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Ses interviews / Presse 1980-89 / Elle 1989 |
Repères
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Elle s'est initiée à l'alchimie des arômes pour composer elle-même ce mélange de senteurs auquel elle a donné son nom. "Deneuve" fleurira en France dans le courant de l'automne. Catherine Deneuve, ce n'est pas la tête et les jambes, qu'elle a pourtant ravissantes. Ce serait plutôt une tête (bien pleine) et un cur, qui bat sans bruit, pour des intimes auxquels elle demeure indéfectiblement fidèle, par-delà ses activités multiples et la célébrité qui, comme une mauvaise herbe, envahit l'allée bien ratissée de son jardin secret. Il y a longtemps déjà, elle avait prêté l'ovale de son visage à l'objectif de Richard Avedon, pour soutenir les campagnes américaines du "N° 5" de Chanel. Alliance heureuse et mission accomplie. Mais autre chose était de donner un nom à un nouveau parfum, comme l'en pressait un grand groupe américain. Perfectionniste de naissance, prudente par expérience, passionnée par toutes les bonnes odeurs qu'on trouve dans la nature, Catherine, si elle peut être une fille ou une mère, n'a rien d'un marraine. Pas question de baptiser une fragrance comme on casserait un flacon sur la coque d'un paquebot étranger. Aussi a-t-elle directement joué sur l'orgue à parfums, s'initiant à la chimie et à l'alchimie des arômes pour composer, quand tous les sens se conjuguent, ce que les "nez" appellent un "jus". Dans ces laboratoires de pointe, face aux millions de combinaisons possibles, j'étais comme une enfant devant un jouet magnifique. J'ai testé, hésité, éliminé jusqu'à ce qu'il ne restât plus que trois éventualités. Comme je tournais à ce moment-là en Italie, chaque jour je portais une des trois odeurs possibles et en observais les répercussions sur mon comportement. Un soir, enfin, ce fut celle-là. Ma note à moi. Lancé depuis deux ans aux Etats-Unis dans une robe de cristal taillée par Serge Mansau, avec son bouchon en forme de nud, le parfum "Deneuve" fait un malheur. Dans le courant de l'automne, il fleurira chez nous. Qu'on ne s'y trompe pas, c'est très intimidant, car, comme à la roulette russe, c'est soi-même, toute son image qu'on met en jeu. Image. Quand on rencontre Catherine Deneuve, son calme, sa fraîcheur, sa légèreté en toute circonstance (ce jour-là, elle venait juste d'emboutir un camion avec sa Porsche, après une longue journée de travail) la métaphore s'impose. Elle évoque un jardin, plus anglais qu'italien ; un verre de lait au miel sous un pommier en fleur, des abeilles qui butinent l'églantine, pâle, fragile, pleine d'épines... Comme une bordure de vivaces au printemps, Catherine sortant de son silence, réémerge à chaque film, toujours plus épanouie. Comment s'étonner que depuis plus de vingt ans, au cur de la Normandie, elle s'acharne à planter des arbres, à faire pousser toutes sortes de plantes fleuries et d'herbes aromatiques ? J'ai un grand jardin très sauvage, plein de roses anciennes et de buissons odorants. Tout cela fait vraiment partie de ma vie intime. Un arbre qu'on plante, ça dure. Et on arrive vraiment à modifier l'apparence des choses. C'est merveilleux et rassurant de savoir que, sur ce vaste globe, il y a, comme une petite tête d'épingle, bien ancré au sol, un coin à vous qui continue de pousser. Le parfum aussi accompagne chaque instant de ma vie. Dans mes cheveux, sur ma nuque, à l'intérieur de mes vêtements..., comme un fil conducteur. J'oublie plus facilement de prendre mes lunettes ou mes clés que de me parfumer. Ou alors, c'est que je suis très déprimée. Avec l'aide des chimistes, Catherine Deneuve a surtout effectué un travail d'introspection, partant à la recherche de senteurs enfouies au fond de sa tête et de son cur. Une auto-analyse qu'elle résume par cette formule : Pour moi, le parfum, c'est la mémoire. Quelle image vient à l'esprit de Catherine Deneuve à l'énoncé des essences qui composent son parfum ? Pour la note de tête, florale. L'ylang-ylang : un mot exotique et plein de sortilèges
; comme un masque. Pour la note de cur, boisée, épicée, herbacée. Le patchouli : le mot même, comme les épices,
me fait rêver aux grands ports de l'Orient. Pour la note de fond, ambrée, animale. L'ambre : j'aime tenir ces boules dorées et
grasses, les réchauffer au creux de ma main. Comme le santal, c'est
une odeur très riche. Mieux vaut la contenir, sinon elle vous envahit. |
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