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Ses interviews / Presse 1980-89 / Madame Figaro 1989 |
Repères
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Pour clore cette série des grands maîtres de la photographie, voici les dernières images du livre de Bettina Rheims "Female Trouble", publié par Schirmer Mosel. Bettina Rheims est née en 1952 à Paris. Actuellement elle est l'une des photographes les plus recherchées en France. Elle s'est faite remarquer principalement par ses portraits de femmes et ses photos de nus. Actrices, artistes, mannequins, amies, acrobates, stripteaseuses de fêtes foraines, femmes célèbres, femmes connues et inconnues, lui ont servi de modèles au cours des dix dernières années. La relation toute de sensibilité et de délicatesse que Bettina Rheims établit chaque fois avec son modèle, révèle son style, son sens aigu de la personnalité et de l'érotisme féminin. Dans la préface de ce livre, Catherine Deneuve raconte son amie, Bettina. Lorsque je travaille avec un photographe pour la première fois, j'ai l'impression que je vais découvrir quelque chose, comme une nouvelle pièce du puzzle. C'est une aventure qui commence. L'habitude, souvent, tue la surprise. Si l'on connaît trop bien le photographe, qu'on lui a déjà beaucoup donné, on s'offre facilement : il ne lui reste rien à conquérir. Une espèce d'autocensure s'instaure, le désir s'émousse. On court le risque de devenir banal et que les images perdent en profondeur. Bettina dit qu 'elle aime par-dessus tout le choc de la rencontre, l'exploration - ce qu 'elle appelle : "pousser une porte inconnue". En photographie comme dans la vie, il y a pourtant des rendez-vous manqués. La première fois que nous avons travaillé ensemble, Bettina et moi, le résultat ne s'est pas avéré à la hauteur de nos espérances. Je sentais qu'on ne s'était pas encore rencontré, c'était partie remise. J'aurais pu renoncer ; il arrive souvent qu 'un photographe ne me donne pas envie de retravailler avec lui ; mais là, je sentais que nous pouvions aller plus loin. Quelque chose m'intéressait dans les images de Bettina ; son "il" excitait ma curiosité ; il me semblait que sa façon particulière d'opérer, d'approcher les gens, devait me convenir : je souhaitais des photographies de moi "dans l'esprit " de celles qu'elle faisait. Nous ne nous étions pas tout dit, effectivement. Et les séances suivantes, très réussies, furent sans doute aussi importantes pour elle que pour moi. Ce qui me plaisait et que je cherchais dans ses images, c'était leur côté double. Elles sont à la fois féminines et masculines, dures et tendres. Tendres, sans mièvrerie, pleines d'une douceur qui n'est jamais condescendance, ou mollesse. Elles possèdent aussi une certaine dureté, qui n 'est ni amère, ni gratuite, ni méchante. Et puis elles montrent des visages très forts, sans que le corps soit escamoté pour autant. Personnellement, je n'aime pas exhiber mon corps. Parmi toutes les photographies que Bettina a prises de moi, au cours des années, mes préférées demeurent les plus évidentes : les plus classiques. Ce sont des portraits très purs, mais en même temps "charnels", qui dégagent une impression très physique. C'est assez mystérieux. De plus en plus, le public connaît mieux les comédiennes par leurs photographies que par leurs films : on se rappelle sans doute davantage les images des journaux que celles qui défilent et passent sur un écran ; les revues ont une durée de vie de plusieurs mois, les affiches, les couvertures restent longtemps accrochées sur les murs, dans les rues... Ce qui me touche beaucoup dans les images de Bettina, c'est qu'elles me paraissent des photos de chair, de peau, et rien de plus, davantage que de simples nus, et, dans tous les cas - qu'on y voit un décolleté ou que le modèle soit entièrement dévêtu - avant toute chose, des photos. Certaines de ces images peuvent me choquer de prime abord ; elles ont tout ce qu'il faut pour cela : un décor de salle de bains, un lit ouvert, une pose ou une lumière brutale; mais on se trouve aussitôt en présence d'une histoire, et c'est peut-être le plus important. A mon sens, une photographie doit parler. Elle peut raconter, comment s'est passé l'instant du déshabillage ; chacun a une façon très personnelle et significative de se dénuder, d'exhiber sa nudité. Elle peut évoquer également les rapports du modèle avec le photographe. Les images de Bettina témoignent d'un climat de confiance formidable. Chez elle, les femmes semblent toujours consentantes ; elles ont accepté de se livrer, elles jouent le jeu, elles paraissent presque s'amuser. On voit bien que l'objectif n'a rien pris au hasard, ne leur a surtout rien volé. Bettina obtient ce qu'elle désire sans qu'il y ait viol. Une séance ne dure pourtant que deux,
trois heures, le photographe n'a pas le temps d'agir au rythme de la vie;
il lui faut aller droit au paroxysme. La qualité essentielle des
photos de Bettina c'est peut-être qu'elles renvoient à quelque
chose que l'on avait pressenti, deviné, imaginé, mais jamais
saisi totalement : elles nous font découvrir d'indéniables
évidences. |
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