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La madone du parking

Dans "Drôle d'endroit pour une rencontre", le premier film de François Dupeyron, elle joue une femme abandonnée par son mari au bord de l'autoroute. Un rôle d'anti-star. Un défi magistralement relevé

Deneuve jetée hors d'une voiture en pleine nuit, abandonnée par son mari sur une lugubre aire d'autoroute, ce sont les premières minutes de "Drôle d'endroit pour une rencontre", son nouveau film, qui sort cette semaine. S'ensuit un week-end d'agonie passé entre le parking et la cafétéria, à attendre désespérément le retour de son mari, à refuser la rencontre amoureuse d'un autre paumé de l'autoroute (fortement joué par Depardieu), à s'envoyer un camionneur (magnifiquement interprété par André Wilms, le célèbre M. Le Quesnoy) particulièrement moche. Deneuve en anti-star : cernes sous les yeux, cheveux en désordre, chaussures ridicules. Fatiguée, pathétique, au bord de la folie. Un rôle à la mesure de la grande actrice qu'elle est.

Vous jouez à nouveau une femme qui devient folle. Vous vous sentez à l'aise dans ce rôle ?
C'est un personnage que je comprends tout à fait. Une femme terrifiée de perdre un homme dérive lentement vers la folie. Le film est à la fois incroyable et vraisemblable : un type en a marre d'une bonne femme, ouvre la portière et la met dehors. On peut imaginer une dispute qui aille jusqu'au bout et une femme qui n'ait qu'une obsession : il faut qu'il revienne. Je pouvais m'identifier très facilement...

Nous avons toutes eu des instants de folie par amour...
Il y a toujours un moment où la passion crée un déséquilibre parce qu'on aime plus qu'on est aimé. On a peur, on est obsédé par l'idée de perdre l'autre. Aimer à ce point-là c'est une forme de folie, une perversion de l'amour... Je pourrais parler pendant des heures là-dessus (elle éclate de rire).

Livide, fragile, abîmée, dans ce film vous êtes bien différente de la star Deneuve. Vous prenez encore un risque.
Si j'ai pris des risques, c'est pour les besoins du rôle. Quand on tourne avec moins de maquillage, les yeux cernés, moins de rouge à lèvres, on est tout de suite émouvante. Ce qui est plus difficile, c'est d'affronter pendant des semaines les regards de l'équipe, on se sent plus nu.

Vous aviez un maquillage spécial ?
Franchement, on tournait très souvent la nuit et je dormais très peu, alors au lieu de me cacher les cernes on ne me les cachait pas. Et comme j'ai les lèvres pâles, ne pas me mettre de rouge à lèvres me fait paraître beaucoup plus vulnérable.

Mais pourquoi aller vous geler les pieds sous la pluie pendant des nuits de tournage ? Pourquoi ne pas vous contenter de rester une star ?
C'est vrai, si vous passez cinq jours sur un tournage vous découvrez le côté physiquement douloureux du cinéma. Mais tourner, pour moi, est un vrai choix. Je ne peux pas envisager de ne plus tourner. Au début, on m'engageait pour mon physique. Heureusement, c'est très vite devenu autre chose. J'ai tourné avec des cinéastes comme Demy ou Polanski qui m'ont mise sur des rails : je me suis très vite davantage intéressée au film qu'au fait d'en être l'actrice. Les acteurs à un certain stade de célébrité sont en danger d'être trop protégés. De toute façon je n'aime pas la tranquillité absolue, il faut que les choses vivent, que je continue à avancer. Quand je me dis que je pourrais simplement gérer mon image de star, c'est que je suis très, très fatiguée physiquement, et donc moralement (elle éclate de rire). Profondément ce n'est pas mon caractère.

Et le métier de star ?
Le métier de star est plus géré par les autres que par soi-même. Je gère ma protection - rapprochée (rire) - mais je vis assez simplement. J'habite ce quartier Saint-Sulpice depuis longtemps. Les gens me connaissent, je promène mon chien et je porte des paquets. Je ne sors pas de chez moi pour m'engouffrer dans une voiture avec lunettes noires. Je conduis moi-même. J'ai une vie extrêmement privilégiée mais dans un environnement assez naturel. Etre star c'est le luxe de faire ce qui vous plaît. Ça, c'est le bon côté des choses. Cela dit, je sais que je ne peux pas aller dans un grand magasin toute seule ou passer plus de deux jours au festival de Cannes, ça me coûte trop. Les gens, les photographes, on vous attend à la sortie de l'hôtel, on se bouscule, vous êtes obligée d'aller à certains endroits, vous ne pouvez vous arrêter en route si vous voulez regarder quelque chose... Ça c'est le mauvais côté du statut de star.

Vous n'aimez pas ça ?
J'en ai horreur. Je ne peux pas non plus aller dans certains quartiers à certaines heures... Je ne peux pas prendre le métro. En réalité je n'envisage pas de me trouver toute seule dans la foule. Non que j'aie peur qu'il m'arrive quoi que ce soit - les gens ne sont jamais agressifs avec moi - mais je n'aime pas devenir un centre d'attention. Et puis il y a des jours où je ne me sens pas en forme et je n'ai pas envie d'être regardée par les gens. Ces jours-là, je ne sors pas.

Vous dites toujours qu'avoir des enfants vous a aidée dans votre vie d'actrice.
Oui, parce que les acteurs ont tendance à construire leur vie autour de ce qu'ils sont : on pense à soi tout le temps, on s'explique sur soi. Avoir des enfants force à s'occuper d'autre chose que de soi. C'est un métier où on peut tourner mal, surtout les actrices. Les problèmes du quotidien, d'école, de menu pour le dîner, m'ont fait du bien, m'ont aidée à garder un sens des hiérarchies, même si je ne me suis pas occupée de mes enfants en permanence.

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Par : Annette Lévy-Willard
Photos : Bettina Rheims


Film associé : Drôle d'endroit pour une rencontre

 



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