Ses interviews / Presse 1960-79 / Paris Match 1977
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"C'est l'été de ma vie qui commence"

On dit : "Avez-vous vu le dernier Deneuve" ? Comme on dit le dernier "Buñuel" ou le dernier "Polanski". Sa présence dans un film attire autant de spectateurs que le nom des prestigieux metteurs en scène avec qui elle a tourné. A l'actif de Catherine Deneuve, depuis 1959, quarante et un films avec "March or die" ("Il était une fois la légion") qui va sortir à Paris le 9 novembre. Elle a eu 34 ans le 22 octobre : un âge qui est un tournant. Catherine, baptisée "la plus belle femme du monde" par les Américains, se cachait derrière ses triomphes de super-star internationale. Pour la première fois, elle renonce à son mystère et se confie à Paris Match.

J'ai toujours pensé que mon été à moi, je le rencontrerais autour de trente-cinq ans. Ce n'est même plus "bientôt", c'est "tout à l'heure". La vie d'une femme est un peu comme une montagne... avec deux versants. Lorsqu'on est arrivé en haut d'un versant, il faut savoir redescendre l'autre. Je présume que ce n'est pas toujours facile. Quand on est à la fois une femme et une actrice, on se doit de tenir compte de son aspect physique, superficiel. Je n'aurais pas de difficulté à vous indiquer le cas d'actrices dont le public accepte assez mal qu'elles vieillissent au cinéma, et qui elles-mêmes ont de sérieux problèmes de ce côté-là. Ce qui pourrait supprimer d'une certaine façon cette affaire d'âge, c'est la chose qui me semble la plus importante, une chose très rare, presque un don : avoir une passion. La mienne ? Je crois que c'est le cinéma. Ou, parfois, la photographie... C'est peut-être la même chose. La photo est plus souple, plus rapide. Je me suis lancée cette année en faisant des reportages sur des enfants surdoués.

Feriez-vous passer cette passion qui est aussi votre métier avant votre vie personnelle ?
Non. Ce qui compte pour moi et qui a toujours compté le plus, c'est ma famille, ce refuge essentiel, ce nid. J'avais le goût de vivre auprès de mes parents, de mes proches, de me replier sur mes souvenirs d'enfance. Puis, peu à peu, ma préoccupation première est devenue l'éducation de mes enfants : encore le même amour de ma famille. Christian, le fils de Roger Vadim, est un grand et beau jeune homme qui a eu quatorze ans au printemps dernier. Il est très gai, doté de pas mal d'humour et je serai fière de l'avoir bientôt pour compagnon de sortie... Je sais qu'il m'échappera un jour et même je l'espère bien. Voir les gens heureux ça me fait toujours plaisir - même s'ils le sont sans moi. Mais je serais malheureuse s'il prenait le parti d'aller vivre loin, très loin. Christian a une passion pour les animaux. J'ignore quelle forme elle prendra. Mais plusieurs fois, il m'a dit qu'il aimerait s'occuper d'animaux dans des réserves lointaines. Ce n'est, peut-être, qu'un propos en l'air. J'ai aussi une petite fille, Chiara, née le 28 mai 1972. Son père est Marcello Mastroianni. Dès l'âge de trois ans, Chiara m'a troublée énormément : je la voyais réfléchir, elle posait des questions, elle "réfléchissait"...

On a pu remarquer la présence à vos côtés de plusieurs hommes. Jamais pourtant vous ne les avez épousés, sauf l'un d'eux, et presque par "gag", le photographe David Bailey. Pourquoi ces refus, ce choix ?
On peut vivre avec joie une saison de son existence auprès d'un homme sans passer toute sa vie avec lui. Une femme qui a des enfants sait qu'un homme les aime, et il y a parfois une sorte de compétition entre elle et l'enfant pour l'amour de cet homme. Aussi a-t-on toujours ce doute : est-ce à cause des enfants qu'un homme reste avec vous. Lorsque je vivais avec le père de ma fille et que nous avons rompu, j'ai été en pleine dépression. J'ai eu le sentiment que c'était pire que de briser un mariage de dix ans. J'aime beaucoup les hommes, j'aime beaucoup les enfants, mais je me suis rendu compte que je n'étais pas faite pour cet impossible triangle. J'ai compris après la naissance de Chiara que quelque chose était changé. Sans doute était-ce moi qui avais changé ? Je pensais qu'il valait mieux être franche et reconnaître que je n'étais plus assez amoureuse du père de ma fille pour poursuivre notre existence ensemble. Pourtant, pour la première fois, je me trouvais dans une situation classique : vivre avec le père de mon enfant. C'était quelque chose que je n'avais jamais connu. J'avais élevé mon fils toute seule, quand j'étais très jeune. Le mariage, c'est quoi ? Une institution. J'aime la vie, les gens, j'aime rire, j'ai pour les enfants une admiration sans borne... Les institutions, elles, m'ennuient. Je ne suis pas hostile au mariage, disons qu'il ne m'a jamais intéressée. Et aujourd'hui, je serai catégorique : il ne m'intéresse plus du tout, mais alors plus du tout. Quant à ce mariage-éclair de 1965 avec David Bailey, ce ne fut pas un gag, plutôt un élan, une impulsion. On a raconté pas mal de sottises là-dessus. Ainsi, je me serais mariée en blue-jean. Rien de plus faux. Je me suis mariée en robe. Pas en robe blanche, mais en robe noire. Et ce détail a choqué beaucoup de gens. Il paraît, allez deviner pourquoi, que le noir n'est pas une couleur. Avec le blanc, c'est cependant ma couleur favorite.

François Truffaut écrit de vous : "Belle, Catherine l'est en effet à tel point qu'un film dont elle est la vedette pourrait se passer de raconter une histoire. Je suis convaincu que le spectateur trouve son bonheur simplement à regarder Catherine et que cette contemplation suffit à rembourser le prix du ticket d'entrée". Pourtant, vous vous obstinez à nier, à votre propos, le mot de beauté.
Je ne considère pas que je sois belle. Jolie peut-être, mais non pas belle. La beauté, ce n'est pas moi, c'est autre chose.

Le critique du Time Magazine qui a vu votre film "March or die" parle d'un phénomène déroutant, comme si l'on avait affaire non pas à la seule et séduisante Catherine Deneuve mais à plusieurs Deneuve, toutes charmeuses mais aussi génératrices d'ambiguïtés, de mystère. Seriez-vous multiple ?
Oh, je dois être au moins "double", qui sait ?

34 ans... J'entre dans mon été


Par : Guy Abitan
Photos :


Film associé : Il était une fois la légion



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