formidable travail d'écriture
et de recherche pour l'ensemble des personnages.
Les costumes créés
par Catherine Leterrier jouent un vrai rôle dans la manière
de caractériser votre personnage. Pouvez-vous m'en dire un mot
?
Catherine Leterrier est l'une des costumières de cinéma
les plus douées que je connaisse. J'avais déjà travaillé
avec elle sur "Le sauvage", et j'ai cherché à
collaborer de nouveau avec elle. Je n'ai jamais renoncé, même
si elle est très souvent occupée. J'étais donc très
heureuse qu'elle puisse travailler sur ce film. Ça ne lui faisait
pas peur, ce qui est capital car je crois que je n'ai jamais porté
autant de costumes différents dans un film et que tout était
à fabriquer ! Elle était consciente du fait que lorsqu'on
change souvent de costumes, on risque de tuer l'émotion et la réalité
d'un personnage. Elle s'est donc beaucoup attachée à travailler
avec des matériaux anciens qu'elle a fait retravailler pour moi.
Elle a cherché des tissus qui n'existent plus aujourd'hui, des
matières très souples, très molles, qui ne font ni
neuves, ni reconstitution. On a pu passer beaucoup de temps à essayer
et réessayer les différents costumes. C'est très
important, surtout pour un film d'époque, d'avoir l'impression
que la silhouette se dessine.
Dans quel état d'esprit
étiez-vous à l'idée de retrouver Heinz Bennent, 23
ans après "Le dernier métro" ?
J'étais très heureuse, même si lui était très
anxieux et hésitait à faire le film au dernier moment. Pourtant,
quand on s'est retrouvés, c'est comme si on avait fini "Le
dernier métro" six mois plus tôt. Nous avons eu une
simplicité de rapports, une estime réciproque, qui a beaucoup
facilité les choses.
C'est vous qui avez imposé
Benoît Jacquot comme metteur en scène. Pourquoi ?
Cela fait longtemps que je voulais travailler avec lui et je sais que
la psychanalyse l'intéresse particulièrement. Je savais
qu'il aurait une manière d'aborder le sujet de manière profonde
et légère à la fois, qu'il ne s'appesantirait pas
sur le thème de manière sentencieuse ou démonstrative.
C'est la deuxième fois
que vous tournez pour la télévision. Est-ce que vous ressentez
la même liberté qu'au cinéma ?
Oui, mais il faut dire que j'ai été très gâtée.
Car nous avons eu, chaque fois, beaucoup de temps. Ce qui me gêne
toujours à la télévision, c'est qu'en dépit
des moyens importants, on tourne l'équivalent de deux ou trois
films de cinéma dans le même laps de temps que pour un seul
long métrage. J'ai eu la chance de tourner dans des conditions
exceptionnelles.

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