Ses interviews / Presse 1980-89 / Source inconnue 1984
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"Les photos me volent mon âme"

EIle est belle, elle a du charme, elle a la grâce. Et comme elle est pudique aussi, secrète, émotive, elle est victime de son mystère. Figée par des clichés : froide, hautaine, sophistiquée. Parce qu'elle n'a jamais voulu jouer les sex symboles ("Je préfère qu'on m'admire, plutôt que de déchaîner les passions"). Parce qu'elle a toujours voulu se protéger :

Tant pis si je suis devenue une image, et si j'en suis prisonnière. Je me refuse à me montrer au public telle que je suis dans le privé, je refuse qu'on me photographie en train de faire mon marché ou dans ma chambre à coucher. Je dois faire rêver d'accord... mais dans les films. Alors si je passe pour hautaine, c'est dommage parce que ce n'est pas conforme à la réalité, mais je préfère cela plutôt qu'on me tape sur l'épaule .

Différente de l'image que le public se fait d'elle, Catherine Deneuve cherche pourtant à varier ses profils. La madone du cinéma romantique s'est transformée en tornade blonde, l'amoureuse angélique à la grâce menue s'est muée en schizophrène ou en trouble libertine, alliant la drôlerie à la perversité, la cruauté à l'émotion, le désespoir à la vitalité. Peine perdue ?

Vigilante, elle veille à rester une vraie dame de cœur :

"Je sais que c'est naïf, mais je ne pourrais pas jouer une femme qui me déplairait". "Ce n'est pas parce que ces rôles ne colleraient pas à mon image, c'est par impossibilité de donner une image de moi qui me déplaît.

Voilà pourquoi elle n'aime pas les photos.

Si je suis un peu moi-même dans les films, je ne me retrouve jamais dans les photos. J'ai une réticence devant l'objectif des appareils photos que je n'ai pas devant la caméra. Je suis toujours frappée de voir la différence entre les photos prises par des amis, naturellement, et les photos professionnelles, où je suis toujours figée. Si vous saviez à quel point je n'aime pas poser ! Quand elles sont bonnes, je suis contente certes... mais je déteste les faire. Ce n'est pas qu'elles ne me rendent pas justice, je n'ai pas à me plaindre... mais je suis comme les Africains qui pensent qu'on leur vole leur âme...

Mon Dieu ! Sur la première, je trouve que je ressemble à mon fils. C'est drôle parce qu'en général, j'ai l'impression de ne pas avoir tellement changé, mais là... La première est timide, plus inquiète, alors que la seconde est plus sereine, plus assurée. Pourtant je ne me vois pas comme quelqu'un de sûr de soi. Mais c'est évident : j'ai l'air d'être devenue plus tranquille, plus philosophe...

"Les Parisiennes" (1961)

C'est loin, mais je m'en souviens très très bien. Johnny était encore plus intimidé que moi. Il l'est toujours, d'ailleurs... Mais il a un vrai tempérament d'acteur. Je suis sure qu'il peut faire des films.

"Les parapluies de Cherbourg" (1963)

Un conte de fées, un tournage idyllique. Cette scène était tournée avec un immense plan à la grue, et il y a eu un problème de laboratoire : il a fallu la retourner. J'avais dix-neuf ans. Demy est toute fluidité, douceur, danse. J'ai eu la chance de faire peu après "Les demoiselles de Rochefort" avec lui, et ce film-là, pour les raisons que vous devinez, je ne voudrais pas ne pas l'avoir tourné. Dans "Les parapluies", c'est Agnès Varda qui m'a inventé cette coiffure. J'en ai presque pleuré la première fois qu'elle m'a tiré les cheveux en arrière. J'avais une frange qui me tombait dans l'œil, comme toutes les adolescentes qui ont envie de se cacher et quand elle m'a dégagé le front, j'ai vraiment hurlé, comme si elle m'avait déshabillée. J'ai supplié, je ne voulais pas, je me trouvais monstrueuse... Jacques Demy m'a rassurée, mais ça m'a coûté énormément.

"Répulsion" (1965)

II y a longtemps que je ne l'ai pas revu, mais je suis sure que c'est un film qui n'a pas bougé. On tournait à Londres, en studio, et à cause du lapin pourri, des mouches, il y avait de ces odeurs ! Avec Polanski, j'avais fait auparavant une erreur de jeunesse. La première fois, il m'avait proposé de faire "Naïves hirondelles". Je l'avais refusé car je trouvais que le personnage était complètement idiot. J'étais presque vexée qu'il m'ait proposé un rôle de sotte ! Si c'était à refaire aujourd'hui ! Polanski m'a fascinée parce qu'il s'occupe absolument de tout, y compris des accessoires. Avec un magnétisme incroyable.

"Belle de jour" (1966)

C'est sans doute le rôle qui m'aura le plus marqué, celui dont l'empreinte est la plus tenace vis-à-vis du public, avec celui des "Parapluies"... Ce sont les deux images les plus fortes, aux deux extrêmes. J'ai eu des relations difficiles avec Buñuel. On ne se parlait pas beaucoup. II aurait voulu faire des choses qui allaient beaucoup plus loin, moins strictes. Et moi j'avais des réticences. Je trouvais que les situations étaient déjà assez extravagantes, et je n'avais pas envie d'en rajouter. D'où quelques petites tensions.

"Benjamin" (1967)

Sur la photo, je souris mais mon souvenir est moins souriant. C'est une période douloureuse de ma vie. J'étais dans un nuage. J'ai tourné un peu comme une automate, embrumée. Heureusement, le chagrin n'a pas marqué le film...

"Mayerling" (1968)

Belle coiffure, beau costume… il y avait tout ce qu'il fallait... sauf l'essentiel. C'est un film qui n'a pas d'âme. C'était tellement guindé ! Et ce fut pourtant un énorme succès. Je ne regrette pas de l'avoir fait, mais c'est dommage qu'il ne soit pas plus charnel.

"Tristana" (1970)

Alors là, j'ai eu l'impression de rencontrer Buñuel. Lui, il retrouvait l'Espagne avec émotion. Et quand il filmait Fernando Rey, il regardait vraiment la mort de près. Je m'étais teinte en brune, j'avais accepté de m'enlaidir, et il était très content. On a communiqué énormément, sans se dire beaucoup de choses. Regardez, ça, ce n'est pas une photo posée ! C'est pour cela qu'elle est bien.

"Touche pas à la femme blanche" (1974)

Qu'est-ce qu'on a ri en tournant ce film ! Une fantaisie, folle, farfelue, faite dans l'euphorie de "La grande bouffe". J'avais déjà tourné "Liza" avec lui. Au début, j'avais été très désorientée : Marco Ferreri ne crie pas, il hurle. C'est un violent. Mais s'il y a beaucoup de cinéastes qui aiment tourner avec des femmes, il y en a très peu qui écrivent de très beaux personnages féminins. Marco est dans ce cas.

"Zig Zig" (1974)

C'est un film insolite, poétique, qui a quelque chose d'inachevé. Mais il fait partie de ces films dont l'échec est plus intéressant que certaines réussites. Cela a été un échec. Et le public m'a complètement refusée dans ce rôle de chanteuse de beuglant. Je ne regrette pas de l'avoir fait.

"Le sauvage" (1975)

C'est grâce à Rappeneau que j'ai pu faire de la comédie. J'avais été emballée par le rôle de "La vie de château" qui jurait avec mon étiquette de jeune première romantique. "Le sauvage" m'a fait retrouver ce plaisir : l'impression de faire quelque chose de musical, avec un rythme à respecter, comme si on chantait juste ou faux. Yves Montand en outre (comme Depardieu) est un acteur très stimulant, qui vous oblige à monter d'un cran tout le temps, à fournir beaucoup plus. Cette image de moi est différente. D'habitude, j'ai les cheveux gonflés, et tout à coup, les gens se sont dit : "Tiens, enfin on la débarbouille !" Je n'étais plus apprêtée, mais les cheveux collés et mouillés, les jambes nues, bronzée. Plus sexy. Et cette robe qui me posait des problèmes parce qu'elle me collait à la peau.

"Ecoute voir" (1978)

Ça aussi, c'est un film qui n'est pas tout à fait réussi, n'est pas tout à fait réussi, mais je l'aime bien. En le revoyant récemment, je me suis moi-même un peu agacée. J'aurais dû jouer avec un peu moins de sérieux. Ça manquait de simplicité. Mais ce rôle, c'était le rêve : pouvoir tirer au revolver, casser la figure... Le mythe de la grande blonde glaciale en prenait un coup ! Et cela m'amusait de montrer une femme qui, dans un métier d'homme, ne profite pas de son charme féminin.

"Le dernier métro" (1980)

Je ne savais pas que cela allait être un immense succès public, mais en lisant le scénario, en tournant, j'étais certaine qu'on était en train de tourner un grand film. J'ai fait deux films avec Truffaut. Sur "La sirène du Mississipi", il m'avait demandé des choses que je n'admettais pas, dont je ne voyais pas la nécessité. Mais il m'a appris énormément. Par exemple à bouger sans avoir à me déplacer, à soutenir le regard, à styliser mon jeu.

"Je vous aime" (1980)

Tout le monde a cru que le film racontait un peu ma vie, mais en réalité, et il en convenait, le personnage c'était Claude Berri : il s'identifiait totalement à son histoire. Moi j'avais parfois envie d'affirmer ma différence par rapport à cette femme dont l'égoïsme m'irritait. Cette scène-là, c'était un flash back, et avec une perruque, je m'étais refait la tête de "Répulsion". Ca m'avait plu. La frange, ça rajeunit toujours.

"Fort Saganne" (1984)

C'est un très beau film. Chapeau pour Alain Corneau : ils ne sont pas nombreux les cinéastes français à pouvoir venir à bout d'un tel tournage. Une restriction : je crois vraiment que pour une vedette, venir faire un rôle si court, en participation, cela pose un problème. Le spectateur vous voit arriver tout à coup, et il n'a pas le temps d'oublier que vous êtes Catherine Deneuve… Je me demande s'il faut continuer ce genre de prestation.

"Paroles et musique" (1984)

Ce qui m'a plu, d'abord, c'est qu'à l'évidence, le rôle n'avait pas été écrit pour moi. Ce décalage m'amusait. C'est bien plus amusant de faire des choses qui, au départ, ne vous étaient pas destinées, dans lesquelles on ne vous avait pas imaginé. Et puis c'est un film qui, bien qu'écrit par un homme, a une vision féminine des femmes. Il y a une justesse des détails. Cette photo-là, elle me plaît beaucoup. C'est celle-là que j'aurais aimé voir en couverture.

 


Par : Jean-Luc Douin


Films associés : Les Parisiennes, Les parapluies de Cherbourg, Les demoiselles de Rochefort, Répulsion, Belle de jour, Benjamin, Mayerling, Tristana, Touche pas à la femme blanche, Zig Zig, Le sauvage, Ecoute voir, Le dernier métro, Je vous aime, Fort Saganne, Paroles et musique



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