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Ses interviews / Presse 2010-19 / Elle 2010 |
Repères
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C'est une star, c'est un mythe, mais aussi une actrice qui adore se faire chahuter par de jeunes cinéastes. Dans "Potiche", de François Ozon, Catherine Deneuve incarne une bourgeoise qui se révolte dans la France des années 70. Avec humour et franchise, elle s'est confiée à Anne Diatkine. Interview. Qui est l'actrice qui cueille des champignons, déplace des montagnes, plante des tomates et pas n'importe lesquelles, cuisine un risotto (au champagne), va chercher ses petits-enfants à la sortie de l'école, caresse les pieds des bébés dans la rue, tout en étant une star absolue ? Qui peut s'endormir n'importe où, et se recharger comme une pile, mais pas forcément la nuit ? Qui chine chez les brocanteurs, mais ne manque jamais un Salon de l'agriculture et reste très urbaine, malgré sa passion et son érudition pour les jardins ? Qui aime boire, manger, fumer, s'amuser, enfreindre les contraintes, n'en faire qu'à sa tête, ne pas être obsédée par les canons esthétiques, mais symbolise la beauté féminine ? Qui parle si vite qu'on ne peut pas la suivre même si elle oblige tout le monde à avancer au pas de course car, pressée, elle l'est toujours un peu comme si elle devançait le présent, avait la hantise d'être piégée par l'inertie ou redoutait que la mélancolie, le vague à l'âme n'affleure avec la lenteur ? Catherine Deneuve, bien sûr, qui n'a jamais caché qu'elle était drôle, et qu'elle aimait jouer la comédie ou dans des comédies, même si ce n'est pas la première image que les spectateurs ont d'elle. Ont-ils tort ? Pas totalement. Comme tout le monde, mais un peu plus que tout le monde, Catherine Deneuve a plusieurs vies et de nombreux secrets. Il est possible que l'image en papier glacé que les magazines montrent d'elle depuis qu'elle est sous les regards, c'est-à-dire ses 18 ans, lui ait toujours permis de garder son mystère. "Regardez-moi, écoutez-moi, je suis de toute manière ailleurs", semble-t-elle dire. Catherine Deneuve, c'est la discrétion sur sa vie privée et donc sur celle des autres, et on la remercierait presque d'être l'une des dernières qui ne confond pas l'intime et le public, et de préserver la lumière de ce diamant noir de toute vulgarité. Si elle se raconte un jour, le récit sera fragmentaire. Pas par goût du mystère, mais par éthique. Casser son image, l'expression est bien bête, puisque, par définition, les actrices jouent de leur capacité de métamorphose, et Catherine Deneuve ne l'utilise pas pour parler de son travail dans "Potiche", où elle tient le rôle-titre. Potiche, c'est Suzanne Pujol, épouse popote et poète d'un directeur d'usine de parapluies, qui n'a sa place nulle part, ni à la cuisine ni au Badaboum, la boîte de nuit où son mari entraîne ses maîtresses. Il faudrait demander aux grandes bourgeoises qui ont eu 50 ans dans les années 70 si elles ont le souvenir d'avoir porté la coiffure boule (qui a laissé des traces sur la chevelure de Liliane Bettencourt) que Catherine Deneuve arbore dans le film, et si elles se reconnaissent dans son personnage. Il faudrait demander aussi à François Ozon si les biches se promènent parfois à ses côtés, lorsqu'il court en forêt, car elles font souvent de la figuration intelligente dans les scènes d'ouverture de ses films. "II n'y a pas qu'en Suède ou dans le Connecticut qu'il y a des biches et qu'elles traversent l'autoroute, mais aussi en Normandie. L'hiver, je leur donne du sel", raconte Catherine Deneuve. Pourquoi du sel ? "Pour les nourrir, voyons !" L'entretien a commencé sans qu'on y prenne garde. Nous sommes à l'hôtel Lutetia, à la veille d'une grève, et bien qu'assise Catherine Deneuve semble courir. Si bien qu'elle a toujours une réponse d'avance sur nos questions. J'ai toujours aimé participer à des comédies. Prendre le pari de faire rire les spectateurs, ce qui est beaucoup plus difficile que de les émouvoir. Rien n'est plus pathétique qu'une comédie qui rate le coche. La fin du tournage de "Potiche" a été insensée. Ozon n'arrêtait pas de dire : "Moteur, moteur !" Je lui répondais : "Attendez, François, je ne suis même pas dans le champ et j'ai mes habits de ville !". "Ce n'est pas grave. Moteur, moteur !". Qu'est-ce qu'on a pu rire. J'aime beaucoup quand les tournages ne nous permettent pas de rentrer chez nous. On est dans notre bulle, on ne coupe pas avec le film, on a le temps de connaître tout le monde, à force de se retrouver. N'est-ce pas difficile d'atterrir,
ensuite ? Dans "Potiche", la
reconstitution historique très précise, notamment sur les
éléments de décoration, contribue à donner
l'impression qu'il s'agit d'un monde révolu depuis longtemps... Il y a tout de même une
signature années 70 qui parcourt tout le film. Avez-vous relevé
des anachronismes ? Pour Ozon, ces années
semblent appartenir à l'Histoire. Mais pour vous qui les avez connues,
est-ce qu'elles vous paraissent proches ? Plus généralement,
quand vous voyez par exemple une photo des "Parapluies de Cherbourg",
la jeune fille est-elle devenue une autre personne, ou est-elle toujours
présente en vous ? Un trait de caractère
continu ? En quoi êtes-vous déraisonnable
? Comment vous décririez-vous
dans ces années 70 ? Que voulez-vous dire ? Arnaud Desplechin dit que vous
avez un regard de metteur en scène plus que d'actrice, quand vous
jouez. Vous comprenez ce qu'il dit ? Vous voyez beaucoup de classiques
? Quelles sont vos comédies
de prédilection ? Qu'est-ce qui vous fait rire
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