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Parfum de femme

Elle s'est initiée à l'alchimie des arômes pour composer elle-même ce mélange de senteurs auquel elle a donné son nom. "Deneuve" fleurira en France dans le courant de l'automne.

Catherine Deneuve, ce n'est pas la tête et les jambes, qu'elle a pourtant ravissantes. Ce serait plutôt une tête (bien pleine) et un cœur, qui bat sans bruit, pour des intimes auxquels elle demeure indéfectiblement fidèle, par-delà ses activités multiples et la célébrité qui, comme une mauvaise herbe, envahit l'allée bien ratissée de son jardin secret. Il y a longtemps déjà, elle avait prêté l'ovale de son visage à l'objectif de Richard Avedon, pour soutenir les campagnes américaines du "N° 5" de Chanel. Alliance heureuse et mission accomplie. Mais autre chose était de donner un nom à un nouveau parfum, comme l'en pressait un grand groupe américain. Perfectionniste de naissance, prudente par expérience, passionnée par toutes les bonnes odeurs qu'on trouve dans la nature, Catherine, si elle peut être une fille ou une mère, n'a rien d'un marraine. Pas question de baptiser une fragrance comme on casserait un flacon sur la coque d'un paquebot étranger. Aussi a-t-elle directement joué sur l'orgue à parfums, s'initiant à la chimie et à l'alchimie des arômes pour composer, quand tous les sens se conjuguent, ce que les "nez" appellent un "jus".

Dans ces laboratoires de pointe, face aux millions de combinaisons possibles, j'étais comme une enfant devant un jouet magnifique. J'ai testé, hésité, éliminé jusqu'à ce qu'il ne restât plus que trois éventualités. Comme je tournais à ce moment-là en Italie, chaque jour je portais une des trois odeurs possibles et en observais les répercussions sur mon comportement. Un soir, enfin, ce fut celle-là. Ma note à moi.

Lancé depuis deux ans aux Etats-Unis dans une robe de cristal taillée par Serge Mansau, avec son bouchon en forme de nœud, le parfum "Deneuve" fait un malheur. Dans le courant de l'automne, il fleurira chez nous.

Qu'on ne s'y trompe pas, c'est très intimidant, car, comme à la roulette russe, c'est soi-même, toute son image qu'on met en jeu.

Image. Quand on rencontre Catherine Deneuve, son calme, sa fraîcheur, sa légèreté en toute circonstance (ce jour-là, elle venait juste d'emboutir un camion avec sa Porsche, après une longue journée de travail) la métaphore s'impose. Elle évoque un jardin, plus anglais qu'italien ; un verre de lait au miel sous un pommier en fleur, des abeilles qui butinent l'églantine, pâle, fragile, pleine d'épines... Comme une bordure de vivaces au printemps, Catherine sortant de son silence, réémerge à chaque film, toujours plus épanouie. Comment s'étonner que depuis plus de vingt ans, au cœur de la Normandie, elle s'acharne à planter des arbres, à faire pousser toutes sortes de plantes fleuries et d'herbes aromatiques ?

J'ai un grand jardin très sauvage, plein de roses anciennes et de buissons odorants. Tout cela fait vraiment partie de ma vie intime. Un arbre qu'on plante, ça dure. Et on arrive vraiment à modifier l'apparence des choses. C'est merveilleux et rassurant de savoir que, sur ce vaste globe, il y a, comme une petite tête d'épingle, bien ancré au sol, un coin à vous qui continue de pousser. Le parfum aussi accompagne chaque instant de ma vie. Dans mes cheveux, sur ma nuque, à l'intérieur de mes vêtements..., comme un fil conducteur. J'oublie plus facilement de prendre mes lunettes ou mes clés que de me parfumer. Ou alors, c'est que je suis très déprimée.

Avec l'aide des chimistes, Catherine Deneuve a surtout effectué un travail d'introspection, partant à la recherche de senteurs enfouies au fond de sa tête et de son cœur. Une auto-analyse qu'elle résume par cette formule :

Pour moi, le parfum, c'est la mémoire.

Quelle image vient à l'esprit de Catherine Deneuve à l'énoncé des essences qui composent son parfum ?

Pour la note de tête, florale.

L'ylang-ylang : un mot exotique et plein de sortilèges ; comme un masque.

Le jasmin : un ami et un seigneur qui parle un peu fort si on ne le calme pas.

Le géranium : j'adore son odeur métallique. Pour mon jardin, j'en fais venir d'Angleterre de nombreuses espèces parfumées. Généralement, c'est le feuillage qui embaume plutôt que la fleur.

La fleur d'oranger : ça, c'est la maison, du sucre, du lait chaud et des madeleines.

Le muguet : la fraîcheur même. Le printemps. Et puis cela me rappelle le parfum que porte ma sœur aînée.

L'iris : tout le contraire du muguet. Une fleur élégante et splendide. Un parfum poudré de charmante vieille dame, désuet comme un bouquet de violettes.

Pour la note de cœur, boisée, épicée, herbacée.

Le patchouli : le mot même, comme les épices, me fait rêver aux grands ports de l'Orient.

Le santal : c'est une odeur chaude. Elle m'évoque la campagne, une cheminée ou ces boules durables et pénétrantes qu'on cache dans les armoires.

Le vétiver : une fraîcheur sèche et acidulée comme un citron. Une touche masculine.

La mousse de chêne : c'est curieusement une odeur qui me rappelle Noël et les crèches. Le parfum des champignons et des feuilles mortes quand il a plu.

La cardamome : c'est fort. Une graine d'Asie au goût poivré, qui parfume les infusions.

La sauge : la plante de la vie. Veloutée et rugueuse comme la langue d'un chat. J'en glisse souvent dans les bouquets et dans les plats que je prépare. On dit que c'est la plante de la longévité. (Un bref sourire.)

Le clou de girofle : les pomanders, oranges et citrons que nous cloutions et qui séchaient lentement en parfumant la maison.

L 'angélique : petite fille, j'adorais ces bâtons verts comme de grosses sauterelles qui couraient sur des gâteaux qu'on ne trouve plus.

Le galbanum : mystère absolu, ce qui n'est déjà pas si mal.

Pour la note de fond, ambrée, animale.

L'ambre : j'aime tenir ces boules dorées et grasses, les réchauffer au creux de ma main. Comme le santal, c'est une odeur très riche. Mieux vaut la contenir, sinon elle vous envahit.

La myrrhe : une senteur chaude et envoûtante comme l'Orient des rois mages. Certaines roses anglaises dégagent ce parfum. Je peux traverser tout le jardin juste pour les respirer.

La vanille : doux,chaud,épais et sucré comme ces bouillies que j'adore. C'est la touche enfantine.

La civette et le musc : à l'inverse , voilà des odeurs sauvages, animales et sensuelles. L'autre côté de mon jardin extraordinaire.

Deneuve lance "Deneuve"


Par : François Baudot
Photos : Pamela Hanson


Film associé : Aucun



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