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"Je me
réjouis d'être à nouveau entourée de très
jeunes enfants" |
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Une journée très ensoleillée à
Los Angeles. Catherine Deneuve, the "French Icon", comme disent
les Ricains, est venue faire la promotion des "Voleurs", d'André
Téchiné. Entre la salle de conférence de presse,
où elle répondait aux journalistes locaux, et avant de s'engouffrer
dans sa limousine noire qui devait filer à l'aéroport, Ciné-Télé-Revue
a pu s'entretenir avec la star. Interview sans cliché.
"Le Iieu du crime", "Ma saison
préférée" et, il y a quelques semaines, "Les
voleurs". Dites-nous, entre André Téchiné et
vous, c'est le grand amour ?
J'ai commencé à travailler avec lui il y a quinze ans. Nous
sommes devenus très proches. Lorsqu'il m'a proposé "Les
voleurs", j'ai signé, et pour la première fois de ma
vie, sans même avoir lu le scénario. Après "Ma
saison préférée", André Téchiné,
Daniel Auteuil et moi-même souhaitions collaborer à nouveau
ensemble. La désir de nous retrouver était si fort que nous
avons accepté ce projet sans même savoir de quoi iI s'agissait.
Interpréter une lesbienne,
ça ne vous a pas semblé trop difficile, voire contre nature
?
Je n'étais pas effrayée du tout. Simplement anxieuse parce
que je ne possédais aucune référence en la matière,
si je puis m'exprimer ainsi.
C'était un rôle
assez casse-gueule, non ?
Si je vivais en Amérique, j'aurais peut-être refléchi
à deux fois avant de l'accepter. Les gens sont très conventionnels
aux Etats-Unis. En interprétant une lesbienne, il y aurait eu de
grands risques d'être assimilée ainsi. C'est plutôt
embarrassant, non ? Les Européens sont plus ouverts d'esprit, plus
conscients des réalités de la vie. Ils comprennent qu'il
ne s'agit que d'un film et non d'une transposition de votre propre vécu
!
Pour la première fois,
après des années de silence, d'introspection, vous levez
le voile sur votre sur et sur la douleur profonde qu'a provoquée
sa disparition. Pourquoi avoir attendu trente ans pour en parler ?
On m'a simplement donné l'opportunité de le faire. Et j'en
avals l'envie. Quelque part... le besoin. Je ne voulais pas que le souvenir
de Françoise s'efface, qu'il se dilue dans l'oubli. Je voulais
que la nouvelle génération sache qui elle était,
ce qu'elle représentait à mes yeux. Françoise me
manque. Sa présence, son souffle, ses rires sont toujours ancrés
très fortement en moi. Vous savez, nous étions si proches
l'une de l'autre, si surs, si indissociables !
Votre fille, Chiara, attend
un heureux événement [pour le mois de janvier 97]. Etre
grand- mère, cela vous fiche-t-il le bourdon ?
(Rires.) Au contraire, je me réjouis à l'idée d'être
à nouveau entourée de très jeunes enfants. Leur omniprésence,
leurs cris vous réchauffent le cur, particulièrement
au moment des fêtes de Noël. Ils vous insufflent un supplément
de vie.
Une nouvelle folie s'est emparée
des femmes américaines : le cigare. Etes-vous une adepte ?
Non. Je vais même vous dire : cette mode m'inquiète car elle
symbolise quelque part un malaise social aux Etats-Unis. Le reflet d'une
société qui va jusqu'aux extrêmes parce qu'elle est
trop figée dans ses interdits. En France, je connais très
peu de femmes accros aux cigares, peut-être parce que, contrairement
à l'Amérique du Nord, nous ne sommes pas aussi rigides vis-à-
vis de la cigarette. Si les dames fument aujourd'hui le cigare, c'est
pour afficher leur égalité avec les hommes, mais surtout
pour suivre un mouvement, une mode qui consiste à afficher sa réussite
sociale. Le cigare, c'est aussi un moyen de se donner bonne conscience,
une sorte d'alibi dans un pays où fumer une cigarette est devenu
un geste qu'on assimile à un crime. Je peux aisément comprendre
que l'on interdise de fumer dans le but de protéger l'environnement,
sa santé et, en particulier celle des enfants, mais j'ai été
récemment très choquée d'apprendre qu'un jeune garçon
a été exclu d'un établissement scolaire pour avoir
embrassé une fille sur la joue. Où va-t-on ? J'aurais aimé
pouvoir débattre de ce sujet à la télévision.
Vous imaginez le traumatisme ressenti par cet enfant ? Comment voulez-vous
que, dans le futur, il construise des relations normales, et particulièrement
avec les femmes ? Cette décision est une hypocrisie monstrueuse.
Je suis scandalisée.
L'actrice Goldie Hawn a déclaré
récemment que pour réussir à Hollywood, iI fallait
soit être une starlette aux gros seins, soit une très vieille
dame, genre Miss Daisy. Un commentaire ?
De nombreuses comédiennes, en effet, se plaignent des difficultés
liées à l'âge. Le désir de rester jeune tourne
ici, en Californie, à l'obsession. Cela dépasse les limites
de l'entendement. Fort heureusement, en Europe, les hommes et les femmes
mûrs sont appréciés par le public. Ils représentent
une sorte d'accomplissement, d'aboutissement, de réalisation de
soi. La maturité est gratifiante, attirante même. En tout
cas, pour moi, ce n'est pas une tare. Rester jeune à tout prix,
vous ne trouvez pas cela terrifiant ?
Vous êtes une très
belle femme. Quel est le secret de votre fraîcheur, de votre beauté
?
(Rires.) Etes-vous sure de bien m'avoir regardée ? J'ai pris un
peu de poids, je me suis épaissie. Non, non, cessez de me mentir.
Ou de vous mentir ?
La forme, pas les formes, ce
n'est pas un de vos préceptes ?
Pour être honnête avec vous, je ne suis pas une hystérique
du sport. De nature, je suis nerveuse, tendue, j'ai donc besoin de me
relaxer. Je fais quelques exercices pour soulager mes douleurs de dos
et je pratique aussi le stretching avec l'aide d'un professeur. Cela dit,
je suis pleinement consciente que je devrais me mettre au régime.
Mais, vous savez, après toutes ces années d'efforts pour
soigner mon physique, ma présentation, j'ai tendance aujourd'hui
à me laisser un peu aller. Je ne suis plus aussi stricte que par
le passé. Par chance, je suis une personne très dynamique.
Je ne tiens pas en place, je suis très active, si bien que je reste
en forme tout naturellement !
Votre statut de mégastar
vous permet-il encore de faire vos courses ?
Absolument Je vais même vous étonner. Je fais mon marché
le dimanche matin, je vais au hammam, au cinéma, et tout cela à
pied. Ça n'a rien d'étonnant. Je vis à Paris dans
le même quartier depuis quinze ans. Les gens sont habitués
à me voir déambuler. Ils me laissent tranquille, et me respectent.
J'imagine mal cette liberté à Hollywood.
Avez-vous lu les Mémoires
de Brigitte Bardot ?
Non. Et Je ne les lirai pas !
Pourquoi ? Parce qu'elle n'est
pas très tendre ?
Ohhhh, je ne suis pas surprise. Vous l'êtes, vous ? Brigitte Bardot
n'a jamais été très sympathique avec les êtres
humains en général. Ni sympathique tout court. C'est une
misanthrope.
Elle aime au moins les animaux...
Oui. Mais, je me méfie des gens qui leur vouent une telle adoration
!
N'apprécieriez-vous pas
les animaux ?
Bien sûr que si, mais quand j'accorde des interviews, je parle davantage
de mes amis, des gens que j'aime, que de mes animaux domestiques. Non,
décidément, Brigitte Bardot est trop étroite d'esprit.
Et pour revenir à votre question, je n'ai pas lu son livre, et
je n'ai pas l'intention de le faire. Je trouve toute cette affaire pathétique.
Quelles relations entretenez-vous
avec Roger Vadim, le père de votre fils, Christian ?
Aucune. Il est le père de mon fils, une... relation, un point c'est
tout. Nous ne nous voyons jamais. Sauf pour le mariage de Christian. Là...
c'était incontournable. A part cet événement familial,
nous n'avons pas l'occasion de nous rencontrer, de nous fréquenter.
Nos vies sont très éloignées l'une de l'autre. Et
c'est bien ainsi...
Seriez-vous partante pour vous
marier à nouveau ?
C'est amusant. Il y a bien longtemps qu'on ne m'a posé cette question.
Eh bien, je peux être amoureuse sans pour autant envisager le mariage.
On divorce si vite de nos jours. Cela dit, je n'ai rien contre. J'ai marié
mon fils, comme je vous le disais à l'instant. J'étais d'ailleurs
assez surprise, Christian ne m'en avait pas parlé... Et moi qui
pensais qu'il était du genre à ne jamais mettre une bague
au doigt ! Néanmoins, j'étais très heureuse. J'aime
beaucoup sa femme. En ce qui me concerne, si vous voulez tout savoir,
je ne suis pas seule actuellement et je vais très bien, merci !
Envisagez-vous de retravailler,
un jour, à Hollywood ?
Pourquoi pas ? Mais jusqu'à présent, j'avoue que les propositions
qui m'étaient adressées étaient plutôt inintéressantes,
inconsistantes. Et puis, de nombreux projets me retenaient en Europe.
Participer à un film aux Etats-Unis, simplement pour dire qu'on
fait partie de la distribution, cela n'a aucun sens à mes yeux.
Vous pourriez vivre loin de
Paris ?
J'aime voyager. Mais quitter définitivement la capitale, ça,
jamais.
On vous dit froide, distante...
Je ne suis pas gaie, gaie, mais iI m'arrive de
rire, rassurez-vous !

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Par : Delphine et Franck
Rousseau
Photos :
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Film associé
:
Les
voleurs


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