Ses interviews / Presse 1980-89 / Vidéo 7 1984
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"Je crois aux couples de cinéma !"

Vous avez absolument tenu à participer à "Fort Saganne" d'Alain Corneau. Qu'est-ce qui vous a plu dans ce projet ?
Je n'apparais que durant dix ou douze minutes dans "Fort Saganne". J'ai d'ailleurs un peu hésité à accepter le rôle car il est très court. Mais je me suis trouvée confrontée à mes propres paradoxes car j'ai souvent dit que ce qui compte pour moi, c'est davantage les films que les rôles. Comme, de surcroît, le scénario est un des plus beaux qu'il m'ait été donné de lire, et que Corneau ainsi que Depardieu étaient de la partie, mes hésitations se sont vite évanouies.

Qu'est-ce qui vous a séduite dans le personnage de Louise Tissot que vous incarnez ?
J'ai d'abord été attirée par le côté moderne du personnage, l'idée que cette journaIiste s'engage et prenne des décisions, chose qui n'est pas courante à l'époque où se déroule l'intrigue. Louise est tout sauf une femme conventionnelle. Elle éprouve une très grande curiosité envers Saganne, un homme qui est assez éloigné d'elle, mais chez qui elle sent une grande force et une pureté qui l'attirent. Le personnage de Louise est superbe et, malgré le fait qu'on la voit finalement très peu à l'écran, son importance est grande dans l'histoire elle-même.

"Fort Saganne" marque votre quatrième rencontre cinématographique avec Gérard Depardieu...
J'espère que ce ne sera pas la dernière. J'aimerais beaucoup tourner une comédie avec lui. Nous y pensons sérieusement.

Etes-vous d'accord avec cette phrase qu'on lui doit : "Deneuve c'est le mec que j'aurais aimé être" ?
Pour moi, Gérard est bien sûr un homme très viril. D'un autre côté, c'est aussi un acteur très féminin ! Alors, je crois qu'il est sensible à ma féminité car il la comprend parfaitement. J'ai des relations simples, fraternelles et ouvertes avec lui, il n'y a pas de chichis entre nous.

Croyez-vous à la notion de "couple cinématographique" ?
Absolument. J'y crois complètement et j'y ai toujours cru. Je fonctionne comme cela, en tant que spectatrice. C'est surtout une question de chimie. Je pense par exemple aux couples formés par Grace Kelly et Cary Grant, Vivien Leigh et Marlon Brando, ou encore Isabelle Adjani et Alain Souchon. Il y a également des acteurs qui ne fonctionnent pas lorsqu'ils sont mis face-à-face. Pour qu'un couple cinématographique soit réussi, il faut que le public souhaite vous réunir, peu importe si c'est l'espace d'une demi-heure, une heure ou plus. Il faut aussi, quelle que soit l'histoire du film, que les spectateurs désirent vous voir ensemble à la fin.

Comment expliquez-vous que le couple Alain Delon - Catherine Deneuve n'ait pas fonctionné dans "Le choc" de Robin Davis ?
Je pense que nous n'avons pas tourné le film que nous devions vraiment faire ensemble. Si nous devions retourner dans un même film, Alain et moi, je crois qu'il vaut mieux que nous le fassions en tant que personnages antagonistes. Pour en revenir au "Choc", je reconnais que le tournage s'est avéré difficile. Je ne me suis pas bien entendue avec Robin Davis. J'étais malheureuse…

Vous avez affirmé un jour...
Affirmé… J'affirme rarement des choses (rires). Ce n'est pas que je n'aime pas me prononcer, mais le côté solennel des entretiens écrits me gêne. Ces choses-là sont gravées comme si on faisait des déclarations alors, qu'en fait, on ne répond qu'à des questions.

Vous avez donc dit un jour que vous n'aimiez pas trop vous retourner sur votre carrière. Pourquoi ?
Le passé ne m'intéresse pas beaucoup, car il ne m'apporte rien On m'oblige souvent à en parler lors des interviews, mais je préfère regarder devant moi, sur les côtés aussi, rarement derrière. Cela, en ce qui concerne ma profession, bien sûr, pas dans la vie.

On sait que vous avez eu la chance de tourner avec des réalisateurs tels que Polanski, Truffaut, Demy, Buñuel et Rappeneau, entre autres. Vous avez failli être dirigée par Alfred Hitchcock et Maurice Pialat. Parlez-nous de ces rencontres qui ne se sont pas faites.
En ce qui concerne Hitchcock, il était question qu'il me dirige dans un film d'espionnage tourné en Suède "The short night". Quant à Pialat, nous avions en projet de tourner un film tiré de "La chambre bleue", le roman de Georges Simenon. Les choses ont évolué depuis, mais Pialat est un cinéaste que j'admire depuis longtemps. Il fourmille de projets et le nôtre n'est pas vraiment abandonné, tout dépend de lui.

Qu'en est-il de "Coup de foudre", ce film de Robert Enrico dont vous étiez la principale interprète aux côtés de Philippe Noiret, et dont le tournage fut brutalement interrompu en 1977 ?
Le film a été arrêté parce qu'il était impossible de continuer. il coûtait trop cher. Je serais ravie si on le reprenait, seulement il faudrait faire très vite parce que ce genre de films est extrêmement coûteux à monter et à réaliser, surtout aujourd'hui. Si vous connaissez un producteur, faites-moi signe… (rires).

A propos de réalisateurs, pourriez-vous signer un contrat les yeux fermés pour tourner avec un metteur en scène que vous admirez ?
Oui, s'il y a un synopsis ou un scénario à la base, sinon ça ne correspondrait pas à la réalité. Ce n'est pas une question de manque de confiance, mais de curiosité. Pour qu'un metteur en scène veuille travailler avec des acteurs précis pour un film, il faut qu'il ait déjà ses personnages dans la tête. C'est une base de départ.

Vous avez pourtant tourné deux films avec Claude Lelouch, un réalisateur connu pour modifier les scénarios de ses films.
Lelouch est un cas à part. II est vrai qu'il change la teneur de ses scénarios en cours de tournage, mais il raconte toujours une histoire dans ses films. Il est cependant un des rares à fonctionner ainsi.

Vous dites souvent que vous n'êtes jamais aussi heureuse que lorsque vous travaillez...
C'est absolument vrai et je suis toujours contente quand je m'arrête le soir !

Après vingt ans de cinéma, qu'est-ce qui vous motive le plus dans votre métier ?
Les films, leur côté difficile et aventureux. C'est plus excitant quand on a l'impression de participer à quelque chose de dangereux. Travailler en équipe est devenu une seconde nature pour moi.

Comment conciliez-vous votre maturité et le besoin pour une actrice de se renouveler perpétuellement ?
J'ai la chance de travailler avec des gens qui écrivent, des metteurs en scène qui sont aussi auteurs. Il devient alors évident que cela m'évite de tomber dans des schémas classiques. Je reçois beaucoup de scénarios, mais j'avoue qu'il y en a peu d'intéressants. J'accepte les rôles qui me conviennent, tout simplement.

Cela vous permet peut-être d'éviter ainsi les erreurs de parcours.
Oh, je me suis trompée quelquefois. Heureusement, il y a des erreurs que j'ai faites et que je trouve intéressantes. Je pense notamment à "Ecoute voir" d'Hugo Santiago. un film raté qui m'a cependant permis d'apprendre bien des choses. Tant que j'ai l'impression d'apprendre sur un plateau, ça me va.

Votre expérience de productrice dans "Zig Zig" ne vous a pas entièrement satisfaite. Eprouvez-vous parfois le besoin d'être à l'origine d'un projet ou de faire aboutir une idée à laquelle vous tenez beaucoup ?
Il me semble incompatible qu'un acteur soit aussi producteur. Cela va à l'encontre du sentiment de liberté, de tranquillité et de plaisir qu'éprouvent les comédiens lorsqu'ils jouent. D'ailleurs, j'ai remarqué que les acteurs qui sont aussi producteurs ont souvent l'air soucieux à l'écran. De toute façon, le fait d'être producteur ne s'arrête pas à ce besoin de faire aboutir un projet. Il faut surtout assumer un tas d'autres responsabilités annexes. Cela n'est pas évident quand on est aussi comédien. Personnellement. je préfère que ce soit les metteurs en scène-auteurs qui me soumettent les idées auxquelles ils tiennent.

Etes-vous tentée de passer derrière la caméra ?
C'est une question que l'on me pose de plus en plus souvent, comme si c'était une évolution normale pour une actrice. Je vous répondrai que je pourrais avoir cette idée un jour, si je ne me sentais pas satisfaite en tant que comédienne. Mais être réalisatrice tout court ne me suffirait pas. Il faudrait alors que j'écrive, et cela, je ne l'envisage franchement pas pour l'instant. Remarquez, il n'y a pas beaucoup de réalisatrices-actrices en France, à l'exception de Jeanne Moreau et de Juliet Berto.

Comment conciliez-vous une nécessité inhérente aux acteurs qui consiste à vouloir plaire au public et votre goût de la réserve qui vous fait mettre des barrières entre ce public et vous ?
C'est comme dans la vie : il y a certaines choses que l'on veut bien faire et d'autres pas. En ce qui concerne mon métier, je fais des choses qui me paraissent aller dans le sens de ce qui me plaît. Je me fixe des limites assez vite car je ne cherche pas à séduire à tout prix. On me trouve sympathique ou antipathique, mais y a des démarches que je ne peux pas effectuer dans le souci d'une plus grande popularité, ça ne fait pas partie de mon caractère.

Votre légende de "femme glacée" s'estompe aujourd'hui auprès du public. Comment le percevez-vous ?
Froide, glacée, le feu sous la glace (rires). On finit par s'y habituer. A la limite, je crois qu'on n'y penserait plus tellement si certains journalistes ne le rappelaient pas de temps en temps. Je crois que cette image s'estompe car comme j'apparais un peu plus souvent à la télévision, cela crée un contact plus chaleureux que les interviews écrites. D'autre part, la tendance des articles va aujourd'hui, beaucoup plus dans un sens personnel. Les interviews s'éloignent du schéma classique questions-réponses et deviennent des espèces de mini-analyses. Je ne suis pas pour systématiquement. Sauf si c'est fait par quelqu'un que je connais bien ou en qui j'ai entièrement confiance.

Les rôles que vous tenez au cinéma ont également leur importance dans ce changement d'image...
Oui, mais j'ai aussi changé physiquement. Quand on fait du cinéma depuis pas mal de temps, les gens vous connaissent même s'ils ne vont pas vous voir sur grand écran. Vous leur appartenez donc d'une certaine façon, vous devenez quelqu'un qu'ils connaissent mieux.

Pour en finir avec cette fameuse image, est-elle la même aux Etats-Unis où vous êtes célèbre ?
Pour les Américains, je représente davantage l'image de la femme française que celle d'une actrice française. C'est sans doute a cause des rôles qu'on m'a proposés là-bas qui peuvent apparaître stéréotypés. Cependant, je reconnais avoir eu beaucoup de chance car les tournages de mes trois films américains se sont bien déroulés. Que ce soit "Folies d'avril" que j'ai interprêté face à Jack Lemmon, "La cité des dangers" avec Burt Reynolds ou "Les prédateurs" avec David Bowie. Comme Lemmon et Reynolds étaient coproducteurs de leurs films, cela a contribué à faciliter les tournages en question. L'ambiance était différente de celle qui règne généralement dans les grands studios américains.

"Les prédateurs" tient une place à part dans votre carrière anglo-saxonne, avec David Bowie, une rock star, pour partenaire…
Beaucoup de gens ont trouvé "Les prédateurs" comme un film esthétique et agréable à regarder. Moi, je pense que ça va beaucoup plus loin que ces considérations. Je me suis amusée à interpréter ce rôle de vampire, d'autant plus que j'aime assez ce genre d'intrigues et les films d'horreur en général, à la fois en tant qu'actrice et en tant que spectatrice. Quant à Bowie, il possède de réels dons de comédien. D'ailleurs, il existe davantage de chanteurs ou de chanteuses qui ont des possibilités en tant qu'acteurs que le contraire.

Et lorsque ce "contraire" se passe, justement ?
C'est souvent plus difficile. On reste un comédien qui a enregistré un disque alors qu'un chanteur qui joue au cinéma devient vraiment un comédien. Regardez Eddy Mitchell qui, depuis qu'il a tourné "Coup de torchon" avec Tavemier, est aussi considéré comme un acteur.

Où en est votre carrière de chanteuse ?
Ma carrière de chanteuse ne compte qu'un seul disque à son actif (rires). Je compte enregistrer un nouvel album, toujours sous la houlette de Serge Gainsbourg, mais je ne le ferai pas avant l'année prochaine car Serge est tres occupé actuellement.

Quelle importance accordez-vous à la célébrité ?
C'est une chose à laquelle je ne pense pas tellement. En fait, j'en profite beaucoup plus inconsciemment qu'on ne le croit. La célébrité cornporte plusieurs avantages, quant aux inconvénients, j'essaie d'en supprimer un maximum et de vivre d'une façon suffisamment privée pour me protéger. Je ne cherche pas à faire des tours de force pour me sur-protéger.

Vous avez obtenu en 1981 le César de la meilleure actrice pour "Le dernier métro". Un an plus tard, vous présidiez la cérémonie des Césars. Que pensez-vous de ce genre de récompenses et des manifestations comme le Festival de Cannes ?
Avoir un César, c'est mieux que de recevoir une gifle. Non, sérieusement, sur le moment, ça fait plaisir, c'est vraiment agréable et cela peut contribuer à l'éventuelle seconde carrière d'un film. Mais j'avoue que ce César n'a pas changé grand chose pour moi après. Quant au Festival de Cannes, je ne m'y rends pas si je n'ai pas de film à présenter. Je ne suis pas boy-scout, vous savez… Je participe à ce genre de manifestations non pour "défendre" un film, mais parce que ça fait partie de son lancement, au même titre que la promotion.

Alain Corneau et Francis Girod vous imaginent devant les caméras à 70 ans, comme Katharine Hepburn. Envisagez-vous cette éventualité ?
Cette comparaison me sernble être une image exaltante, mais j'avoue que tout cela me semble si loin. Je pourrais m'arrêter dans deux ans. Et quand mon métier ne m'intéressera plus, je m'arrêterai. J'espère que j'en aurai les moyens !

Yves Montand et Alain Delon, pour ne citer qu'eux en France, ainsi que Jane Fonda et Paul Newman aux Etats-Unis, prennent des positions politiques. Pourquoi pas vous ?
Il s'agit là de positions strictement personnelles. Les quatre ou cinq acteurs engagés politiquement en France ne reflètent quand même pas l'ensemble de la profession cinématographique. Les choses sont différentes aux Etats-Unis, du fait de l'organisation des campagnes électorales. Par conséquent, les gens adoptent une attitude différente de celles qu'on peut observer ici.

Passons maintenant à la vidéo. Vous y intéressez-vous ?
Ah oui, absolument. Je possède d'ailleurs deux magnétoscopes VHS. L'un est tri-standard parce que je regrette de trouver tellement peu de films en version originale. L'autre est un JVC VHS.

Enregistrez-vous beaucoup de films de la télé ?
Mon plaisir, c'est de pouvoir différer. C'est-à-dire la possibilité de faire enregistrer des films quand je ne suis pas là, les regarder puis les effacer. Je suis contre l'accumulation de cassettes car plus on en a, moins on a envie de les regarder. Personnellement, je dois avoir entre 200 et 220 cassettes.

Y en a-t-il que vous préférez plus que d'autres ?
Oui, je pense surtout à "La nuit du chasseur" de Charles Laughton, avec Robert Mitchum et Lilian Gish, "Les ensorcelés" de Vincente Minnelli, avec Lana Turner et Kirk Douglas, et tous les films de Marilyn Monroe.

Possédez-vous tous les films dont vous êtes la vedette et qui existent en cassettes ?
J'ai tous ceux que l'on m'a donnés ou ceux qui sont passés à la télévision, mais je me demande pourquoi car ils sont effacés avant même que je ne les regarde. D'ailleurs, je n'ai déjà pas le temps de voir les films que j'enregistre. En plus, je n'aime pas trop me voir, que ce soit au cinéma ou à la télé.

Quels sont vos projets ?
Je tourne actuellement "Paroles et musique" d'Elie Chouraqui, avec Christophe Lambert et Richard Anconina. Deux jeunes acteurs formidables. J'ai un projet de film avec André Téchiné, "Vent du désert", dont l'histoire se déroule en Algérie. J'attends également le scénario d'une comédie que Jean-Paul Rappeneau est en train d'écrire et où je pense avoir Isabelle Adjani pour partenaire.

Et la collection de bijoux que vous dirigez ?
Cette collection s'agrandit actuellement. Elle vient d'être présentée aux Etats-Unis avant de l'être au Brésil cet été et au Japon l'année prochaine. Je suis très gâtée car je ne m'occupe que du côté artistique, des dessins et des créations.


Par : Alain Grasset et Camilio Daccache
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Films associés : Fort Saganne, Le choc, Le dernier métro, Paroles et musique, Ecoute voir, Zig-Zig, Les prédateurs



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