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L'audace de Saint Laurent

Evénement : Catherine Deneuve a choisi "Femme" pour présenter, en couverture, ses coups de foudre de cliente amoureuse dans la dernière collection haute couture d'Yves Saint Laurent. Elle en profite pour parler de mode, bien sûr, mais surtout de la Chine, du Liban, de la littérature et du racisme. Deuxième événement : le 25 septembre, dans "Femme", vous découvrirez son tout premier parfum qui, aux Etats-Unis, est déjà un énorme succès.

Yves Saint Laurent a présenté lors de son défilé, des jupes portefeuilles fendues jusqu'à la hanche et des blouses en mousseline transparentes. Vous vous imaginez dans ce genre de modèles ?
Les blouses transparentes, non (rires), mais elles ne le sont pas vraiment en fait. Dans le showroom, elles donnent cette impression au moment du défilé à cause des lumières. Je porte beaucoup de choses comme ça et je peux vous dire que les jupes sont plus longues, les blouses un peu plus doublées. Les modèles sont adaptés pour être portés par les clientes particulières, c'est normal. De toutes façons c'est la preuve qu'Yves Saint Laurent est l'un des plus audacieux dans le portable, ce qui n'est pas rien. De l'audacieux dans l'importable, on en voit beaucoup. Lui, il garde une rigueur extraordinaire, il reste le plus grand mais je reconnais être une inconditionnelle. C'est dangereux, non, cette impression d'avoir raison ? (rires).

Il y a un autre défilé dont on a beaucoup parlé, celui de Jean-Paul Goude. Vous y avez assisté ?
Quelqu'un dans la presse a prétendu que je n'y étais pas, alors que j'étais restée à Paris uniquement pour le voir. J'avais déjà eu beaucoup d'informations sur ce que Goude voulait faire et je pensais qu'en y étant, j'aurais l'émotion en plus...

Et vous l'avez eue ?
Pas aussi longtemps que je l'aurais souhaité parce que j'étais en bas, place de la Concorde. Sur les Champs-Elysées, c'aurait été mieux mais les instants que j'ai vécus ont été très forts.

Vous êtes sensible au métissage ?
Oui, très. Mais j'ai peur de dire des choses démagogiques sur ce sujet. Je ne vis ni à La Courneuve ni à Sarcelles.

Est-ce du domaine de l'esthétique, un thème réussi dans un défilé ou l'envisagez- vous comme une réalité future ?
Le métissage est une chose à laquelle je crois sincèrement. Et si on évoque l'avenir du métissage, il faut se souvenir du passé, nous avons eu des relations particulières avec des pays étrangers. On a quand même été colons, on a pris des choses à ces pays, on s'en est servi sans états d'âme, on a fait venir des étrangers en France. Alors, que ceux-ci aient eu envie de s'installer chez nous, que leurs enfants soient nés en France au même titre que les nôtres, me paraît être la conséquence logique de notre histoire. Très franchement, je pense que c'est l'avenir et je m'en réjouis. De toute façon, je suis beaucoup plus à l'aise en Afrique qu'en Allemagne. Je me sens très latine. C'est très instinctif...

Vous avez suivi les événements qui se sont déroulés en Chine ?
Ça m'a bouleversée. J'y avais été cette année et j'ai gardé en mémoire tout au long de ce drame l'image de la place Tian An Men, celle que l'avais découverte, intacte, si grande, sur laquelle je m'étais promenée. Au début, quand j'ai vu que l'armée ne bougeait pas face aux manifestants, j'ai eu de l'espoir. Ensuite, quand tout a basculé... Je suis également effrayée par ce qui se passe au Liban. Il faut avoir la pudeur de ne pas trop ergoter sur ce genre de sujet mais plutôt agir. Je suis atterrée de me rendre compte que les pays démocratiques sont moins nombreux qu'on ne le pense. Je viens d'enregistrer la version française d'un film d'Amnesty International contre la peine de mort et la torture, qui passera à la télévision à la rentrée. On n'informera jamais assez les gens sur ces problèmes.

Pour vous faire comprendre, vous préférez employer le geste ou le verbe ?
Plutôt le verbe et, pour faire un jeu de mots, les adjectifs. Je suis très précise même si je parle un peu "en toupie". C'est vrai que dans la vie, pour m'exprimer, je fais beaucoup de gestes avec les mains. Curieusement, quand je tourne, j'ai du mal à en faire. Je peux même être complètement tétanisée. Ou alors, ils sortent du cadre. Je me souviens de grandes discussions avec François Truffaut à ce propos. Il m'a beaucoup appris à utiliser l'espace, à savoir dans quelle sorte de cadre je devais bouger. Parce que le problème vient qu'on a tendance à se mouvoir d'un point de vue subjectif, comme dans la vie, et pas forcément dans le cadre choisi par l'objectif de la caméra. Trop de metteurs en scène vous donnent des indications comme si tout se passait uniquement au niveau de la tête, de la bouche ou dans les yeux. Il vaudrait mieux se concentrer sur le mouvement, le déplacement... C'est un peu le défaut du cinéma français, cet immobilisme, à l'inverse du cinéma italien ou du cinéma américain.

Depuis un certain temps, vous faites des films dont on a l'impression qu 'ils jouent comme des électrochocs sur votre carrière. Je pense à "Agent trouble" de Mocky, "Drôle d'endroit pour une rencontre" de Dupeyron, à votre travail avec Téchiné...
Quelquefois, on me demande pourquoi les bijoux, le parfum, etc. ? Et je réponds, c'est une liberté, celle, matérielle, de pouvoir moins tourner, donc de choisir des films indispensables. D'en avoir fait tant, depuis si longtemps, de voir dans les rediffusions à la télé (où, soit dit en passant, on tricote votre carrière dans tous les sens) sa propre usure à travers tous ces rôles, on se dit qu'il est préférable de se donner les moyens de choisir. C'est important les électrochocs, comme vous les appelez ; il faut garder l'impression d'être vivante professionnellement, continuer à préserver la nouveauté, retrouver le côté à la fois précieux et ludique du cinéma. C'est une création permanente, le métier d'actrice. Rencontrer des gens comme Mocky, Dupeyron, Téchiné et bien d'autres heureusement, permet de continuer à respirer. Je ne veux pas faire de cinéma comme une chose imposée dans le seul souci de durer à l'image. Une actrice dont on dit qu'elle dure, quelle horreur, cette expression ! Cela dit, les bijoux, la mode, le parfum, ça me plaît énormément de m'en occuper. J'aime bien ce qui vous pare, qui sont des remparts aussi, des plaisirs éphémères. C'est une force, l'éphémère, non ?...

Vous avez peur du côté sprint émotif, accélération cardiaque, de la séduction ?
C'est ce qui rappelle que nous sommes en vie, non ? Je ne suis pas obnubilée par l'idée de séduire tout le monde. Je choisis les gens avec qui j'ai envie de parler, ce qui exclut d'avoir à être naturelle et chaleureuse avec tout le monde sinon nous ne le serions plus avec personne. Toutes nos relations deviendraient complètement banalisées. Je suis capable de nouer des contacts rapides avec des gens que je ne connais pas. Mais je dois me protéger. Ce n'est pas de la froideur mais de la retenue, une grande fragilité. Quand je suis surprise par une rencontre, quand ce changement de rythme cardiaque intervient à l'improviste, c'est un moment de vertige. Quelque chose qui ne se passe pas simplement dans l'amour au sens le plus attendu, mais aussi juste avant de tourner une scène ou pour un événement important. La peur a toujours été un moteur, je suis tétanisée et ça m'oblige à me lancer. C'est ma façon de fonctionner malheureusement. Je dis malheureusement parce que c'est épuisant.

On a parfois un petit côté "sauve qui peut" quand on avance dans la vie. Vous avez réussi à sauver des choses de votre enfance ?
Je parlais de ça avec ma mère l'autre jour et je me rendais compte que la façon dont j'aime vivre aujourd'hui est restée la même que celle que j'avais à 18 ans. J'ai évolué, bien sûr, mais, dans le fond, je n'ai pas vraiment changé. Je me suis bien confirmée certaines choses (rires) mais je n'ai pas procédé à beaucoup d'éliminations. Il y a des choses que j'aimais à cet âge-là et ce sont les mêmes aujourd'hui.

C'est-à-dire ?
Un certain mode de vie, plus sauvage qu'on ne pourrait l'imaginer, vivre dans des endroits retirés, la nature...

Vous vous intéressez à l'écologie ?
Oui, beaucoup, je suis une femme très verte (rires)...

Vous deviez tourner cet été un film avec André Téchiné.
Le film va se faire avant la fin de l'année, cette fois c'est sûr, ça faisait neuf mois qu'on en parlait. Après tout, c'est le temps d'une grossesse (rires). L'histoire est celle d'une femme qui part au Brésil retrouver son fils, un jeune homme qu'elle n'a pas vu depuis longtemps. On cherche toujours le titre.

On entend déjà parler d'un livre-cassette qui doit paraître aux éditions "Des femmes".
J'ai eu beaucoup d'entretiens déjà filmés avec Antoinette Fouque et nous avons le projet de sortir le livre ensuite. Pas vraiment du genre à sensations avec révélations et noms d'acteurs, non, plutôt un
récit lié à ma vie, un livre intérieur où je me mets à mon chevet.

Quelles sont vos lectures du moment ?
Je suis plongée dans le livre de correspondances de Sylvia Plath et de sa mère publié aux éditions "Des femmes". Autrement, je lis des ouvrages d'Henry James, de Doris Lessing. Mais vous savez, je suis plus une contemplative. Les livres me rassurent. Je ne suis pas quelqu'un qui fait un travail de réflexion dès qu'il lit, je ne suis pas une intellectuelle. Je suis simplement une cérébrale. Ce n'est pas pareil.

Spécial haute couture avec Catherine Deneuve


Par : Jean-Luc Marty
Photos : André Rau


Film associé : Aucun



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