Nous avions remis Cannes dans Cannes en y invitant, pour être "star" le temps du Festival, une jeune actrice sans emploi (mais non sans talent et sans charme), Muriel Flory. Aujourd'hui, nous hissons la mode au plus haut niveau du cinéma en offrant une star comme mannequin à la collection de prêt-à-porter hiver 1984-1985 d'Yves Saint-Laurent. Et quelle star ! La plus sollicitée, la plus adulée, la plus fameuse, la plus belle ! En un mot, l'unique : Catherine Deneuve, joyau d'or pâle dans l'écrin des plus jolies toilettes du monde. Nous en sommes d'autant plus fiers que, pour nous accorder cette faveur, Catherine a dû trouver quatre heures et demie de liberté dans un emploi du temps surchargé : un joli trait de courage dans le soleil de son sourire. Sixtine Gillot, organisatrice de cette séance de pose exceptionnelle, nous raconte, minute par minute, ce rendez-vous d'une star et de la haute couture sous le signe de France Soir Magazine. Et nous révèle les nombreuses émotions qu'il lui a values !

En vogue, notre "mode" est au plus haut niveau aujourd'hui en vous offrant une star pour mannequin de la collection de prêt-à-porter hiver 1984-1985 d'Yves Saint-Laurent en avant-première. Et quelle star ! Catherine Deneuve... Nous en sommes d'autant plus fiers que, pour nous accorder cette faveur, Catherine a dû trouver quatre heures et demie de liberté dans un emploi du temps surchargé. Après "Fort Saganne", elle tourne, en effet, actuellement, le nouveau film d'Elie Chouraqui, "Paroles et musique". Mais, depuis trois semaines, les prises de vues ont lieu la nuit et ne la libèrent jamais avant sept heures du matin. Jacques Perrin, Christophe Lambert, Dominique Lavanant, Richard Anconina et Charlotte Gainsbourg (onze ans, fille de Serge et de Jane Birkin), qui y fait des débuts superbes, ses partenaires, sont devenus, comme elle, des noctambules (forcés). Et ce détail ajoute une valeur hors de prix au cadeau qu'elle nous offre ici : un joli trait de courage dans le soleil de son sourire.

Mais cet après-midi de pose a tout de même été un grand moment d'émotion pour notre équipe. Nous attendions Catherine à quatorze heures. Dès treize heures, la collection d'Yves Saint-Laurent (en vente fin juillet) et le mobilier d'Ecart International, sélectionné par Eva Sereny, la photographe, étaient en place dans le studio. Premier travail, choix des vêtements : un manteau de marabout et d'autruche pour la photo destinée à la couverture, un tailleur de cuir noir, un ensemble cardigan à torsades vertes en cachemire sur pantalon noir...

Soudain, une femme dont je ne vois d'abord que les Ray-Ban noires surgit en coup de vent : "Salut, salut !". Veste chinoise rouge, brodée d'or, pantalon à pinces grenat et fines ballerines noires : Catherine-la-star. Tandis que sa coiffeuse (depuis dix-huit ans au service de ses cheveux et son maquilleur personnels agitent leurs quatre mains de charme autour de son visage, Catherine me parle de Saint-Laurent, de la collection qu'elle a accepté de présenter pour notre magazine.

J'aime ses créations depuis si longtemps, explique-t-elle, que j'ai du mal à avoir un jugement particulier sur les dernières ! Yves a été le précurseur de toutes ces couleurs audacieuses que j'aime, de la pureté des lignes qui m'enchante... Et puis la qualité des tissus qu'il emploie me donne un plaisir physique à les porter...

Elle ajoute, en éclatant de rire :

Dans les robes de Saint-Laurent il faudrait être toute nue ! Ce serait le seul moyen d'en appprécier autant l'envers que l'endroit...

Je lui fais tout de même remarquer que pour quelqu'un qui dit aimer les couleurs, elle est souvent vêtue de noir...

Mais, réplique-t-elle, le noir est loin d'être classique. Les vêtements noirs sont aussi riches que les autres... Et je vous rappelle que la robe que je portais au festival de Cannes était bleu-acier !

C'est vrai. Mais le Festival, c'était entre fiction et réalité, à mi-chemin du cinéma et de la vraie vie. Et dans la vraie vie, justement, de quel œil voit-elle la mode des autres ! Comment juge-t-elle la façon dont s'habillent les femmes qu'elle rencontre, cette grande star toujours si impeccablement élégante ?

Tout le monde a ses problèmes quotidiens, répond-elle, je le sais très bien. Selon ce que les gens font, l'endroit où ils se rendent, il est tout à fait normal qu'ils s'habillent comme ils l'entendent. Mais je ne les juge pas selon leurs vêtements. Je suis d'une extrême tolérance envers les autres.

Vous êtes, malgré tout, d'une grande exigence envers vous-même ! On vous voit toujours très belle, très raffinée...
Oh ! la, la ! Ce n'est pas vrai du tout ! Je suis comme tout le monde. Moi aussi, il y a des jours où je n'ai pas envie de m'habiller. Et puis je suis toujours très pressée, je fais les choses vite et pas toujours très bien. Si le résultat est quand même réussi, ce n'est que l'effet d'un heureux hasard !...

Pourtant sa séduction me semble très étudiée. Catherine Deneuve s'en défend. Elle assure ne rien faire pour attirer les regards grâce à ses vêtements. Elle n'y attache, d'ailleurs, une réelle importance que lorsqu'elle tourne, par respect pour son travail. Le reste du temps, elle se veut la plus discrète possible...

Nous bavardons ensuite de toutes ces nouvelle gyms qui font fureur : aérobie, gym-tonic... Elle n'aime que les sports doux, doux, doux. Ses penchants la portent plutôt vers la bicyclette et les longues marches à pied pour bien respirer. Quant au tennis, elle préfère ne pas en parler :

A Roland-Garros, et seulement comme spectatrice !, avoue-t-elle en riant...

Et elle va poser pour nos photos, changeant de tenue avec une agilité de gymnaste, tout l'après-midi, bien plus coopérative, gentille, simple, que bien des mannequins inconnus, elle, la star la plus fameuse de tout le cinéma français !...

A 18 h 45, sourire aux lèvres, Ray-Ban de retour sur son nez, Catherine nous serre la main, chaleureuse, amicale, et file vers son tournage. Pour elle, la journée commence à peine : elle ne va s'achever qu'à sept heures, demain matin. Et je suis sure qu'elle aura toujours le sourire. C'est cela, l'amour du métier !