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Troublante Catherine

A l'occasion de la sortie de son dernier film "Agent trouble" de Jean-Pierre Mocky, voici les confidences de Catherine Deneuve.

Dans "Agent trouble" de Mocky, vous portez votre première perruque !
Pas du tout. J'en avais déjà une dans "Les demoiselles de Rochefort". Vous l'avez vu ? Non ? Vous avez raison : pas vu, pas pris.

Amanda - votre personnage dans "Agent trouble" - est une vieille fille intelligente. Un rôle de composition ?
Tout ce que je peux vous dire, c'est que je ne suis pas une vieille fille. C'est un état qui ne m'a jamais tentée. L'avantage, avec un mari, c'est qu'on peut s'en séparer. Comment font les vieilles filles ? Elles ne peuvent jamais se séparer de leur mari ! Elles se privent d'un grand plaisir...

Etes-vous, comme Amanda, tentée par une carrière dans la police ?
Je n'ai rien de particulier contre la police, ni contre personne d'ailleurs. Je me verrais assez mal mettre des contraventions. Les enquêtes, oui, ça me passionnerait. Chercher et rassembler les indices. Interroger les gens. Réfléchir. Ah oui, ça doit être très excitant. Mais enfin, bon, je suis assez contente de mon métier et n'ai pas du tout envie d'en changer.

Pourquoi Amanda lit-elle Dostoïevski dans une chambre d'hôtel alsacien ?
On n'a trouvé que ça dans les librairies du coin.

Qu'avez-vous préféré en Alsace ?
La brume. La brume, c'est bien : ça protège votre intimité. La bière aussi. C'était de toute façon un tournage très rapide - quatre semaines - et on n'avait pas vraiment le temps de faire du tourisme. Et puis, il faisait un froid de canard ; vous avez vu, j'avais de toutes petites chaussures. Entre les plans, je passais mon temps à essayer de trouver un moyen de me réchauffer les pieds.

Mocky est-il gentil ?
Adorable. Il est toujours en train de se demander ce qu'on lui trouve, pourquoi on tourne avec lui, pourquoi il nous fait rire. Il a une grande ironie, mais je pense que c'est une défense. Il peut être très dur, comme toutes les personnes très sensibles. Il lui arrive d'être mauvais, mais il n'est jamais méchant. Il a une grande tendresse pour les êtres insolites et bafoués. Son problème, c'est l'argent. Si vous voulez vous en faire un ennemi mortel, demandez-lui de vous inviter à déjeuner. Mais moi, je trouve ça plutôt rigolo.

Au fait, pourquoi Amanda se caresse-t-elle le sein gauche en lisant le second chapitre de "Crime et châtiment" ?
Bof, elle fait ça comme les enfants sucent leur pouce. Amanda est restée très enfantine, ce qui est souvent le cas des personnes qui vivent seules.

Dans le film. il y a une lutte entre Richard Bohringer, antiguaire-barbouze amoureux d'une femme boiteuse, et vous, vieille fille agathachristienne. Avez-vous ressenti cet affrontement dans votre travail avec Bohringer ?
Non. Vous savez, on a tourné tellement vite. De toute façon, Bohringer est un acteur que j'admire beaucoup.

Est-ce que c'est de plus en plus difficile ou de plus en plus facile pour vous de jouer la comédie ?
Oh ! la ! la ! de plus en plus difficile ! Ça me coûte énormément à chaque fois. Je me sens plus fragile qu'avant et en même temps, on me donne - ou plutôt je prends - des rôles plus durs, plus exposés. Où tout cela va-t-il s'arrêter ?

Deneuve et la crise du cinéma français ?
J'entends parler de ça depuis que je fais du cinéma. Je n'ai que de vagues idées sur ce vaste sujet. De toute façon, en France, on tourne trop de films.

Les producteurs savent-ils lire ?
Il y en a quelques-uns qui savent lire mais il y en a très peu qui ont le temps de le faire. Ils préfèrent se plonger dans des bilans plutôt que dans des romans. C'est peut-être pour ça qu'ils sont souvent déprimés...

Seriez-vous tentée, comme Raimu, par la Comédie-Française ? Deneuve dans "Bérénice", ça serait pas mal.
Ah non, alors. Pas de théâtre. Jamais. Je suis beaucoup trop trouillarde.

Et ce livre chez Albin Michel ?
J'avais oublié. Heureusement que vous m'y faites penser. Ah, c'est compliqué... La littérature, c'est comme la police : très tentant - mais je n'ai aucune envie de me recycler pour l'instant.

Combien de lettres recevez-vous par jour ?
Je ne compte pas. C'est toujours très gentil - enfin presque toujours - mais c'est plus du courrier que des lettres. De vraies lettres, je n'en reçois que quelques-unes par semaine et elles ne passent pas par la poste : on les glisse sous ma porte.

Y a-t-il un pays où les gens ne vous reconnaissent pas dans la rue ?
Je ne sais pas... Mes films passent dans le monde entier. C'est d'ailleurs un peu barbant de ne pas pouvoir acheter des cartes postales au Paraguay ou au Kenya sans devoir signer tout de suite après un autographe au vendeur. En URSS, une fois, on ne m'a pas reconnue. Mais c'était l'hiver.

Pensez-vous souvent à Gérard Lebovici, qui fut votre agent, et qui a été retrouvé assassiné le 7 mars 1984, dans un parking public de l'avenue Foch ?
Oui. Il a été très important pour moi. C'était un homme sensible, intelligent et courageux - trois qualités qu'il est difficile de trouver réunies chez une seule personne. Il est impossible à oublier et il me manque aussi bien sur le plan personnel que sur le plan professionnel. Je n'ai pas de lettres de lui, non. On se téléphonait.

Qu'est-ce que vous diriez à toutes les jeunes filles qui sont amoureuses de vous ?
Circulez, il n'y a rien à voir.

Vous sentez-vous new-yorkaise à 100 % ?
Je ne me sens pas du tout new-yorkaise (comment voulez-vous que j'oublie ma Normandie ?) mais à chaque fois que je vais à New York - en particulier pour mon parfum : "Deneuve" - j'y suis toujours heureuse. C'est très agréable de vendre quelque chose aux Américains parce qu'on sent qu'acheter est une chose qu'ils aiment vraiment faire.

Quelle est la dernière plante dont vous avez fait l'acquisition ?
Des géraniums odorants qu'on ne trouve pas en France et qu'on doit m'envoyer de Londres.

Comment va votre fils, Christian Vadim ?
Très bien. Pour ça, c'est un garçon épatant : il va toujours très bien. Il tourne pour la télévision un remake de "Tanguy et Laverdure". Il sera Tanguy, évidemment.

Catherine Deneuve. où en sont les femmes en 1987 ?
Je n'en sais rien, mon bon monsieur ! Moi, je vois à peu près où j'en suis - et encore... Mais, les femmes... Chaque cas est particulier, non ?

Accepteriez-vous, dans un film, de jouer le rôle de l'épouse de Klaus Barbie ?
Oh ! Quelle horreur ! Je ne pourrais pas l'embrasser, même pour de faux.

Toujours Saint Laurent ?
Fidèle, fidèle, je suis restée fidèle... à Saint Laurent.

Toujours de gauche ?
Qui vous a raconté ça ?

Concrètement, que faites-vous pour la classe ouvrière ?
Je me conduis normalement, c'est déjà beaucoup.

Avez-vous du mal à vous lever le matin ?
Moins depuis que j'ai arrêté de fumer.

Votre qualité préférée chez le singe ?
L'intelligence.

Et votre défaut préféré chez l'homme ?
L'émotivité, je crois.

Troublante Catherine


Par : Patrick Besson

Photos : Steven Silverstein et Marianne Rosenstiehl


Film associé : Agent trouble

 



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