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"La psychanalyse m'intéresse" |
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L'actrice incarne avec détermination
Marie Bonaparte, princesse de choc, disciple et amie de Sigmund Freud.
Elle va tourner "Le temps
qui passe", un film d'André Téchiné avec Gérard
Depardieu et éditer cinq carnets de tournage aux édifions
Stock. En attendant, bas résille et grands anneaux aux oreilles
pour la fantaisie, foulard rouge, tailleur noir et lunettes fumées
pour le chic, Catherine Deneuve - "une des femmes les plus merveilleuses
que j'aie jamais rencontrées", selon le réalisateur
Benoît Jacquot - défend une autre forte personnalité,
la princesse Marie Bonaparte. Elle évoque cette figure au destin
hors du commun.
"Princesse Marie"
s'ouvre sur une scène qui peut faire réagir
Oui, celle d'une opération du vagin. Le scénariste Louis
Gardel s'est demandé s'il fallait parler de ces interventions que
Marie Bonaparte avait voulu subir et j'ai maintenu que c'était
nécessaire. Ce début est très important parce que
la frigidité est à l'origine de la quête de cete femme.
Elle parlait de l'excision et voulait aller rencontrer des femmes en Afrique.
J'ai pensé qu'il fallait tout de suite entrer dans l'intimité,
avec simplicité. Dès le premier jour de tournage d'ailleurs,
nous avons joué des scènes de sa psychanalyse avec Freud.
Entrer dans le vif, toucher si vite à l'intime nous a donné
beaucoup de liberté. C'est le cur du film.
Que pensez-vous de Marie Bonaparte
?
Lorsque Louis Gardel, avec lequel j'avais déjà travaillé
pour "Fort Saganne", "Indochine" et "Est-ouest",
m'a proposé de l'interpréter, j'ai tout de suite dit : "On
y va". J'avais lu la biographie de Marie Bonaparte. Sa recherche
de liberté était très étonnante pour son époque
et son milieu. Malgré son entourage et la véritable réclusion
qu'elle avait subie durant son enfance, elle revenait de loin. Elle a
eu toutes les audaces, tout en tentant de ne rien briser au sein de sa
famille. Je n'aime pas trop les femmes de devoir, mais elle en était
une aussi ! Marie avait beaucoup de respect et d'affection pour son mari.
Possessive, elle s'efforçait néanmoins de laisser ses enfants
exister. Elle a commis des erreurs. Pas toujours sympathique, elle était
d'une grande bonne fois et essayait de se corriger. Elle vivait dans la
générosité et la démesure, un mélange
de volonté, d'intelligence, de courage, de maladresse, d'obstination,
de réalisme et d'impulsivité.
Comment avez-vous abordé
ce personnage ?
Je ne lui ressemble pas physiquement, alors j'ai essayé d'imaginer.
Il fallait montrer d'où elle venait. Comme nous ne pouvions pas
reconstituer les scènes de bal avec la reine d'Angleterre, j'ai
porté de vrais bijoux et des costumes magnifiques. Je n'ai jamais
eu autant de costumes dans un film ! Il fallait de vêtements souples,
qui bougent, pour une femme en mouvement. Cela m'a aidée à
approcher le personnage.
N'avez-vous pas été
un peu gênée par la crudité des dialogues ?
Ce langage cru, direct, notamment sur la sexualité, c'était
celui de Marie. Elle avait une façon de parler naturelle, spontanée.
Elle appelait un chat un chat.
Connaissiez-vous la psychanalyse
?
J'ai lu des ouvrages sur Freud et sur la psychanalyse, qui m'intéresse.
Je n'ai pas fait d'analyse moi-même, mais j'ai des amis psychanalystes.
J'ai pu leur poser des questions techniques, sur la façon dont
on se tient et dont on se comporte dans un cabinet de psychanalyste. Et
j'ai été très impressionnée par la reconstitution
à l'identique de celui qu'occupait Freud !
Comment s'est déroulé
le tournage ?
D'une façon formidable ! Nous avons tourné plus de deux
mois à Vienne, en décors naturels, dans les conditions du
cinéma. Le réalisateur Benoît Jacquot, avec lequel
je voulais tourner depuis longtemps, sait dépenser l'argent qu'il
n'a pas ! Pour interpréter Freud, il fallait un acteur de langue
allemande et j'ai eu l'idée de Heinz Bennent, avec lequel j'avais
déjà joué dans "Le dernier métro"
de François Truffaut. En revanche, jouer en allemand a été
un calvaire pour moi ! J'aime bien les langues mais avec l'allemand, rien
à faire.
Ce tournage vous a-t-il réconciliée
avec la télévision ?
J'ai été effectivement très malheureuse de la diffusion
par TF1 des "Liaisons dangereuses" (une diffusion à la
fin de l'été, le doublage de Rupert Everett, NDLR). "Princesse
Marie" était un sujet idéal pour le petit écran.
Nous aurions eu davantage de contraintes au cinéma. L'argent est
une fausse liberté. Là, nous avions une équipe légère,
tout était plus simple. Cependant, ce tournage était différent
de ceux de la télévision en général, où
le rythme est incroyable et donne rarement des choses de qualité.
On ne fait que tourner et on n'a pas le temps de travailler. Je n'ai pas
envie de cela.
Sans doute êtes-vous également
moins rémunérée au petit écran ?
Pour "Princesse Marie", mon cachet était le même
que pour un film d'auteur. J'ai toujours fait de tels films. Sinon, on
se limite à des uvres commerciales. Je ne veux pas être
le sapin de Noël, l'élément décoratif.
Etes-vous vous-même une
téléspectatrice assidue ?
Je regarde Arte et le journal de France 3. Le câble me permet de
voir beaucoup de films anciens. Et il y a enfin des séries que
j'adore, comme "24 heures chrono".
Présentatrice de génie
Expérience inédite pour Catherine Deneuve.
En effet, elle présente "Le génie français",
une série documentaire en dix épisodes sur l'artisanat,
actuellement diffusée sur TV5, le dimanche à 20h05. "J'ai
beaucoup de goût et, je crois, de connaissances sur les métiers
d'art, explique l'actrice. Je n'ai pas voulu seulement présenter,
mais aussi interviewer des artisans dans leurs ateliers. Pour moi, c'est
une forme de reconnaissance envers des gens que j'admire". Après
le bois sculpté et doré, la passementerie, la grande ébénisterie
et les bronzes d'ameublement, Catherine Deneuve présente cette
semaine la porcelaine de Sèvres, dont la célèbre
manufacture, fondée par le roi Louis XV, continue à produire
des pièces d'une qualité remarquable. Puis viendront le
laqué, l'orfèvrerie de table, le cristal de Lorraine, la
soierie lyonnaise et la grande horlogerie. Une mission parfaite pour celle
qui incarne le goût et le raffinement français.

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