Ses interviews / Presse 1980-89 / Elle 1984
Repères
  Biographie
Famille
 
  Presse 2010-2019
Presse 2000-2009
Presse 1990-1999
Presse 1980-1989
Presse 1960-1979
Radio et télévision
Livres
  Hommages
Dessins
Photos
  Caractère
Centres d'intérêt
Opinions
Engagements
 

Mode de vie
Style
Coups de cœur
Sorties et voyages

"L'amour est une affaire de femmes"

Le quartier du Marais, à Paris. Un trottoir. Les bruits d'un tournage. Une équipe en tournage : celle d'Elie Chouraqui. Une histoire qui s'appellera "Paroles et musique". C'est le chemin qui mène à Catherine Deneuve, alias Madame Louise Tissot, "la romancière et journaliste célèbre, la George Sand de son époque, qui s'est fait une vie indépendante des hommes, superbe, intelligente et lucide. Celle qui va séduire ce gros nigaud de Charles Saganne et l'amener où elle veut : dans son lit". Louise et Charles, c'est-à-dire Deneuve et Depardieu, se retrouvent une fois de plus à l'écran pour "Fort Saganne", le film qui ouvrira le festival de Cannes 84.

"Ma prestation représente dix minutes de tournage dans le film", dit Catherine Deneuve de cette voix claire et directe qu'elle peut rendre à l'envi chaude ou neutre et froide. La voyant, je repense aux rôles qui, à mon avis, l'ont faite ce qu'elle est pour nous : "Les parapluies de Cherbourg", "Belle de jour", "Tristana", "Le sauvage ", "Le dernier métro", "Benjamin", "Je vous aime"... ni tout à fait la même, ni tout a fait une autre.

Vous avez eu longtemps droit à être définie comme "le bloc de glace".
Exact. Peu à peu, ça a évolué. La phase intermédiaire, c'était "le feu sous la glace".

Et quelle est la phase actuelle ?
Je ne saurais trop vous dire. En tout cas, il semblerait que la glace ait pas mal fondu. Disons que c'est la tendance présente.

Pourtant, dans "Fort Saganne", vous faites à nouveau fondre ce pauvre Charles Saganne qui arrive tout brûlant de son désert.
Oui, mais il finit, lui aussi, par me faire fondre. Ce n'est pas le cavalier, botté et galonné qui m'attire mais la pureté de l'homme.

D'une façon plus générale, à voir vos films, on éprouve de votre part une impression de silence et de distance : d'une certaine manière, même votre voix peut être silencieuse. Comme si vous voyiez les gens venir de loin. Comme si vous les connaissiez d'avance. Je veux dire qu'on a l'Impression que vous êtes comme ça, depuis toujours, même à l'époque où vous alliez au lycée La Fontaine et viviez chez vos parents.
Ce n'est pas faux. Quand j'étais petite, j'écoutais. Je ne parlais pas. Je regardais les gens, les amis de mes parents. J'observais. Quand on observe bien, il y a, en dehors de la parole, tant de signes imperceptibles, de comportements, de gestes qui trahissent des choses très intimes chez quelqu'un et qui sont révélateurs.

Quand vous étiez petite, vous aviez le temps d'observer. Aujourd'hui, les choses sont sans doute différentes ?
Oui. Pour tout dire, c'est en regardant les gens dans les yeux que se passent le plus de choses. C'est très difficile, ce regard direct. Pourtant quand on est adulte, on n'a pas de temps à perdre, il faut que le contact soit le plus direct, le plus dépouillé possible, le moins entouré des procédures d'approche. Que ce contact soit amical, professionnel ou sentimental, il faut établir tout de suite un lien très vrai... Ce qui ne signifie pas pour autant que ce soit facile de regarder droit dans les yeux.

Vous suscitez pourtant le sentiment de connaître les hommes avant même qu'ils n'aient levé le. petit doigt. Vous avez envers eux un air d'indulgence narquoise. On sent que les hommes ne vous font pas peur et que c'est peut-être ce qui leur fait peur.
Je sais. Et pourtant, il n'y a rien d'hostile là-dedans de ma part. Le seul film où j'ai eu peur d'un homme était "Répulsion".

Oui, mais en l'occurrence, il s'agissait d'un cas de folie qui brise toutes les règles. Dans des cas plus "normaux", on sent que l'intégrité de votre "citadelle" est toujours préservée de l'amour-passion.
J'aime bien être éblouie. Je n'ai pas envie d'être épatée. Mon père nous avait toujours enseigné (nous étions quatre sœurs, vous imaginez !) à avoir du recul, de la tendresse et de l'humour. Je me souviens qu'il cassait toujours les idées délirantes pouvant amener à construire des choses illusoires autour des gens.

Quel était votre livre préféré à cette époque ?
J'adorais "Pauvre Aggie"... Mais je lisais peu, je jouais avec mes sœurs.

Et aujourd'hui ?
Aujourd'hui, j'achète beaucoup plus de livres que je n'en lis. Mais enfin, disons que j'ai beaucoup aimé : Jean Rhys, Doris Lessing, "Cent ans de solitude", de Gabriel Garcia Marquez, Henry James, Barbey d'Aurevilly, et surtout "Au-dessous du volcan", de Malcolm Lowry (j'adore le personnage du Consul) et "Belle du Seigneur", d'Albert Cohen. Mais je n'ai pas de livres de chevet. D'ailleurs, je ne relis jamais un livre que j'ai déjà lu.

Vous aimeriez écrire ?
Je ne sais pas écrire.

Vous n'écrivez jamais ? Même des lettres à vos amis, aux gens que vous aimez ?
Ah, ça oui, j'aime beaucoup et je le fais. J'aime recevoir et écrire des lettres. J'ai mes papiers différents, tout mon matériel, mes stylos, mes buvards, j'en ai même un qui commence à être bien usé comme il faut.

Pour en revenir aux hommes et aux femmes, ne pensez-vous pas qu'après la guerre des sexes des années 70, l'hyper-féminisme des années 80 ressemble à une sorte de donjuanisme, comme si c'étaient les hommes, désormais, qui faisaient tapisserie ?
Ecoutez, les hommes ont été confrontés à une situation à laquelle ils ont réagi comme ils ont pu. Ce qui demeure, à mon avis, c'est que les femmes pensent beaucoup plus à l'amour que les hommes, que l'amour est vraiment une affaire de femmes.

Pourtant on entend souvent les femmes se plaindre actuellement en disant : "Y a plus de mecs, y a plus d'hommes".
On ne peut pas tout avoir !

Auriez-vous aimé faire un autre métier ?
Oh ! non ! Actrice, c'est la seule chose que je sache faire. Et la seule chose qui m'intéresse.

Catherine Deneuve : ses passions


Par : Bernard Chapuis


Films associés : Fort Saganne, Paroles et musique



Documents associés

Enfance
Parents
Amitié

Lecture
Goûts