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La star en coulisses

Avec "Fort Saganne", qui sera présenté au Festival de Cannes, Catherine Deneuve a tourné son 56ème film. Un riche palmarès pour la plus secrète de nos stars qui a subjugué son dernier metteur en scène, Alain Corneau. Pour Télé Star, il raconte Catherine derrière l'écran.

Le boudoir douillet d'un appartement parisien. Une femme nue, allongée voluptueusement sur un lit à édredon rouge. Elle dort. L'officier, en uniforme de l'année coloniale, avance vers elle. Il semble gêné. Il toussote. Elle s'éveille. Sa longue chevelure blonde s'agite. "Je vous attendais, dit-elle. J'avais préparé cette mise en scène pour vous recevoir. Et puis je me suis assoupie". Ils se regardent. Coup de foudre...

C'est la scène l'amour choc entre deux monstres sacrés de notre cinéma : Catherine Deneuve et Gérard Depardieu. Les vedettes de "Fort Saganne", avec aussi Sophie Marceau et Philippe Noiret. Un film mis en scène par Alain Corneau, très attendu, et qui sera présenté, en même temps, au Festival de Cannes et au public (sur les écrans à partir du 11 mai).

Aux studios de Boulogne-Billancourt, auditorium n° 5, le réalisateur Alain Corneau, les yeux rivés sur l'écran, surveille le montage du film. Il semble fasciné par ses comédiens, une distribution royale. Pour la deuxième fois, après "Le choix des armes", un remarquable polar avec Yves Montand, il dirige Catherine Deneuve. Madame, la star. De l'enthousiasme, du culot, il lui en faut pour accepter la proposition que lui fait le réalisateur : une participation de quinze minutes dans une épopée de trois heures qui coûte la bagatelle de quatre milliards de centimes. Mais la vraie Catherine est comme cela. Elle aime prendre des risques.

"Catherine a beaucoup réfléchi avant de me donner son accord, explique le metteur en scène. D'autant plus que c'est là seconde fois que je ne lui propose pas le rôle principal. Je lui ai avoué en m'excusant que je ne voyais personne d'autre dans le personnage de Louise Tissot. Elle était l'interprète idéale. Comme c'est un film romanesque, c'est donc un film d'acteurs et d'actrices. La rencontre du lieutenant Saganne et de Louise Tissot est capitale. Cette femme lui ouvre les yeux et fait évoluer le film".

Catherine Deneuve joue la scène la plus chaude de "Fort Saganne" dont l'action se déroule presque entièrement... au Sahara au début du siècle. Dans le rôle de Louise Tissot, journaliste, écrivain, mondaine, séduite par la fougue un peu grossière de Saganne, elle est la braise couvant sous la neige. La preuve : elle écrit sur cet officier français, revenu d'Afrique pour plaider la cause coloniale auprès des autorités gouvernementales, un article ironique pour le rendre furieux et l'attirer à elle.

Il tombera dans le piège. Corneau ne pouvait que choisir Catherine Deneuve : "Pour trois raisons. D'abord parce qu'elle est ambiguë. Elle a une espèce de pudeur qui cache des sentiments violents. Il y a une conjonction entre l'image qu'elle donne au public et celle de la journaliste du film. Ensuite, il fallait que son apparition soit fulgurante. Qu'elle fasse basculer le film dès le premier plan où elle entre en scène. Catherine a cette force. Et son autre atout : sa qualité de star, que je pouvais manipuler. Enfin, la dernière raison, c'est le couple qu'elle forme avec Gérard Depardieu. Etonnant, explosif. Ils s'aiment en trente secondes et peuvent vivre des jours entiers de folle passion".

Formidable duo ! Catherine Deneuve et Gérard Depardieu, déjà partenaires dans "Je vous aime" de Claude Berri, "Le dernier métro" de François Truffaut et "Le choix des armes", se retrouvent pour la quatrième fois. Sur le plateau de "Fort Saganne" ils se sont merveilleusement entendus. "Pendant les deux semaines de travail de Catherine, confie Alain Corneau, où elle apparaissait brutale dans un rôle brûlant, sensuel, charnel, elle a décuplé mon énergie de réalisateur. Cela se passait à Paris, au tout début du tournage mais je peux dire qu'elle a marqué tout le film : nous pensions ensuite sans cesse à elle-même en plein désert" .

Le réalisateur confie ensuite qu'il n'était pas le seul à être fasciné par la "grande dame". Son partenaire, Gérard Depardieu, l'est aussi. "Gérard est très impressionné par Catherine sur un plateau. Je crois que cela vient de l'intelligence qu'elle possède, de son besoin de communication, de rapport profond avec les gens et de son exigence vis-à-vis de son métier. Et puis, c'est une star. Quand elle arrive quelque part, il se passe quelque chose de magique. Un rayonnement. Une puissance magnétique extraordinaire".

Cela signifie-t-il que l'actrice est prisonnière de son image de femme inaccessible, mystérieuse, bon chic, bon genre ? "Faux, dit Alain Corneau. Elle a une vie d'une grande richesse à tous les niveaux. Elle aime les gens, la gastronomie, les objets, etc. Il ne faut pas se laisser prendre par l'image. Après tout, si l'image est vraie, c'est sa richesse, sa contradiction".

Un éclairage nouveau sur l'actrice et qui n'est pas partagé par l'ensemble des gens du métier. On l'a dit et répété : Catherine n'est pas facile pour certains, désagréable avec d'autres. Alain Corneau est catégorique: "Je le redis, mais c'est la réalité, Catherine est une femme d'une grande intelligence, c'est la marque de sa fonction d'actrice. Sur un plateau, elle est sensible à tout ce qui se passe autour d'elle. Il y a peu de choses qui lui échappent. Parce que c'est une remarquable comédienne, elle se méfie du personnage, elle se méfie des films qu'elle tourne. Ce qui compte pour elle, c'est la relation de confiance avec le metteur en scène, sans aucune arrière-pensée. La lumière, le son, les décors, elle est sensible à tout cela. C'est une actrice qui "apporte des cadeaux". C'est-à-dire que sur le plateau, elle va au-delà de ce qui avait été écrit pour elle. Une actrice non conventionnelle, voilà l'un de ses secrets" .

C'est vrai, Catherine n'appartient à aucun personnage bien défini :

Je lis tous les scénarios que l'on m'envoie, dit-elle. Je refuse quand ce n'est pas forcément original pour moi. Ce qui m'intéresse n'est pas toujours ce qu'il y a de meilleur. Mais il me faut un déclic, un désir profond, une envie personnelle. J'alterne le drame et la comédie, et puis il m'arrive de me laisser aller, par intuition.

Aventurière dans "L'Africain", une comédie de Philippe de Broca, vampire dans "Les prédateurs", un film fantastique avec David Bowie, Catherine Deneuve a satisfait ses admirateurs dans "Le bon plaisir", une satire du milieu politique, avec Michel Serrault et Jean-Louis Trintignant. Elle évolue à chaque expérience. Alain Corneau en est le témoin : "C'est plus frappant que chez les hommes, qui vivent sur des a priori, se bonifient, mais ne se transforment pas autant. Chez Catherine, il y a une mise en condition d'elle-même d'une grande force. Je crois sincèrement qu'elle n'a jamais aussi bien joué qu'aujourd'hui. Elle va vers plus de gravité. Par exemple, il y a dans le film une scène au cours de laquelle Catherine se jette aux pieds de Gérard. Ce n'est pas facile pour une femme d'aujourd'hui. Et là, j'ai senti une espèce de douleur morale de sa part. Mais elle l'a fait et même très bien fait".

Catherine Deneuve ne rate jamais un scénario qui lui offre une occasion de se livrer à fond. Dans un cinéma où les hommes sont souvent en haut de l'affiche, elle a su s'imposer :

Les femmes ont de plus en plus des activités professionnelles et ça se retrouve dans les films, dit-elle. Autrefois, au cinéma, les femmes étaient des maîtresses ou des épouses ou des infirmières, mais le personnage féminin était toujours lié à la vie sentimentale, jamais à une vie active ou professionnelle. Maintenant, on est dans un rôle sentimental mais aussi insérée dans la vie. Que les femmes aient pris dans la vie des responsabilités, ça élargit les rôles des actrices au cinéma.

Cette déclaration correspond tout à fait à la femme moderne qui décide tout, telle qu'on a pu la voir dans "Le bon plaisir". Maladresse du président de la République, elle s'occupait toute seule de son fils.

Et qu'en est-il de sa vie personnelle ?

Parfois, comme femme, je voudrais me coucher, ne plus décider. Parfois aussi, je me sens carrée, comme un homme qui expédie les affaires courantes. Je le remarque, je me dis : tiens, là, je suis un homme. Parfois, ça me fait un peu peur.

Rassurons-nous, Catherine redevient très vite la femme blonde, au sourire lumineux, que les hommes admirent. Dans un récent sondage, le public masculin français ne la mettait-il point en première place des "partenaires idéales pour une aventure amoureuse" ? Belle, belle, belle. A 40 ans, elle possède des traits parfaits, une plastique impeccable. On craque. Alain Corneau aussi "C'est miraculeux. Je suis frappé par sa beauté grandissante, par son regard de plus en plus profond, son rayonnement incroyable. J'ai l'impression que sa beauté est de plus en plus ouverte".

Très aimée par les hommes, Catherine Deneuve est aussi admirée par les femmes.

Oui, j'ai plutôt des amies femmes et je n'ai jamais considéré une femme comme une rivale. En plus, j'aime les femmes peut-être parce que je suis d'une famille de femmes, j'ai eu plusieurs sœurs, j'ai toujours été avec des femmes, donc j'ai toujours aimé les femmes avec lesquelles j'ai travaillé. Quand j'entends dire : "Tu ne sais donc pas qu'elles se détestent ?", je me dis : mais comment peut-on travailler avec quelqu'un qu'on déteste ? On ne peut pas devenir ami avec toutes les personnes avec lesquelles on travaille, mais l'idée de se détester, c'est un sentiment que je n'ai jamais éprouvé.

Jean-Paul Rappeneau, le réalisateur de "La vie de château" et du film "Le sauvage", a bien écouté Catherine. Il lui écrit un script sur mesure pour le début de l'été, ainsi que pour Isabelle Adjani. Titre provisoire: "Chic".

Ça m'excite beaucoup, explique Deneuve. Une comédie avec deux femmes, c'est amusant au départ. Quant à Adjani, je vous l'ai dit, je ne considère jamais une femme comme une rivale. Quelque chose en moi aime tempérer le passionnel.

Depuis le 16 avril, la journaliste mondaine de "Fort Saganne" s'est remise au travail, en rejoignant le plateau de "Paroles et musique", le nouveau film d'Elie Chouraqui, à qui l'on doit "Qu'est-ce qui fait courir David ?". Comme l'indique le titre, il s'agit de show-business. Entourée de Richard Anconina, Christophe Lambert, Dominique Lavanant et Jacques Perrin, la tornade blonde va retrouver son image de femme libérée. Pas question de s'arrêter de jouer après cette production, puisque André Téchiné ("Hôtel des Amériques") en fera l'épouse d'un avocat pied-noir dans "Le vent du désert".

Imagine-t-elle de travailler moins ?

Oh ! là, là ! Travailler moins, je m'en accommoderais, ce n'est pas que je sois paresseuse mais j'ai beaucoup de choses à faire dans la vie. Mais gagner moins d'argent, ça me poserait de gros problèmes. Je suis une cigale, je dépense tout ce que je gagne.

Pas si sérieuse que ça, Catherine Deneuve ? Mais si, une star bien vivante, équilibrée. C'est si rare.

La star en coulisses


Par : Julien Roche
Photos :


Film associé : Fort Saganne




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