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Catherine Deneuve se
raconte |
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On a tout dit d'elle - le feu sous
la glace, la star distante, un peu hiératique, la blonde intimidante
- mais il suffit de la rencontrer, comme l'a fait Elizabeth Stelescot
en exclusivité pour Télé Star, pour découvrir
une femme bien campée dans son siècle et à qui sa
beauté n'interdit pas de vivre, une femme qui aime rire, qui aime
aimer.
Elle arrive, alerte, gaie, en compagnie
de son fils Christian. Elle sort de l'ascenseur, je débouche de
l'escalier. Rencontre sur le palier. "Bonjour". On entre. "Posez
votre manteau là, j'arrive". Le fils et la mère s'éclipsent.
Isida, le chien, petite boule blanche, me précède dans le
salon. Douce lumière, lampes rétro en demi-teintes, décor
chaleureux, portes coulissantes noires à carreaux fumés
qui s'ouvrent et se ferment sans bruit. Chiara, sa fille, 12 ans et demi,
entre : "Bonjour", fauche le chien en passant et l'emporte dans
ses bras. Silence
La fenêtre me propose une image de cinéma
ou un décor de théâtre : l'église Saint-Sulpice
à la tombée de la nuit.
La voilà : décidée,
décontractée - pull, pantalon court et étroit, boots
- avenante, rieuse. Belle
décidément ! Elle me rejoint
sur le canapé. Je fume. "Moi, j'ai arrêté, me
dit-elle, mais ça ne me dérange pas".
Pour "Paroles et musique"
d'Elie Chouraqui, vous avez changé de style.
Oui. Mon personnage, Margaux, a des activités professionnelles
intenses. Il ne fallait pas que le public l'imagine sans cesse chez le
coiffeur. Et puis, comme le tournage se passait entre le printemps et
l'été, j'ai changé la couleur de mon maquillage :
plus doré, avec moins de fond de teint, ce qui rend la peau plus
naturelle, moins poudrée.
Cette transformation vous rapproche-t-elle
de votre public ?
Dans le film, Margaux est un être palpable, vulnérable. Elle
organise des concerts. Elle est fatiguée, dure, tendre. C'est un
personnage auquel on peut s'identifier facilement.
Ce film a-t-il été
écrit pour vous ?
Au départ non, mais quand je l'ai lu, j'ai dit : "Ah, ça
c'est pour moi !". Chouraqui a ensuite retravaillé le scénario
en fonction de ma participation au film. Mon rôle traduit le lot
de toutes les femmes qui se retrouvent seules avec des enfants et qui
veulent maintenir une harmonie, protéger tout le monde, faire face
et rester vibrantes. Des femmes qui veulent de l'amitié, de l'amour
l'amour total. Pour Margaux, il y a toujours la présence de son
mari en arrière-plan, mais quand elle rencontre Jérémy,
elle est prise par son charme
et on le comprend aisément.
Jérémy, c'est
Christophe Lambert. L'aviez-vous vu dans "Greystoke, la légende
de Tarzan" ?
Oui ! J'ai été très émue. Le film est magnifique
Christophe Lambert a un regard incroyable, un beau regard de myope, un
peu celui de Marlon Brando.
Cette façon de casser
votre image, est-ce pour mieux aller de l'avant ?
[Rires] Franchement oui, mais je ne calcule rien. Je n'agis jamais par
réaction, pour, ou contre. Je fonctionne à la crédibilité,
à l'envie que j'ai de faire les choses, surtout si cela me semble
cohérent. La cohérence, c'est tout ce qui compte pour moi.
Etre en accord avec soi-même
?
Oui, par rapport au film, au personnage. Dans six mois, je peux avoir
envie de tourner une comédie où j'aurai les cheveux platine.
Ce n'est pas incompatible. Après
je quitte le film. Cela
dit, j'apprends des choses, je découvre, et quelquefois je garde.
Je ne suis pas quelqu'un qui se transforme énormément. Je
sais que l'image n'est qu'une image, mais moi je suis là.
Vous arrive-t-il de regarder
vos films ?
Oh, pas souvent
Qu'en pensez-vous ? Peut mieux
faire ?
On peut toujours s'améliorer. Ils sont rares les films où
je me dis : "Ah, c'est la perfection". Très rares.
"Peau d'âne"
fait-il partie de vos bons souvenirs ?
Oui, "Peau d'âne", c'était magnifique, les robes,
une féérie, et la peau d'âne
C'était
le rêve.
Existe-t-il un film qui vous
a laissé une souffrance ? "Les demoiselles de Rochefort",
par exemple
Oh, non
c'était un tournage magnifique, au contraire. Je
suis vraiment contente que le film se soit fait [silence, émotion].
Je suis heureuse de voir Françoise, de l'entendre rire. Avoir l'image
et la voix de Françoise, c'est merveilleux. Une grande chance par
rapport aux souvenirs. Elle continue d'exister
[Catherine Deneuve avale une gorgée de citron mélangée
à du miel.]
Vous créez des bijoux
Parce que ça m'amuse beaucoup. Je n'ai pas à m'occuper du
côté administratif, c'est très intéressant.
Je dessine et je fais réaliser.
Votre vie est donc une partie
de plaisir ?
Attention ! Quand je dis "en m'amusant", cela signifie qu'on
peut s'amuser très sérieusement et travailler énormément.
Simplement, j'ai toujours aimé ce que je faisais. J'ai eu cette
chance, c'est vrai, mais ça ne veut pas dire sans travail et en
trois coups de baguette magique.
Etes-vous une femme forte, solide
?
Pour certaines choses, je suis capable d'avoir une détermination
farouche. Déjà, quand j'étais jeune, je savais ce
que je ne voulais pas faire, ce que je n'aimais pas, j'avais des goûts.
Mes amis n'ont pas changé, je les connais depuis des années.
Les raisons pour lesquelles je m'intéresse aux gens aujourd'hui
sont identiques à celles d'il y a vingt ans. Je suis restée
la même.
Qu'aimez-vous chez les autres
?
Leur personnalité. Je suis tout à fait capable de débroussailler
une personne très vite, quelle que soit la façon dont elle
se présente, même si elle met beaucoup de choses en écran
pour se sauvegarder, se défendre, avoir l'air de
Qu'est-ce que vous n'aimez pas
?
Le mensonge
mais on ment tous un peu. La méchanceté,
l'égocentrisme, l'égoïsme et l'avarice
Catherine Deneuve se couche-t-elle
tôt, se lève-t-elle tard ?
Elle se couche tard et se lève parfois tôt [rires à
cause de l'emploi de la troisième personne].
Qu'aime-t-elle comme musique
?
Elle écoute Mina, Bette Midler, Jane Birkin, Ray Charles, plein
de monde. En ce moment, elle est beaucoup sur 95,2, une radio privée
parisienne. C'est par périodes.
Lisez-vous ?
J'achète moi-même beaucoup de livres, des romans, mais je
n'ai pas tellement le temps de les lire parce que je lis surtout ce qui
se rapporte à ma profession.
Cuisinez-vous ?
Ce qu'il faut. A la campagne, j'aime bien faire le pot-au-feu, les gratins
dauphinois, les tartes anglaises, des plats qui peuvent attendre, car
à la campagne, je préfère être dehors, respirer,
écouter pousser les fleurs.
Regardez-vous la télévision
?
Oui, et les informations. Suffisamment pour savoir qu'actuellement certains
subissent les assauts de terroristes fous.
Avez-vous peur ?
Je suis impuissante par rapport à tout cela mais ce qui est impressionnant,
c'est la rapidité avec laquelle nous sommes au courant des événements.
C'est très pesant.
Vous intéressez-vous
à la politique ?
Je ne veux pas parler publiquement de politique car je ne suis pas une
autorité en la matière et que mes opinions seraient mal
interprétées. J'en parle avec mes amis bien sûr. Je
me méfie de la démagogie. Etre assise sur un canapé
en daim et parler de la misère et du tiers-monde, franchement,
je croirais voir un dessin de Claire Bretécher. J'ai pris position
pour l'Argentine, pour les Droits de l'Homme, mais pas pour des hommes
politiques.
J'ai lu que vous n'aviez pas
été contente de voir votre fils Christian tourner dans le
film de son père, Roger Vadim
J'estime que son père s'est tellement manifesté par voie
de presse pour se justifier d'avoir fait tourner son fils que je ne dirai
rien. Moi, j'ai élevé Christian, et il faisait des études.
Il était question qu'il fasse un stage de mise en scène,
et voilà qu'il fait le film comme acteur. Résultat : il
arrête ses études. De toute façon, Vadim parle pour
deux et même pour trois
[éclats de rire]. Je lui laisse
ce privilège.
Le bonheur pour vous, c'est
quoi, les enfants ?
C'en est une partie, mais il y en a de toutes sortes dans la vie. On ne
peut pas tout posséder en même temps.
Le fait que vous ayez été
seule pour élever vos enfants, cela leur a-t-il posé un
problème ?
Quand ils étaient petits, c'était un problème pour
moi, mais en fin de compte, c'est sûr que c'est un problème
de ne pas vivre avec ses deux parents. Aujourd'hui, c'est le cas de la
plupart des enfants.
Qu'aimeriez-vous laisser comme
image dans la mémoire des gens ?
Le souvenir d'une femme, et pas seulement d'une actrice.
Vous avez toujours gardé
vos distances, pourquoi ?
Pour me protéger, mais aussi contre moi-même, contre mes
coups de tête, mon côté impulsif.
François Truffaut a dit
de vous : "Catherine est purement "cinéma" ".
Que pensez-vous de lui ?
Je ne sais pas. J'ai le goût du secret comme lui, et il l'avait
par économie de temps. Je ne chercherais pas à dire quelque
chose d'original, parce que ce sera original, mais il avait une grâce
extraordinaire.
Quel rôle aimeriez-vous
interpréter ?
Celui d'Evita Peron, l'ancienne présidente de l'Argentine.
Quels sont vos projets immédiats
?
Rien de signé encore mais j'ai à l'heure actuelle deux propositions
de films, l'un en France, l'autre à l'étranger.
Avez-vous un message pour Noël
?
Aimez-vous les uns les autres. A.I.M.E.Z.- V.O.U.S. S'aimer ! S'aimer,
c'est respecter les autres et apprendre à vivre ensemble.

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