"Je
fonctionne aux coups de cur" |
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"Fréquence meurtre"
en vidéo (la Guéville) et "Drôle d'endroit pour
une rencontre" en salle, deux drôles de films pour une drôle
d'interview.
Depuis plus de vingt-cinq ans,
Catherine Deneuve mène une carrière remarquable. Son statut
de star ne s'est jamais démenti. Seule peut-être Isabelle
Adjani a cette aura, ce petit truc en plus, qui transforme une bonne comédienne
en vedette internationale. Aujourd'hui, Catherine Deneuve a une double
actualité, la sortie de "Fréquence meurtre" en
vidéo (La Guéville) et celle, il y a quelques semaines,
de "Drôle d'endroit pour une rencontre" en salle. Une
double occasion de rencontrer (pour trop peu de temps) celle qui reste
la valeur sure parmi les comédiennes françaises. Quand la
séduction se conjugue avec le talent et un caractère bien
trempé.
1988 est pour vous l'année
des premiers films, "Fréquence meurtre" pour Elisabeth
Rappeneau et "Drôle d'endroit pour une rencontre" pour
François Dupeyron. Pourquoi prendre encore des risques lorsqu'on
a tourné avec les plus grands metteurs en scène ?
J'ai toujours l'impression qu'on parle des risques en ne voyant que l'aspect
positif, mais il faut aussi envisager l'échec. Si j'ai fait ces
deux films dans la même année, c'est simplement le hasard.
Une fois que le tournage débute, on oublie la notion de risques.
C'est comme le mot carrière, il faut le mettre souvent de côté
si l'on veut évoluer, faire des choses qui vous passionnent.
Comment préparez-vous
un rôle aussi tourmenté que celui de "Fréquence
meurtre" ?
J'essaie d'être très en forme physiquement. C'est important
pour moi d'être pleine d'énergie lorsque je tourne un film
où il y a beaucoup d'émotions à faire passer. Ca
me permet de sortir des scènes pas trop ébranlée.
"Fréquence meurtre" a été un film difficile
à faire.
Vous en êtes donc sortie
épuisée ?
J'étais vidée. Je n'ai eu que deux ou trois mois, ce qui
est peu pour moi, avant d'enchaîner avec le film de Dupeyron. Il
faut savoir qu'il est parfois pénible de se sortir d'un rôle.
On en garde souvent des soubresauts pendant une longue période.
"Fréquence meurtre"
a une trame plutôt classique dans le genre policier. Trouvez-vous
que l'adaptation du livre, d'origine américaine, est bien conçue
pour un public français de plus en plus exigeant ?
On aime ou on n'aime pas cette structure dassique, mais on peut dire que
l'adaptation d'Elisabeth Rappeneau est très rigoureuse et très
forte, c'est son film d'auteur. Les dialogues d'Audiard sont excellents.
Je trouve que I'histoire américaine est parfaitement transposée
à la mentalité française.
Eternelle question. On parle
depuis toujours de la crise du cinéma français. Pensez-vous
qu'actuellement, il s'agit plus d'une crise de fréquentation conjoncturelle
qu'une crise de création, comme le considèrent un certain
nombre de producteurs et de metteurs en scène ?
Écoutez, ça fait vingt ans que j'entends parler de la crise
du cinéma, de la mort de la Nouvelle Vague et du manque de beaux
rôles pour les femmes. Il y a effectivement une crise de fréquentation,
les chiffres sont là pour le prouver, mais pas un réel problème
de création Cela dit, c'est un peu au niveau de l'écriture
que les difficultés apparaissent en France. Il y a quand même
des scénarios qui pourraient être plus élaborés,
plus travaillés. Il y a beaucoup de films qui sortent, et la sollicitation
du public est peut-être trop importante. Aujourd'hui, il y a les
gros succès et les films qui ne fonctionnent pas. Entre ces deux
extrêmes, il ne reste pas beaucoup de place. Et puis, la majorité
des gens sort rarement et se contente de voir les films à la télévision,
qui sont de plus en plus nombreux.
Que pensez-vous de la coupure
des films par des spots publicitaires ?
Je n'ai pas un réel plaisir à voir des films à la
télévision et je suis donc une spectatrice hors normes.
Je trouve que, pour certains films, c'est catastrophique dans la mesure
où ça interrompt I'action dramatique. Pour d'autres films,
ça a peut-être moins d'irnportance. Cette pratique reste
tout de même une amputation dommageable de l'uvre.
Vous allez donc souvent dans
les salles de cinéma pour voir les films de vos confrères...
J'y vais énormément. C'est une véritable passion.
Mes propres films, je n'aime pas beaucoup les voir. Ils ont leur carrière
et de toute façon je ne peux pas y changer grand chose.
Vous êtes la Française
la plus connue dans le monde. Comment expliquez-vous ce succès
alors que vous n'avez pas tourné énormément à
l'étranger ?
J'ai tourné à l'étranger bien plus que de nombreuses
comédiennes, mais c'est surtout la publicité qui m'a fait
connaître sur le plan international. Il y a aussi les films de Jacques
Demy qui, par exemple, ont eu un énorme succès au Japon.
Aux Etats-Unis, les gens ont encore en mémoire le film publicitaire
de Chanel qui a déjà une douzaine d'années. Pour
mon parfum, je vais souvent là-bas et j'y fais de nombreux "talk
shows". Les Américains sont habitués à me voir
régulièrement.
Vous n'avez jamais envisagé
de faire une carrière aux Etats-Unis ?
Comme je vous l'ai dit, je ne pense pas beaucoup en terme de carrière,
mais plutôt en terme de films et de projets. Je fonctionne aux coups
de cur. Je ne dis pas que j'aurais refusé de faire carrière
aux Etats-Unis. Je n'ai simplement pas envie de m'installer là-bas
de longs mois. Cela ne m'empêche pas d'être heureuse d'y travailler
comme ce fut le cas, en 1982, pour "Les prédateurs" de
Tony Scott.
Revenons à "Drôle
d'endroit pour une rencontre". C'est, je crois, Gérard Depardieu
qui vous a proposé le scénario, mais il ne voulait pas jouer
le rôle masculin. Pourquoi a-t-il enfin accepté, et comment
a fonctionné votre duo sur le plateau ?
Au départ, Gérard désirait uniquemenI produire le
film parce qu'il n'était pas sûr de vouloir tenir ce rôle.
Et puis, il avait d'autres projets en tête. François Dupeyron
a donc attendu que Gérard soit libre. Sur le tournage, c'est quelqu'un
de fort qui pousse ses partenaires et qui apporte beaucoup au film. Il
est très généreux.
Il y a eu, récemment,
une crise dans l'audiovisuel. Comment avez-vous réagi ?
Ce n est pas mon truc. Je refuse de polémiquer sur le sujet. C'est
une question qui m'intéresse et j'en discute dans la vie. Mais
mes réflexions resteront sur le plan strictement privé.
Utilisez-vous votre magnétoscope
pour enregistrer des films ou pour visionner des cassettes préenregistrées
?
Je vous l'ai dit, je préfère voir d'abord les fims en salle.
Il n'y a aucune commune mesure entre le grand et le petit écrans.
Au début, j'enregistrais énormément de programmes
mais n'ayant pas le temps de les regarder, j'ai progressivement cessé
d'utiliser mon magnétoscope.
Quels sont vos projets pour
1988 ?
Je vais faire un film avec André Téchiné, au début
de l'année prochaine. J'ai d'autres projets qui ne sont pas concrétisés.
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