Ses interviews / Presse 1980-89 / Télé 7 jours 1986
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"J'ai du mal à être une grande personne"

Une interview-vérité à l'occasion de la sortie de son nouveau film "Le lieu du crime", d'André Téchiné, coproduit par Antenne 2, et qui lui a valu un triomphe au Festival de Cannes. Devenue l'une des nos ambassadrices de charme aux États-Unis et dans le monde entier, elle parle de ses rôles, de ses réalisateurs, de sa carrière mais aussi de sa vie et sa passion pour les livres.

Dans "Le lieu du crime", d'André Téchiné, le rôle dramatique de Lili, cette femme qui bascule hors de la réalité, est, dit-on, votre plus grand rôle. N'est-il pas injuste d'oublier les autres ?
Il y a eu "Tristana", bien sûr, "Répulsion", "Le dernier métro" ou "Hôtel des Amériques", le premier film que j'ai tourné avec Téchiné. Si les gens les oublient, après tout, tant mieux. Je peux créer une surprise. Ils voient Lili et sont étonnés de me voir ainsi. La beauté du cinéma, c'est aussi son côté fugitif. Être actrice, c'est chaque fois être neuve.

Et puis dans Deneuve, II y a "neuve"... Votre film était en compétition au Festival de Cannes. Qu'est-ce que cela présentait pour vous ?
Un trac en plus, mais aussi un grand plaisir. Je n'ai pas l'esprit de compétition, mais cela donne plus de prestige au film.

Est-ce aussi une revanche, après "Hôtel des Amériques", qui avait été un échec pour Téchiné et pour vous ?
J'étais à la fois très triste mais pas trop étonnée de l'échec de "Hôtel des Amériques". Le film était très beau mais si pessimiste, si dérangeant, que j'ai pu comprendre le rejet du public. Avec "La sirène du Mississippi", de Truffaut, nous avions vécu la même expérience. Ensuite, le triomphe du "Dernier métro" a compensé. J'espère que nous vivrons la même chose avec "Le lieu du crime". Comme Truffaut, André aime les actrices, c'est un réalisateur féminin.

Téchiné dit de vous dans le film : "Ce qui m'excitait, c'est que, dans la dernière scène, Catherine soit embarquée par les flics et faire ainsi un pied de nez à l'image que les gens se font d'elle".
Je suis la complice d'André et avec préméditation pour cet outrage à "ladite" image (rire).

Pour qui vous connaît un peu, l'image Deneuve est plus complexe.
Pour qui me connaît, je suis beaucoup plus fragile que je n'en ai l'air. J'ai souvent dit, et c'est vrai, que j'ai du mal à être une grande personne. C'est tout le sujet du film.

Françoise Sagan a écrit un jour : "Catherine Deneuve, la fêlure blonde".
C'est un juste et joli résumé de ce que je suis. J'ai du mal à vivre avec moi-même. En ce moment, ça va parce que je n'ai pas le temps. Je me sauve de moi-même, grâce à un rythme intense qui chasse mon inquiétude. Je suis très fatigante pour ceux qui vivent près de moi.

Le cinéma est-il une nécessité, une passion ou une activité parmi toutes les autres, parfum, bijoux.... ?
Je ne me vois pas vivre sans le cinéma. Plus ça va et moins c'est possible. Il m'est arrivé dans des moments dépressifs de songer à l'abandonner. J'ai eu longtemps l'impression que je ne pourrais pas bien évoluer dans ce métier ou alors, lorsque je me suis trompée sur des gens, je voulais arrêter. Je suis de plus en plus exigeante et critique pour moi-même. Certains tournages m'ont rendue très malheureuse.

Avez-vous accepté des films uniquement pour de l'argent ?
Il m'est arrivé de tourner parce que j'avais besoin de travailler mais j'ai toujours choisi, même ceux que j'ai faits pour des raisons financières. Je ne crois pas à la pureté de l'acteur. Les acteurs ne font pas que des films pour l'art. Nous ne sommes pas des anges.

Avec l'expérience, vous avez su faire cohabiter la star Deneuve avec la comédienne qui brise son image officielle.
Vous avez raison. La star, si je peux reprendre votre mot, est au service de la comédienne et non le contraire. Mes activités commerciales me donnent une plus grande liberté pour mon métier de comédienne. Je ne souhaite pas trop tourner et je veux choisir.

Par exemple, choisir de travailler avec des jeunes réalisateurs ?
Ça fait vieux de dire ça ! (rire). Quand j'étais petite, je ne cherchais que la compagnie des adultes... Maintenant, je parle de jeunes, mais je veux dire par là des réalisateurs débutants, ce n'est pas tellement une question de date de naissance. Buñuel, à 70 ans, était un jeune homme.

Accepteriez-vous d'aller encore plus loin que dans le film de Téchiné ? De jouer dans un film provocant, comme Depardieu avec "Tenue de soirée" ?
Je n'ai pas de préjugés ni d'interdits. Je ne suis contre rien et je peux aller très loin si le film est sincère. Mais provoquer pour provoquer, non. Le seul défi à sa propre image ou au public, je n'y crois pas. Je ne veux rien prouver.

Vos rôles vous ont-ils fait évoluer autant que la vie ?
Les mauvaises expériences au cinéma m'ont fait gagner du temps.

Jouer, dites-vous, c'est aussi une souffrance.
C'est une souffrance mais qui vaut bien des bonheurs. C'est comme quand on lit un beau livre, on partage des souffrances qui procure une espèce de bonheur.

Vous aimez les livres ?
J'en achète énormément. Chez moi, j'en ai partout et ceux que je ne lis pas sont comme des reproches. Je consomme beaucoup de journaux et ils m'écartent des livres. Si j'étais un livre, je voudrais être dévorée... (rire).

Et que dévorez-vous en ce moment ?
"Le Chercheur d'or", de Le Clezio, le premier roman de Philippe Djian, l'auteur de "37,2 le matin", et je reprends, depuis des années, "Le Carnet d'or", de Doris Lessing.

Aimeriez-vous écrire ?
Non, je ne peux pas tout faire bien. Je suis une actrice, et j'aime être une actrice.

Ecrire, c'est peut-être trop se livrer et vous n'aimez pas tellement cela, ni même parler de vous.
Je dis ce que je pense mais pas tout ce que je pense. A chaque fois, j'ai le sentiment d'en avoir trop dit...

Star française, n'avez-vous jamais été tentée de faire une carrière en Amérique ?
Réussir aux États-Unis, cela veut dire s'installer et vivre là-bas. C'est exclu. Vivre en dehors de la France c'est impossible. En dehors de Paris, ce serait déjà difficile. A la rigueur, quitter mon quartier... et encore.

Catherine "la Française".
C'est ça... comme Marianne !


Par : Martine de Rabaudy
Photos :


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