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Ses interviews / Presse 2000-09 / Télérama 2007 |
Repères
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Entre Catherine Deneuve et Cannes, c'est une longue histoire. Depuis 1964, l'actrice s'y est souvent rendue pour soutenir des films, participer au jury ou remettre une Palme. Elle raconte. Si le festival de Cannes était une actrice, il serait certainement Catherine Deneuve, dont la filmographie comporte deux Palmes d'or et qui en a remis quatre, un record absolu. Demy, Truffaut, Polanski, Buñuel, Lars von Trier sont autant de cinéastes "palmés" à Cannes dont elle a été la muse. Comme celui du Festival, le rayonnement de Deneuve est mondial, sans éclipse à ce jour. Cette année, elle sera une fois de plus sur la Croisette avec Après lui", de Gaël Morel (sortie le 23 mai), beau film triste et léger qui repose entièrement sur elle, en mère contrainte de survivre à son fils, et aimantée plus que de raison par le meilleur ami du défunt. A l'image du personnage qu'elle joue, Deneuve refuse de trop regarder en arrière. C'est donc exceptionnellement qu'elle accepte d'évoquer quelques-unes de ses dates clés à Cannes, avec cet inimitable sens critique qui a toujours accompagné sa cinéphilie. Des "Parapluies" dorés (1964) J'avais à peine 17 ans, j'étais trop jeune pour apprécier l'accueil triomphal réservé aux "Parapluies de Cherbourg", n'ayant aucun point de comparaison. Surtout, le plaisir a été terni par le rejet dont a fait l'objet "La peau douce", de François Truffaut, avec ma sur Françoise Dorléac, également en compétition - Truffaut était accusé d'avoir trahi la Nouvelle Vague. Toutes les deux, nous avons passé le Festival ensemble. A l'arrivée, le film de Jacques Demy a obtenu la Palme d'or et "La peau douce", qui est magnifique, seulement du mépris. Le grand chahut (1973) J'accompagnais Marcello Mastroianni, venu défendre "La grande bouffe", de Marco Ferreri, qui a provoqué un véritable scandale, aussi excessif et violent que ridicule, même pour l'époque : la majorité des festivaliers le vomissaient. Mais c'était finalement très bénéfique pour la sortie en salles. A Cannes, il vaut toujours mieux qu'il se passe quelque chose, en bien ou en mal. Il faut faire l'événement, même si la nature de l'événement ne va pas toujours dans le sens du film. Je ne garde que des souvenirs assez joyeux de cette année-là : simple accompagnant, c'est peut-être le statut le plus confortable. Les marches de l'enfer (1983) Le Festival essuyait les plâtres du nouveau palais. La montée des marches des "Prédateurs", de Tony Scott, a tourné au cauchemar à cause de la conception de l'escalier. La foule poussait à droite et à gauche et, au milieu, il y avait cet escalier à pic où l'on se sentait, avec Serge Gainsbourg qui m'accompagnait, comme en haut d'une pyramide aztèque. Beaucoup de frayeur et une bousculade très sévère, avec des évanouissements et des blessés. Je crois qu'ils ont reconstruit l'escalier pour l'édition suivante... Remettre une Palme d'or Etre devant un public m'est une épreuve, pourtant
je n'ai jamais refusé de remettre une Palme, la récompense
la plus gratifiante qu'un film puisse recevoir. Pour celle de "Sous
le soleil de Satan" (1987), Maurice Pialat est monté sur scène
sous les sifflets et les cris de haine. J'ai pris mon courage à
deux mains pour dire au public que si désaccord il y avait, alors
il aurait fallu siffler le jury, et non le cinéaste qui recevait
le prix. C'est par contre en toute innocence que j'ai embrassé
le cinéaste iranien Abbas Kiarostami en lui remettant la Palme
pour "Le goût de la cerise" (1997). De retour dans son
pays, il a été blâmé par les autorités
religieuses pour s'être laissé ainsi embrasser par une femme
en public. Il m'en reparle quand je le croise. La prochaine fois, je me
contenterai de lui baiser la main... Hommage à Truffaut (1985) De Jean-Pierre Léaud à Fanny Ardant, tous les comédiens principaux des films de Truffaut se sont retrouvés réunis sur scène, comme une classe d'école. J'ai failli ne pas venir, malgré mon admiration et ma reconnaissance pour lui. Car François Truffaut avait pour principe de voir toujours séparément les gens qu'il aimait Le tête-à-tête était son mode naturel. En particulier, je ne suis pas sûre qu'il aurait apprécié de savoir ainsi toutes ses actrices ensemble... Vice-présidente du jury de Clint Eastwood (1994) Cette expérience de jurée m'a confortée dans l'idée qu'un palmarès repose un peu sur le hasard. Il y avait beaucoup de nationalités et de langues différentes dans notre jury, donc beaucoup de traducteurs et de désordre, et peu d'intimité. Clint Eastwood était très protégé par son staff de la Wamer, donc souvent coupé du reste du jury. On ne se voyait pas assez, et nous avons sans doute délibéré trop vite. Le problème d'un grand jury international très disparate comme celui de Cannes, c'est qu'au fond on aurait envie de ne discuter qu'avec des gens qui sont du même avis que soi ! Que voulez vous répondre à des Anglo-Saxons que "Journal intime", de Nanni Moretti, ennuie profondément ? Il faut être un peu de la même famille pour délibérer, argumenter et opérer des choix. Notre palmarès a été très sifflé et controversé. La Palme d'or de "Pulp fiction", de Tarantino, en particulier, mais la presse s'est massivement retournée en faveur du film à sa sortie. Le soir de la proclamation du palmarès, Nikita Mikhalkov, le réalisateur de "Soleil trompeur", faisait ostensiblement la tête parce qu'il n'avait eu que le Grand Prix du jury. Je l'ai rencontré plusieurs années après, il me faisait toujours la tête ! Comme Théo Angelopoulos, c'est un metteur en scène terriblement orgueilleux, et connu pour cela. Téchiné et "Les voleurs" (1996) André Téchiné est le cinéaste avec lequel je suis le plus souvent allée à Cannes, toujours en compétition. Mais nos souvenirs sont assez mitigés. Quand on présente un film qu'on aime vraiment, on voudrait toujours que l'accueil soit plus enthousiaste, plus démonstratif, et l'on est soudain ramené à la réalité, ne serait-ce que par les questions de la presse. Les comédiens, en particulier, tombent de haut. Le metteur en scène, on l'interroge beaucoup sur son film. Nous, les acteurs, sur tant de choses périphériques... En plus, Cannes est spécialement dur avec les films français de la compétition. Il y a une excitation incroyable à l'annonce de la sélection, et jusqu'au soir de la projection, mais ensuite c'est souvent la douche froide. Mauvaise plaisanterie (1999) Je ne suis pas venue à la conférence de presse de "Pola X". J'avais des réserves sur le film, liées aux faiblesses du scénario. Leos Carax a alors déclaré aux journalistes intrigués par mon absence que j'étais sûrement chez le coiffeur. C'est le genre de plaisanterie qu'il est toujours payant de lancer devant une telle assemblée. Lors de la montée des marches, à laquelle j'ai participé pour ne pas porter préjudice au film, j'ai reproché à Leos Carax cet écart de conduite. Il en était de toute façon lui-même très embêté... A Cannes, ne pas se montrer peut parfois provoquer plus de bruit que d'être là. Des larmes in the dark (2000) La comédie musicale "Dancer in the dark" a reçu un accueil exceptionnel, comme aucun autre de mes films, sauf peut-être "Les parapluies de Cherbourg"... La grande salle était en larmes. Mais ce n'était pas vraiment mon film à moi, plutôt celui de Lars von Trier et de Björk. Je me sentais à la bonne distance pour leur remettre la Palme d'or, malgré ma présence au générique. Première Quinzaine (2007) Etre présente de la première à
la dernière image d'un film avec un rôle aussi lourd, autour
du chagrin et du deuil, je n'étais pas sûre de pouvoir l'assumer.
Mais le scénario d' "Après lui" me restait en
tête comme une chanson. Le sujet est douloureux, mais le traitement
est plein de vigueur. Ce film de Gaël Morel ne sera pas en sélection
officielle : ce sera ma première fois à la Quinzaine des
Réalisateurs. On dit que cette section est aujourd'hui un laboratoire
de la cinéphilie, sans la pression et les débordements médiatiques
de la compétition. Bref, le cinéma pour le cinéma.
J'espère qu'il en sera ainsi. |
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