Avant tout, des choses agréables.
Nous avons lu que récemment, à Cannes, vous vous êtes
réconciliée avec Roger Vadim ?
Réconciliée ? Pourquoi ? Pensait-on que nous étions
séparés ?
Il y a quelques mois, les journaux
du monde entier ont écrit que Roger Vadim s'était sérieusement
amouraché de Jane Fonda et que vous aimiez tendrement Johnny Hallyday.
Tout le "drame", comme ont écrit les journalistes, a
été provoqué par mon voyage à Lyon entre le
12 et 15 décembre passés, pour aller écouter Johnny.
Roger était resté à Paris à l'hôtel
Georges V pour les derniers préparatifs de son nouveau film, "La
ronde". Pendant que Johnny chantait et que je m'écorchais
les mains à applaudir, la bombe explosa : "Catherine n'aime
plus Roger Vadim mais aime Johnny Hallyday. Johnny n'aime plus Sylvie
Vartan mais aime Catherine. Roger n'aime plus Catherine mais aime Jane
Fonda". Qu'aurions-nous dû faire ? Afficher des manifestes
dans tout Paris disant : "Roger aime Catherine et Catherine aime
Roger" ?
Alors, l'histoire de Jane Fonda
et de Roger
...n'est qu'un roman inventé par les journalistes. L'amitié
entre Jane Fonda et Roger Vadim remonte à 23 ans. Quand ils se
connurent, elle avait trois ans et lui treize. Pour être précis,
leur rencontre eut lieu en Amérique où Roger vivait avec
son père, diplomate en mission. Ils se rencontrèrent de
nouveau il y a sept ans, quand eIle vint à Paris avec l'intention
de devenir peintre. Qu'y a-t-il d'étrange à ce que l'actrice
Jane Fonda et son metteur en scène Vadim dansent ensemble dans
une boîte de nuit ? Roger est un homme à qui il plaît
de plaisanter et c'est pourquoi il répondit à l'ennuyeux
trouble-fête qui l'importunait ce soir-là : "Jane et
moi ? Mais certainement que nous nous marions". Je n'ai pas soupçonné
un seul instant qu'il jouait avec le feu.
Donc vous vous considérez
toujours comme la fiancée officielle de Roger Vadim ?
Qu'entendez-vous par "fiancée officielle" ?
La fiancée officielle
se définit habituellement comme celle qui a reçu une promesse
formelle de mariage de l'homme qu'elle aime.
Pour l'instant je n'éprouve aucun désir de me marier.
Mais vous avez eu un fils de
Vadim. Une fille dans votre position ne devrait-elle pas se préoccuper
de régulariser sa situation ?
En général on agit ainsi. Mais parfois les choses vont d'une
autre manière à cause de l'éducation que l'on a choisie,
à cause du milieu dans lequel on est contraint de vivre et de la
conception qu'on a de la vie.
De tout cela, faut-il déduire
que vos parents ont trouvé cette situation plus que normale ?
Ils ne m'ont pas donné d'explication. Mon père, Maurice
Dorléac, qui est acteur au théâtre, et ma mère,
Renée Simonot, qui a été une actrice d'un certain
talent, ont dû accepter la réalité de la chose, avec
une grande douleur cependant. Quand je parle du milieu et d'éducation,
je m'en réfère à ce que m'a enseigné Vadim.
Donc, pour vous, Vadim a été un maître
de vie plus que votre père et votre mère ?
N'exagérons rien. J'allais encore à l'école quand
on m'a offert mon premier rôle de cinéma. Ma sur Françoise
avait déjà commencé sa carrière d'actrice
et, un jour, elle m'amena avec elle sur le plateau. Un metteur en scène
me remarqua et proposa à mon père de me faire tourner. Mon
premier film, "Les petits chats", était si audacieux
qu'il fut bloqué par la censure. Je retournai à l'école
pendant un an puis je reçus une nouvelle proposition. Je tournai
"Les portes claquent" et ensuite "L'homme à femmes".
Un soir, à l'Epi Club de Montparnasse, un lieu alors à la
mode, je rencontrai Roger Vadim. Il avait déjà derrière
lui deux expériences maritales pas trop réussies : la première
avec Brigitte Bardot et la seconde avec Annette Stroyberg. Ce fut le coup
de foudre. Vadim m'apprit à devenir femme, à me faire une
personnalité et à vivre dans le bonheur.
Vadim vous a ausi appris à
devenir mère sans être épouse ?
Cela n'a rien à voir. L'enfant, je dois le dire, c'est moi qui
l'ai voulu.
Pourquoi vous obstinez-vous
à défendre Vadim à travers tout ? Ne devriez-vous
pas avoir quelque motif de ressentiment contre lui ?
Pourquoi devrais-je défendre Vadim ? Je me défends simplement
moi-même.
Mais n'êtes-vous pas encore
fatiguée de jouer le rôle de la jeune fille privée
de préjugés par Vadim ?
Quelqu'un croit-il que je joue un rôle ? C'est une erreur. Il est
bien vrai que, dans la vie, on cherche à adopter les goûts
et la façon de penser de la personne qu'on aime, mais la morale
de toute cette histoire, c'est que, épousée par Vadim, j'aurais
pu laisser mon mari pour une aventure et personne ne serait étonné.
Au contraire, le fait que, n'étant pas mariée, j'ai accepté
sans vergogne de m'unir à lui, est apparu monstrueux. Je ne sais
si je suis une fille sans préjugés. Que les autres en jugent
pour moi. Ce qui est certain, c'est que je ne me considère pas
comme amorale. Du scandale, vraiment ? Mais à ma décharge,
laissez-moi plaider pour mes vingt ans.
Si Vadim vous le demandait,
cesseriez-vous de faire du cinéma ?
Certainement.
Qu'appréciez-vous le
plus chez Vadim ?
Nous sommes tous un mélange de choses bonnes et mauvaises, de vices
et de vertus. Mais pour ce qui le regarde, il ne me plaît pas d'entrer
dans les détails. En général, je peux dire que c'est
un homme d'une personnalité supérieure à n'importe
quelle autre.
Combien de fois vous êtes-vous
sentie réellement amoureuse dans votre vie ?
C'est une question trop indiscrète.
A vos doigts, je vois trois
anneaux et, à l'annulaire, la fameuse bague de fiançailles
avec le diamant de six millions que vous a offerte Vadim. Toutes ces bagues
représentent-elles d'autres fiançailles ou bien faut-il
les considérer comme une inconsciente réaction freudienne
vers un désir insatisfait ?
Je les considère seulement comme des cadeaux.
Tous de Roger Vadim ?
C'est aussi une question impertinente.
Laissons-nous donc aller ! Vadim
a été accusé de vous avoir enlevé l'âme
du corps et de vous en avoir mis une autre à la place : celle de
l'obsédante image de la femme qu'il porte en lui et sur laquelle
il a fabriqué d'abord Brigitte et ensuite Annette.
Ce n'est pas vrai. Le fait que Brigitte soit devenue BB grâce à
Vadim a créé cette légende. Il s'agit d'un phénomène
qui ne s'est plus répété mais qui continue à
fonctionner dans la fantaisie de la critique et du public.
En France, on vous a surnommée
"Vadim numéro trois". Cette appellation ne vous gêne-t-elle
pas ?
Cela me gêne parce que ça me rappelle le nom d'un avion supersonique
ou d'un parfum de grande marque. Pour le reste, cela me laisse absolument
indifférente.
Comment jugez-vous les femmes
qui vous ont précédée dans le cur de Vadim
?
Je connais bien BB. Ce n'est pas une grande comédienne, mais c'est
une femme intéressante à laquelle je veux du bien. Je connais
moins Annette : elle aussi est la femme avec laquelle Roger aura toujours
quelque chose en commun : leur adorable petite Nathalie.
N'êtes-vous pas jalouse
du passé de Vadim ?
Le jour où nous avons commencé à nous aimer, il m'a
convaincue que je serais seule à réussir à briser
le fil qui le reliait à son passé. Deux ans et demi ont
passé depuis lors, qui comptent pour moi comme une éternité
heureuse.
A Cannes, le film "Les
parapluies de Cherbourg", interprété par vous, a battu
"La peau douce", interprété par votre sur,
Françoise Dorléac. Maintenant, les malins habituels soutiennent
qu'entre vous et votre sur, une certaine rivalité serait
née.
La victoire d'un film à un festival dépend d'une infinité
de circonstances. Je peux garantir en général qu'entre moi
et ma sur, il n'existe aucune rivalité, comme il n'en n'existe
pas entre nous et notre sur Sylvie, qui à 17 ans, est déjà
une actrice de talent.
Quelle est votre vie de tous
les jours ?
Quand je ne travaille pas, je passe mes journées chez moi, rue
Vineuse, au Trocadéro, avec mon fils, une réserve de bons
livres et quelques disques de Mozart et de Bach (mes compositeurs préférés).
Je n'aime pas la dolce vita, je ne suis pas superstitieuse, je ne possède
pas de talismans, je ne crois qu'à ma chance. Pour conclure, je
dirais que je suis ambitieuse mais pas arriviste.
Quel est votre bien le plus
grand ?
Mon fils Christian, qui vient d'avoir un an ces jours-ci. Je ne peux en
rester éloignée longtemps. Je le ferai venir à Florence
(où nous tournerons les extérieurs de "Cur dans
le gosier"). Pour l'instant, ma plus grande préoccupation
c'est de trouver une belle villa dans les environs de Florence où
je pourrai vivre seule avec mon adorable Christian.
Ne vous semble-t-il pas que
cette pathétique déclaration toute maternelle contraste
un peu avec les déclarations "sans préjugés"
d'il y a peu ?
L'humanité n'est-elle pas un mélange de contradictions ?
Est-il vrai qu'il y a trois
semaine, alors que vous dansiez dans un "Whisky à gogo",
joue contre joue avec Vadim, votre destin de troisième madame Vadim
vous soit échu ?
A peu près. Pourtant que tous les bien-pensants de ce monde se
tranquilisent. Si nous sommes jeunes et critiqués, le fond est
bon et les intentions plus que sérieuses.
Mais alors, et votre manque
de préjugés ?
Mon Dieu, ce n'est pas une interview, c'est un interrogatoire au troisième
degré !

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