Le National Film Theatre, à l'occasion de ses rencontres régulières organisées avec des personnalités du cinéma, nous a permis de nous entretenir avec Catherine Deneuve. Toujours aussi belle, et dans une forme éblouissante, Catherine nous a brièvement entretenue de sa carrière et de son rôle dans "The Hunger".

Votre personnage dans "Répulsion" fut-il difficile à interpréter ?
Non, pas vraiment. Il est plus aisé d'interpréter un personnage extrémiste que quelqu'un d'intériorisé. Ce film m'a permis d'éprouver des émotions : ainsi le fait de tuer, qui est un acte physique intense, m'a aidée à incarner au mieux cette psychopathe.

J'ai découvert en Roman Polanski un grand professionnel. Il se plaisait à mettre l'emphase sur ce que l'on peut imaginer, davantage que sur l'évidence. La pellicule noir et blanc a contribué à l'intensité du film en lui conférant un aspect sombre et dur, surtout lors des séquences sanglantes. D'ailleurs, Polanski avait tenu à mettre l'accent sur le son : ainsi lorsque l'on tranche une gorge, c'est la lame de rasoir que l'on entend, mais on ne voit pas de sang... ou du moins très peu ! Il faut savoir qu'au départ Roman Polanski est un acteur, aussi instinctivement interprétera-t-il le rôle pour vous. Il dévoile tout ce qui a trait au rôle comme s'il vivait chacun des personnages d'un film. Même derrière la caméra, il bouge en permanence, il est très actif et ne peut rester en place.

Quelle a été votre approche du personnage difficile de "Belle de jour" ?
Tout d'abord, je ne pensais pas faire ce film ; puis, informée que Buñuel allait le mettre en scène, je me suis alors décidée. En effet, le livre de référence étant plus direct, la mise en scène de Buñuel l'a imprégnée d'un certain surréalisme.

Nous croyons savoir que vous n'êtes pas très enthousiaste quant à l'aspect sexuel masochiste du film. Pensez-vous que les femmes soient plus attirées par cela que les hommes ?
Sans doute cette tendance existe-t-elle dans les fantasmes des hommes comme des femmes, peut-être davantage chez les femmes... je n'en suis pas sûre. D'ailleurs, je n'ai jamais très bien su dans quelle direction allait le film et Luis Buñuel en était conscient, aussi me tenait-il "éloignée", m'empêchant de voir les rushes ! La nature même de "Belle de jour" a provoqué un certain climat, et j'étais troublée... Je crois que certains points étaient trop explicites...

Qui est Myriam Blaylock que vous interprétez dans "The Hunger" ?
Une femme mûre, élégante mais aussi hautaine, distante et qui, cependant. recherche une compagnie. Elle est solitaire, triste et en manque d'amour. Agée de plusieurs siècles, elle ne peut se résoudre à vivre seule plus long temps.

Comment David Bowie s'est-il conduit pendant le tournage : est-ce différent de travailler avec un chanteur-acteur ?
Jouer avec Bowie fut une expérience entièrement nouvelle, mais étant donné que dans le film il vieillit considérablement vite, je n'avais plus vraiment l'impression de jouer en face de lui. David était en effet enfoui sous un épais maquillage lui conférant l'aspect d'un vieillard âgé de 200 ans ! Mais, Bowie sur scène, en concert, interprète déjà un personnage : je crois qu'il était un acteur-né !

Quelle est votre réaction devant les coupes qui ont été effectuées aux USA sur les scènes relevant de vos rapports avec Susan Sarandon ? Que pensez-vous du côté explicite de ces scènes ?
J'ignorais qu'il y ait eu des coupes, mais je pense que ces rapports sont magnifiques. Sensuels et effectivement explicites, mais je n'aurais jamais tourné de telles scènes sans un réalisateur comme Tony Scott. J'ai une option très mitigée sur l'érotisme et la nudité dans les films. Dans "The Hunger", de telles scènes sont nécessaires car elles font partie intégrante d'un rituel. Généralement je suis contre ce genre de choses, cependant, quelqu'un comme Ingmar Bergman montre la nudité d'une manière très érotique. Je crois que lorsqu'une actrice est nue à l'écran, elle se trouve non seulement dépouillée de ses vêtements mais également de son masque de comédienne. Nue, on redevient essentiellement une personne...

P.S. : Aux dernières nouvelles, M.G.M./U.A. auraient décidé de faire marche arrière relativement aux coupes importantes du film. Seules trois coupures mineures subsisteraient, deux intervenant lors d'une scène d'amour 'entre Deneuve et Sarandon, la troisième écourtant de quelques secondes la désintégration d'un corps. Toutefois, selon certaines rumeurs, le film devrait subir un nouveau montage avant sa sortie "officielle".