"L'amour est décidément
le sentiment pour lequel j'ai le plus d'indulgence" |
Pas étonnant que l'actrice
ait dit oui pour la première fois à la télévision.
Le personnage de Madame de Merteuil dans "Les liaisons dangereuse"
lui va comme un gant.
Tailleur-pantalon Saint Laurent
noir sur un petit tee-shirt en soie perle, sandales Chanel à talons,
coupe de cheveux au carré, le temps n'a pas de prise sur elle.
Souriante, détendue, Catherine Deneuve n'a pas hésité
à se prêter au jeu de la promotion pour "Les liaisons
dangereuses". Cette nouvelle version, signée Eric-Emmanuel
Schmitt, filmée par Josée Dayan et jouée par des
comédiens prestigieux, est luxueuse.
Est-ce le personnage de Madame
de Merteuil qui vous a fait dire oui au petit écran ?
Pas vraiment : de toute ma carrière, je n'ai jamais pensé
jouer cette femme. D'ailleurs, je ne suis pas sure que j'aurais accepté
il y a quelques années. Je suis un peu perplexe devant les personnages
mythiques, surtout à la télévision. Pour moi qui
n'ai jamais fait de théâtre, cela me semble toujours trop
attendu. Si j'ai dit oui, c'est d'abord parce que Eric-Emmanuel Schmitt
avait écrit l'adaptation. Ensuite, j'ai rencontré Josée
Dayan. On peut dire que c'est une femme qui bouscule, elle dégage
un certain dynamisme dont j'avais besoin pour franchir le pas.
Pourquoi était-ce si
difficile de travailler pour la télévision ?
J'estime que c'est un choix particulier. La télévision est
aussi utile pour réaliser ce que l'on ne peut pas faire au cinéma.
C'est le cas ici puisqu'il y a trois heures de film. Je voulais le faire
en position de force, sur un vrai sujet, un personnage, non pas parce
que je ne tourne plus pour le cinéma.
En tournant ce film, avez-vous
pensé à celui de Vadim ?
Bien sûr : j'ai même voulu le revoir avant de commencer. C'est
l'un des films de Vadim que j'aime beaucoup. Un film très parisien,
un film de ville en noir et blanc. Sa trouvaille de la fin est superbe.
Cela ne m'a pas paralysée du tout de le revoir.
Qui a souhaité transposer
l'action dans les années 60 ?
Disons que je ne tenais pas du tout à faire un film en costume.
Stephen Frears s'en est chargé, son film est magnifique, il fallait
s'en démarquer. Les années 60 dégagent un côté
sulfureux et plus ou moins inconscient qui permet le développement
de cette histoire. On pense à Françoise Sagan, à
l'ambiance de ses romans.
Comment avez-vous vécu
la cohabitation avec Madame de Merteuil ?
Je me suis beaucoup amusée à la jouer. D'autant que je ne
pourrai plus tenir cet emploi longtemps ! Une très grande amoureuse,
une femme perdue par amour. Si, dans la réalité, on peut
aimer toute sa vie, au cinéma, non. Et puis on a rarement l'occasion
de jouer un personnage où l'on sort de ses gonds, où l'on
dit des choses inhabituelles. Il y a toujours un peu de machiavélisme
dans les rapports amoureux. L'amour est décidément le sentiment
pour lequel j'ai le plus d'indulgence.
Vous évoquiez le théâtre
: ne vous verra-t-on jamais sur scène ?
Ce n'est pas rédhibitoire, mais je suis extrêmement traqueuse.
Je vais voir beaucoup de pièces et je suis toujours très
bouleversée. Je ne suis pas complètement hostile à
l'idée, mais j'ai tellement peur. Pour réussir à
me décider, il faudrait certainement une rencontre comme celle
de Josée Dayan pour la télévision.
Vous aviez enregistré
un album il y a quelques années : n'auriez-vous pas envie de récidivier,
notamment avec votre gendre Benjamin Biolay ?
Absolument : c'est déjà prévu pour l'an prochain.
Et le cinéma ?
Je suis incapable d'enchaîner les tournages. J'ai une approche très
personnelle des films que je tourne, je ne peux pas passer immédiatement
à un autre engagement. J'ai refusé un film américain
["I love Huckabee's"] et le prochain sera celui d'André
Téchiné à la fin de l'année. Il est en train
d'écrire le scénario, je serai une femme fatale.

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